Conférence sur l’avenir de l’Europe : la croisée des chemins – EURACTIV.fr

La Conférence sur l’avenir de l’Europe, ou Cofoe, est à la croisée des chemins. La question décisive est la suivante : la Conférence plénière sera-t-elle capable de développer une dynamique de type parlementaire et d’inclure des perspectives précédemment exclues, ou restera-t-elle un salon de discussion politique excluant et risquant d’encourager l’extrême droite ? Par Daniela Vancic et Maarten de Groot.

Daniela Vancic est responsable du programme européen à Democracy International. Maarten de Groot est membre de la campagne pour l’initiative citoyenne européenne. Tous deux font partie de la coalition «  Citizens Take Over Europe  ».

L’approche interinstitutionnelle de la conférence pourrait la rendre très différente de tout autre exercice antérieur de démocratie participative tenté par l’UE. Le fait que les trois institutions clés de l’UE — le Parlement européen, la Commission et le Conseil — se soient conjointement engagées dans cette voie lui confère une pertinence politique pour l’UE.

Cependant, jusqu’à présent, cet engagement conjoint envers la Cofoe — et les principes déclarés de la Conférence, à savoir «  l’inclusion, l’ouverture et la transparence  » — n’a jamais existé que sur le papier. Certains gouvernements nationaux ont tout fait pour retarder la Conférence et en diluer les ambitions. Si cette tension intra et interinstitutionnelle continue à être gérée à huis clos — au lieu d’être canalisée dans le forum public de la Conférence — la Conférence ne pourra pas atteindre les objectifs qui lui ont été fixés.

Cela ne ferait que souligner davantage le déficit démocratique actuel de l’UE, renforcerait le sentiment anti-européen et compromettrait l’avenir de l’Union européenne. Seule une coalition d’acteurs, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la Conférence plénière, peut empêcher que cela ne se produise et faire en sorte que cette conférence soit un succès.

Le rôle de la plénière de la Cofoe

Jusqu’à présent, la Conférence plénière a principalement servi de lieu de débat sur les recommandations des citoyens et les autres contributions de la Conférence. Pour s’assurer que les paroles des politiciens réunis en plénière seront suivies d’actions, il est essentiel que ce débat soit suivi d’un processus transparent et responsable menant à l’adoption finale des résultats de la Conférence.

La Conférence plénière a été chargée d’élaborer ces résultats sous la forme de « propositions au Conseil d’administration », mais comment la Conférence plénière élaborera-t-elle ces propositions ? Il existe très peu d’informations publiques à ce sujet : le règlement intérieur indique que la Conférence plénière doit élaborer des propositions « sur une base consensuelle », précisant que « le consensus doit être trouvé au moins entre les représentants du Parlement européen, du Conseil, de la Commission européenne, ainsi que les représentants des parlements nationaux, sur un pied d’égalité ». (1)

La seule façon pour les groupes de travail et la Conférence plénière de préparer et de décider de ses propositions au Bureau exécutif de la Cofoe de manière pratique, responsable et transparente, tout en respectant simultanément la nécessité d’un consensus entre les quatre composantes institutionnelles de la Conférence plénière, est un processus de vote public bien structuré avec une double exigence de majorité : les décisions doivent être soutenues par une majorité simple de tous les membres de la Conférence plénière, ainsi que par une majorité simple des membres de la Conférence plénière représentant chaque composante institutionnelle de la Conférence (c’est-à-dire le Parlement européen, la Commission, le Conseil, les parlements nationaux).

En raison de sa transparence et de sa responsabilité, nous pouvons l’appeler la «  méthode du Parlement européen  ». Un plan en 6 étapes détaille d’ailleurs comment cette méthode pourrait fonctionner en pratique.

