Conférence sur l’avenir de l’Europe : un manque de visibilité – EURACTIV.fr

Grain de sel Gabriel : Lancée à l’occasion de la Journée de l’Europe, le 9 mai 2021, la Conférence sur l’avenir de l’Europe propose une grande réflexion sur les priorités et les futurs défis de l’Union européenne.

Elle a débuté par de vastes consultations régionales sur l’avenir de l’Europe et se poursuit avec les panels citoyens, tirés au sort pour être le plus représentatif possible. Après deux mois de consultations, la contribution de la France commence à prendre forme grâce à une première synthèse composée de 1120 propositions d’actions concrètes et de 464 changements regroupés en 14 thèmes.

L’Union européenne, qui se voit si souvent reprocher un déficit démocratique, se prête aujourd’hui à un exercice démocratique inédit, ouvert à tous les citoyens par le biais d’une plateforme numérique multilingue.

Pourtant, les citoyens savent-ils bien ce dont il s’agit ? En connaissent-ils au moins l’existence ? Alors que la France s’apprête à prendre la présidence du Conseil de l’Union européenne, il est regrettable de constater le cruel manque de visibilité de la Conférence sur l’Avenir de l’Europe, aussi bien dans le débat public que dans les médias. Dès lors, comment mobiliser les citoyens, et en particulier les jeunes, pour parler d’Europe ?

Les attentes de quelques-uns et le peu de publicité de l’évènement pèsent sur la Conférence sur l’avenir de l’Europe. Ce manque de visibilité est dû au désintérêt d’une grande partie du monde politique et, par conséquent, de la plupart des médias. Par ailleurs, certains gouvernements ne souhaitent pas que la conférence acquière une plus grande importance, d’où l’intérêt pour eux de de ne pas y accorder trop d’attention.


Christian Moos est secrétaire général de l’Europa-Union Allemagne.

Parmi les personnes ayant le plus d’attentes concernant cette conférence, les fédéralistes européens, que je représente en tant que secrétaire général de l’organisation non partisane Europa-Union en Allemagne, figurent sans aucun doute en bonne place. Tout comme le Comité économique et social européen, cet organe consultatif de l’UE au sein duquel les partenaires sociaux les plus importants et des associations représentatives de la société civile élaborent des recommandations communes sur les initiatives législatives européennes. Dans le cadre de la séance plénière de la conférence, je suis membre du CESE.

Le traitement dévolu à cette conférence donne à réfléchir. Les séances plénières et les groupes de travail se réunissent rarement et se perdent dans une multitude d’intérêts individuels. Les plateformes en ligne reçoivent peu d’attention. Dans les forums citoyens paneuropéens, les citoyens tirés au sort donnent une image peu représentative de l’état d’esprit de ce que les gens attendent de l’Europe et de la manière dont l’UE devrait procéder. Les partisans de la démocratie directe s’en réjouissent et souhaitent que les conseils de citoyens deviennent la norme dans une UE renouvelée. La plupart des parlementaires impliqués s’en félicitent ou se gardent bien de critiquer ouvertement cette expérience modèle de démocratie participative. Seuls quelques-uns osent exprimer la crainte que de telles tentatives puissent également renforcer les tendances populistes et affaiblir la démocratie représentative.

La conférence ne fait que combler de manière inadéquate le vide politique qui existe déjà depuis plusieurs années. Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne jusqu’en 2019, et les membres pro-européens du Conseil et du Parlement européen avaient lancé un débat sur l’avenir de l’Union après le choc du Brexit. L’Union européenne à 28 avait visiblement atteint ses limites en termes de profondeur d’intégration et de capacité d’action. Le président français Emmanuel Macron a plusieurs fois tenté d’élaborer un grand projet européen, mais n’a pas reçu de soutien suffisant, du moins pas de Berlin. Qu’ils soient justifiés ou non, de puissants intérêts français pourraient également être soupçonnés derrière l’insistance de l’Élysée.

Les tensions et les divisions qui se sont accumulées au cours des années de crise, et ce au moins depuis 2010, paralysent l’UE tant sur le plan interne qu’externe. Même l’accord sur le programme européen « Next Generation », doté de 750 milliards d’euros, ne parvient pas à sensiblement  modifier cette situation. Le fait de demander maintenant aux citoyens ce qu’ils attendent de l’Europe témoigne d’un échec massif des élites politiques, et notamment des différents gouvernements nationaux. La confiance dans les institutions démocratiques ne peut être regagnée de cette manière, d’autant plus que rien ne permet de penser que les souhaits démocratiquement non légitimés des personnes interrogées seront sérieusement pris en compte.

Les institutions européennes, les parlements nationaux et les gouvernements ont la responsabilité de préserver l’ordre européen et de poursuivre l’intégration de manière à ce que l’Europe puisse rester un espace de liberté, de sécurité et de justice, de prospérité et de solidarité.

La conférence a montré jusqu’à présent un kaléidoscope d’attentes européennes. Même si la majorité sont progressistes, le tableau reste fragmenté. La conférence ne sera efficace que si les participants développent une vision commune et se mettent d’accord sur des recommandations qui assureront à nouveau plus de cohésion européenne et plus de capacité européenne à agir sans trahir les valeurs de l’Europe.

C’est seulement ainsi qu’une publicité efficace peut être produite et que ceux qui portent la responsabilité finale de la poursuite de l’intégration peuvent être tenus à des résultats politiques. Outre le Parlement européen, il s’agit avant tout des États membres ou des gouvernements nationaux.

Une clarification s’impose alors : l’Union européenne doit-elle continuer à être une communauté de droit et de valeurs ? La réponse ne peut être que oui. Cette base doit donc être rétablie sans délai. C’est aussi le préalable indispensable à tout nouvel approfondissement de la Communauté. Si les différents États membres ne veulent ou ne peuvent pas s’y conformer, le seul choix possible est celui de la désintégration successive de l’Europe ou de la création d’un noyau libéral-démocratique qui gravite autour d’une alliance mondiale pour la démocratie.

La conférence ne doit pas se perdre dans des détails. Elle doit soulever les grandes questions auxquelles seule une nouvelle convention peut répondre. Il est grand temps d’agir car la crainte que cette conférence ne puisse pas porter ses fruits en raison des divisions intra-européennes est fondée. Toutefois, s’ils venaient à échouer à trouver un consensus sur la question, les États membres qui souhaitent préserver et développer une Europe libre pourront créer une nouvelle et véritable communauté de solidarité, une union politique, un État fédéral européen.

Ceux qui n’en feront pas partie dès le début pourront intégrer cet État une fois certaines conditions remplies telles que le respect de la démocratie et de l’État de droit, ainsi que la volonté de leurs populations respectives de suivre la voie d’une Europe fédérale. Cet État fédéral européen affichera un charisme nouveau et renforcera la démocratie libérale en Europe. Presque aucun peuple, presque aucun pays européen ne voudra rester définitivement en dehors d’un tel État fédéral.

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