Déconfinement : comment nos voisins européens et leurs entreprises se préparent à l’étape « d’après » – aef info

Alors qu’un déconfinement progressif débute en France à partir du 11 mai 2020, les entreprises se préparent à faire revenir leurs salariés sur leur lieu de travail lorsque cela est possible. Au-delà de nos frontières, d’autres pays s’organisent également, les entreprises revoyant leurs méthodes de travail pour assurer la santé et la sécurité des salariés, tout en permettant la continuité ou la reprise de l’activité économique. Tour d’horizon des initiatives pour préparer l’après-crise chez nos voisins européens.

En Europe, si chaque État a son propre calendrier, l’Union européenne est également active dans le déconfinement. Le 15 avril dernier, la Commission présentait ainsi, en coopération avec le président du Conseil européen, une feuille de route en vue de la « levée graduelle des mesures de confinement » (lire sur AEF info). Comme cela sera le cas en France et dans d’autres pays, le retour à l’emploi devra être progressif, y indique la Commission.

L’ESPAGNE ET L’ITALIE, PAYS LES PLUS TOUCHÉS

Chez nos voisins directs du sud de l’Europe, plus durement touchés par l’épidémie que les autres pays européens comme l’Espagne, le temps de la reconstruction a commencé malgré un marché de l’emploi dégradé.

Au lendemain du début officiel du déconfinement, acté pour le 4 mai, le ministère du Travail annonçait une hausse de près de 8 % du nombre de chômeurs au mois d’avril par rapport à mars, les prestations sociales versées garantissant actuellement le revenu de 22 % de la population active. Des chiffres records, alors que certains travailleurs ont déjà retrouvé le chemin du travail depuis le 13 avril dernier. Pour les y aider, le 11, le gouvernement publiait un guide actualisé, répertoriant les bonnes pratiques pour un retour à l’emploi efficace.

La fin du mois d’avril aura été marquée par une volonté de travailler sur l’après-crise. Dès le 21, la ministre du Travail espagnole Yolanda Diaz souhaitait lancer, en collaboration avec les forces politiques du pays, des travaux en vue de créer « un grand accord contre la précarité », insistant sur le fait que la crise actuelle ne pouvait aggraver les différences sociales déjà existantes dans le pays. Le Premier ministre, Pedro Sanchez, quant à lui, réitérait également son idée de se mettre d’accord avec les forces politiques sur les grandes lignes de la reconstruction sociale et économique du pays pour les années à venir.

Dans les entreprises également, les employeurs s’organisent pour préparer la suite. En témoigne par exemple le lancement par la marque Vodafone, l’une des plus grandes entreprises espagnoles du secteur des télécommunications, d’un système permettant à l’ensemble de ses collaborateurs des centres d’appels de pouvoir travailler de chez eux 100 % du temps.

La fin des mesures de confinement et le retour « à la normale » sont prévus pour la fin juin par le gouvernement, avec quatre grandes phases, sans dates fixes pour les réaliser, avec tout de même des paliers d’environ deux semaines prévus pour chacune.

En Italie, la « phase 2 » du déconfinement a débuté lundi 4 mai 2020. Pour la vie sociale, le gouvernement insiste sur l’importance de maintenir la distanciation sociale d’1 mètre minimum, même entre les membres d’une même famille : « Si tu aimes l’Italie, garde les distances », a résumé le Premier ministre, Giuseppe Conte, au cours d’une conférence de presse mise en ligne le 26 avril 2020. Dans la même conférence, le chef du gouvernement italien a également évoqué de nouvelles aides pour les entreprises, notamment celles de moins de 10 salariés.

Le 4 mai, certaines sociétés se sont remises en activité, notamment les industries manufacturières, le secteur de la construction et celui du commerce de gros. Pour le commerce de détail, la plupart des entreprises devront attendre le 18 mai, tandis que pour les bars, restaurants, et salons de coiffure et massages, la date de réouverture est prévue le 1er juin.

La reprise du travail dans les entreprises va s’accompagner de nouveaux modes d’organisation, un groupe d’experts devant en dessiner les contours. Entre-temps, les employeurs disposent de plusieurs ressources pour organiser l’activité. Tout d’abord, le protocole signé avec les partenaires sociaux à la mi-mars, et renouvelé le 24 avril, sur les conditions de travail dans les entreprises pendant la crise sanitaire. Parmi les principes qu’il fixe, on peut citer :

L’entrée régulée en entreprise : chaque salarié doit se soumettre à une prise de température, et ceux qui sont positifs ou suspectés positifs au Covid-19 n’y ont pas accès. Des parcours et des temps définis doivent être communiqués aux livreurs, qui ne doivent pas accéder aux bureaux. Les entreprises sous-traitantes doivent informer le donneur d’ordre des éventuels malades parmi les salariés travaillant sur site.

