La Commission européenne a publié le premier rapport relatif à l’application des règles de concurrence dans le secteur agricole. Le rapport montre que l’action des autorités européennes de la concurrence peut aider les agriculteurs à obtenir de meilleures conditions lors de la vente de leurs produits à des acheteurs à grande échelle ou à des coopératives.
Mme Margrethe Vestager, commissaire pour la politique de concurrence, a déclaré à ce sujet: «Ce rapport fournit de précieuses informations sur l’excellent travail qu’accomplissent les autorités européennes de la concurrence dans le secteur agricole, notamment pour protéger les agriculteurs contre les comportements anticoncurrentiels et pour veiller à ce que les agriculteurs et les consommateurs puissent bénéficier d’un marché intérieur entièrement ouvert.Nous continuerons à travailler de concert avec les autorités nationales de la concurrence.»
M. Phil Hogan, commissaire pour l’agriculture et le développement rural, a déclaré: «Dans le cadre d’une politique axée sur le marché, il est de la plus haute importance de renforcer la position des agriculteurs dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire. Ce rapport met en évidence la manière dont la législation agricole et le droit de la concurrence vont de pair pour parvenir à des résultats plus justes et plus efficaces, à la fois pour les producteurs et pour les consommateurs. N’oublions pas que les agriculteurs ont un statut particulier en matière de droit de la concurrence. Les organisations de producteurs reconnues peuvent les aider à renforcer leur position dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire.»
Les règles de l’Union en matière de concurrence, qui interdisent les accords de fixation des prix ou d’autres conditions des échanges, ainsi que la répartition des marchés, sont applicables à la production et au commerce des produits agricoles. Toutefois, le règlement portant organisation commune des marchés («règlement OCM») contient des dérogations à l’application de ces règles, qui concernent l’ensemble ou une partie des secteurs agricoles ou traitent de situations particulières.
Le rapport publié aujourd’hui par la Commission est le premier à porter spécifiquement sur l’application des règles de concurrence de l’Union au secteur agricole.
Sur la base des enseignements tirés de ce rapport, la Commission poursuivra le dialogue avec les parties prenantes du secteur agricole, ainsi qu’avec les États membres, le Parlement européen et le Conseil, sur les choix politiques de demain concernant l’application des règles de concurrence au secteur agricole. La Commission intensifiera par ailleurs la surveillance qu’elle exerce sur le marché, notamment en ce qui concerne les conventions collectives qui segmentent le marché intérieur.
Les principales conclusions du rapport
L’action des autorités européennes de la concurrence
a) Réalisation d’enquêtes dans le secteur
Les autorités européennes de la concurrence ont mené 178 enquêtes dans le secteur de l’agriculture. Plus d’un tiers d’entre elles concernaient des transformateurs de produits agricoles, le principal groupe de plaignants étant constitué d’agriculteurs.
Près de la moitié de l’ensemble des infractions au droit de la concurrence constatées dans le cadre des enquêtes concernaient des accords sur les prix. Il s’agissait le plus souvent d’accords entre transformateurs concurrents visant à fixer les prix de gros (par exemple, pour le sucre et la farine) ou d’accords entre transformateurs et détaillants visant à fixer le prix de vente au détail (par exemple, pour les produits laitiers, la viande ou l’huile de tournesol). D’autres infractions étaient liées à des accords sur la production, sur des échanges d’informations ou sur la répartition des marchés.
Le rapport a constaté que l’action coercitive des autorités européennes de la concurrence a profité aux agriculteurs en leur permettant d’écouler leurs produits dans de meilleures conditions. En particulier, le rapport fait état de plusieurs cas dans lesquels les autorités européennes de la concurrence ont fait cesser et sanctionné des pratiques employées par des acheteurs à grande échelle pour réduire les prix payés aux agriculteurs. En outre, l’action des autorités européennes de la concurrence a également aidé les agriculteurs à améliorer les conditions de leurs transactions avec les coopératives.
b) Protection du marché intérieur
L’une des principales conclusions du rapport est que certains États membres ont parfois cherché à restreindre les importations de certains produits agricoles en provenance d’autres États membres. Plusieurs autorités européennes de la concurrence ont examiné et bloqué un certain nombre d’accords catégoriels consistant, par exemple, pour les agriculteurs d’un État membre donné à tenter d’empêcher les producteurs d’autres États membres de vendre leurs produits.