Malheureusement, ce n’est actuellement pas la direction qu’a prise la Cofoe. Bien qu’aucun document n’ait été publié jusqu’à présent, un document ayant fait l’objet d’une fuite indique que les coprésidents se sont mis d’accord sur une position minimaliste typique des négociations interinstitutionnelles : chaque composante institutionnelle sera laissée libre de décider elle-même de la manière dont elle arrivera à sa position sur des propositions spécifiques.

Cette méthode peut être appelée «  méthode du Conseil  », car elle permettra aux différentes composantes institutionnelles de décider de leur position sur les propositions à huis clos, sans aucune transparence sur les positions des membres individuels de la Conférence plénière, et donnera éventuellement un droit de veto à certains des membres représentant les institutions à la Conférence plénière — caractéristiques typiquement et notoirement associées aux procédures du Conseil.

Le risque de favoriser l’extrême droite

Supposons que la Conférence adopte finalement la méthode dite du Conseil. Dans ce cas, la Conférence plénière restera un lieu de discussion — les décisions critiques ne seront pas prises lors des sessions officielles de la Conférence plénière et de ses groupes de travail, mais lors des réunions (à huis clos) des membres représentants les institutions à la Conférence et lors des négociations informelles entre les représentants des différentes composantes institutionnelles.

Cela signifie également que les membres de la Conférence plénière qui n’appartiennent pas à l’une des composantes institutionnelles — 176 sur 449 membres de la Conférence plénière — n’auront aucun pouvoir décisionnel officiel au sein de la Conférence.

La méthode du Conseil ne rendrait pas seulement la Conférence plénière vide de sens, mais elle augmenterait également les chances que la Conférence soit détournée par des forces antidémocratiques : celles-ci seraient en mesure de tirer parti de leur attitude négative à l’égard de la Conférence et de l’UE pour obtenir des concessions importantes lors des négociations sur les résultats de la Conférence.

Même la conception et la mise en œuvre des panels de citoyens européens — censés être l’élément le plus inclusif de cette conférence — montrent comment les forces xénophobes sont prises en charge (voir ce communiqué de presse, en anglais).

Modifier l’équilibre des pouvoirs au sein de la Conférence

La seule façon pour la Conférence d’échapper au scénario catastrophe susmentionné et de devenir un succès est qu’une coalition d’acteurs, tant au sein qu’en dehors de la Conférence plénière, ayant suffisamment de courage politique et de force, remette en question le consensus interinstitutionnel descendant qui domine actuellement le processus de la Conférence.

Une coalition de plus de 130 organisations de la société civile et de membres de la Conférence plénière demande actuellement que la méthode du Parlement européen soit appliquée au processus menant aux résultats de la Conférence, afin de garantir le respect du principe de «  transparence  » de la Conférence. Toutefois, cela ne devrait pas s’arrêter là : la Conférence plénièr ainsi revivifiée, devrait veiller à ce qu’un autre principe fondamental — celui de l’«  inclusivité  » — soit enfin mis en pratique correctement.

Comme les organisations de la société civile l’ont souligné à maintes reprises (voir ce communiqué de presse, cette lettre conjointe au Conseil exécutif et cette lettre de suivi à la plénière de la Conférence), cette Conférence ne peut devenir un succès que si les personnes les plus marginalisées de la société ont la possibilité d’occuper une place centrale dans la Conférence.

Or, la Conférence a largement exclu les communautés marginalisées, contribuant ainsi un peu plus à leur mise à l’écart. Une première étape simple consisterait à inviter le coordinateur Antiracisme de l’UE à la Conférence plénière afin d’explorer comment l’intégration de l’antiracisme et de la diversité peut être appliquée pour développer les résultats de la conférence.

(1) Le mandat des groupes de travail inclutParlement européen  une règle similaire de prise de décision par consensus pour les groupes de travail dans le cadre de leur tâche consistant à fournir «  une contribution pour préparer les débats et les propositions de la Conférence plénière  ».

https://www.euractiv.fr/section/avenir-de-lue/opinion/this-conference-can-still-go-either-way/