La protection individuelle : le gel hydroalcoolique et/ou le savon doivent être accessibles pour les salariés, qui doivent porter des masques et respecter les règles de distanciation.

L’organisation du travail : le télétravail reste la modalité privilégiée. Mais pour la production, les entreprises peuvent organiser des roulements entre les équipes, et revoir leurs niveaux de production.

Ce protocole a été ensuite décliné dans plusieurs secteurs : le BTP, les transports et la logistique, les transports en commun.

Autre ressource, liée à la première : le rapport « Entreprises ouvertes, travailleurs protégés », rédigé par le Politecnico de Turin. Ce document de 180 pages veut fournir un « cadre de référence, au niveau procédural, organisationnel et technologique, visant à minimiser les possibilités de transmission » du virus.

À noter que le 1er mai dernier, la ministre du Travail, Nunzia Catalfo, a par ailleurs indiqué, dans une interview accordée au quotidien La Repubblica, que l’interdiction des licenciements, décidée en mars jusqu’à mi-mai, sera prolongée de trois mois supplémentaires. « Il n’y a pas de raison de se séparer de salariés en activité partielle », a-t-elle déclaré.

EN BELGIQUE, DU PAS À PAS

En Belgique, le déconfinement a débuté le 4 mai 2020, et se poursuivra le 11 mai avec la réouverture des commerces, à l’exception des cafés-restaurants. En amont, le 23 avril, un guide global réalisé conjointement par le gouvernement et les partenaires sociaux du Conseil supérieur pour la prévention et la protection au travail, a été publié avec une « check-list » permettant un retour au travail en toute sécurité. Un document qui a été actualisé le 7 mai 2020, et complété, comme en France, de guides par secteurs et d’une liste de conseils pour l’ouverture des commerces.

Dans les transports, le masque deviendra obligatoire le 11 mai, leur usage étant réservé aux personnes qui ne peuvent faire autrement. À Bruxelles, 10 000 masques seront distribués aux entreprises par la chambre de commerce. Dans le pays, certains secteurs ont déjà repris une activité poussée. C’est le cas de la construction par exemple. Selon une enquête diffusée le 6 mai 2020 par la confédération Construction belge, 81 % des entreprises de construction ont entièrement ou presque entièrement repris leurs activités.

LA SUISSE PLUS AVANCÉE

En Suisse, la première étape du déconfinement a eu lieu le 27 avril dernier, avec un assouplissement des restrictions « pour les activités qui n’impliquent que peu de contacts directs, qui n’occasionnent pas de flux importants de personnes et pour lesquelles il est facile de mettre en place des plans de protection », précise le Conseil fédéral dans un communiqué du
16 avril.

Cette date marque donc la réouverture des cabinets médicaux, des salons de coiffure et de massage et des instituts de beauté, des magasins de bricolage, jardineries, pépinières et fleuristes, « à condition toutefois de garantir la sécurité des clients et des employés ». Peuvent aussi rouvrir leurs portes, les magasins d’alimentation qui proposent d’autres marchandises que les biens de consommation courante. Enfin, les hôpitaux ont été autorisés à pratiquer toutes les interventions, « y compris celles qui ne sont pas urgentes ».

L’assouplissement des règles s’accompagne d’une recommandation ou d’une obligation de porter un masque, selon la branche professionnelle.

Lundi 11 mai, s’ouvre la deuxième étape du déconfinement, avec la réouverture des écoles primaires et secondaires, des magasins, des marchés, des musées et des bibliothèques, précise le conseil fédéral le 29 avril. « L’offre des transports publics sera massivement augmentée ». Les restaurants rouvriront leurs portes, mais en respectant des conditions strictes : pas plus de quatre personnes par table, ou des parents avec leurs enfants, et deux mètres de distance entre chaque table, ou une isolation avec séparation. Enfin, « à partir du 11 mai, les demandes présentées avant le 25 mars par les travailleurs de la zone UE/AELE et des pays tiers seront traitées en priorité ».

Pour ce nouvel assouplissement, le gouvernement a « tenu compte de l’importance économique de chaque secteur et de la possibilité de prendre facilement des mesures de protection ». Les règles de distanciation sociale et d’hygiène continuent de s’appliquer par ailleurs.

La prochaine étape est fixée au 8 juin : le conseil fédéral se prononcera alors sur les rassemblements de plus de cinq personnes, sur l’ouverture des institutions culturelles, et des remontées mécaniques notamment. D’autres décisions pour l’été seront prises le 26 juin.

À noter que la Suisse devrait bénéficier d’une application numérique pour relever les contacts prolongés avec des personnes infectées. « Les informations fournies par cet outil, dont l’utilisation sera facultative et qui n’exploitera ni données personnelles ni données de localisation, seront visibles uniquement par l’usager », précise le conseil fédéral. « Par ailleurs, l’application ne sera utilisée que pendant la durée de l’épidémie. »