Ces actions des autorités de la concurrence ont bénéficié non seulement aux consommateurs des États membres où les importations auraient pu être freinées, mais également aux agriculteurs de tous les autres États membres qui auraient subi les répercussions de la tentative d’entrave aux échanges transfrontaliers.
c) Fourniture d’orientations et d’un suivi
Les autorités européennes de la concurrence ont fourni des orientations aux agriculteurs, aux autres opérateurs et aux pouvoirs publics sur la manière d’interpréter et d’appliquer le droit de la concurrence dans le secteur, en ce qui concerne, par exemple, les initiatives des agriculteurs en matière de durabilité ou la publication des prix par les organisations sectorielles. Les autorités européennes de concurrence ont également contrôlé de façon proactive la situation du secteur et mené des enquêtes sectorielles sur le fonctionnement de la chaîne d’approvisionnement, en s’intéressant particulièrement à des problèmes tels que la transmission des prix dans la chaîne et l’équilibre du pouvoir de négociation entre les agriculteurs et les autres maillons de la chaîne.
Les dérogations aux règles de concurrence pour les organisations de producteurs et les organisations interprofessionnelles
Les organisations de producteurs reconnues et les organisations interprofessionnelles reconnues peuvent aider à renforcer la position des agriculteurs et contribuer à améliorer l’efficacité de la chaîne d’approvisionnement alimentaire.
La reconnaissance des organisations de producteurs par les autorités nationales est une démarche répandue dans le secteur des fruits et légumes, dont près de 50 % de la production est commercialisée par les organisations de producteurs, mais aussi dans les secteurs du lait, de la viande, de l’huile d’olive et des céréales. En outre, il existe dans l’Union 128 organisations interprofessionnelles reconnues, situées principalement en France et en Espagne.
Les outils sectoriels dans le secteur agricole
Le rapport confirme que les outils sectoriels spécifiques dont dispose le secteur agricole sont utilisés au profit des agriculteurs et du secteur dans son ensemble:
- la possibilité de se mettre d’accord sur un mécanisme de répartition de la valeur, sur la base du volontariat, dans le secteur du sucre a été largement utilisée;
- des mesures de stabilisation du marché dans le secteur vitivinicole ont aussi été fréquemment employées;
- des mesures de gestion de l’offre ont été mises en place pour les produits bénéficiant d’une appellation d’origine protégée ou d’une indication géographique protégée dans le secteur du fromage et du jambon.
Historique du dossier
Les conclusions de la Commission présentées dans le rapport se fondent sur les contributions des autorités nationales de la concurrence, des États membres et d’organisations privées, ainsi que sur des études réalisées par la Commission en ce qui concerne les organisations de producteurs dans les secteurs de l’huile d’olive, des grandes cultures et de la viande bovine et les organisations interprofessionnelles.
Ce rapport porte sur la période allant du 1er janvier 2014 à mi-2017 pour ce qui concerne les dérogations aux règles de concurrence du règlement OCM, et du 1er janvier 2012 à mi-2017 pour ce qui est de l’examen des enquêtes antitrust.
Conformément à l’article 225, point d), du règlement portant organisation commune des marchés (le «règlement OCM»), la Commission doit présenter au Parlement européen et au Conseil un rapport sur l’application des règles de concurrence au secteur agricole, en accordant une attention particulière à l’application des articles 209 et 210, et des articles 169, 170 et 171 du règlement OCM. Les articles 169 à 171 du règlement OCM ont, dans l’intervalle, été supprimés par le règlement «Omnibus».
Le nouvel article 152 du règlement OCM, tel qu’instauré en janvier 2018 par le règlement «Omnibus», prévoit un régime de protection, au profit des organisations de producteurs reconnues et de leurs associations, en ce qui concerne l’application des règles de concurrence.
Le document de travail des services de la Commission, qui est annexé au rapport, apporte des informations complémentaires sur ces dérogations et sur les enquêtes visant les pratiques anticoncurrentielles.
Le Réseau européen de la concurrence a publié, en mai 2012, un rapport sur l’application du droit de la concurrence et sur les activités de surveillance des marchés menées par les autorités européennes de concurrence dans le secteur alimentaire, qui décrit les enquêtes sur les pratiques anticoncurrentielles pour la période 2004-2011.