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Rencontre avec le directeur général adjoint d’Engie, Franck Bruel, qui explique comment la recherche de sobriété, notamment au niveau des villes, bouleverse en profondeur le métier d’énergéticien. Un article de notre partenaire, La Tribune.
Signe du changement en profondeur que provoque la transition énergétique, notamment dans les modèles économiques des acteurs historiques : c’est dans l’efficacité énergétique qu’un groupe comme Engie puise ses relais de croissance. C’est ce que décrit Franck Bruel, directeur général adjoint en charge de la division BtoB, dans « L’énergie efficace, quand moins et mieux font plus » (Eyrolles). Comme le souligne dans la préface l’ancienne secrétaire d’État chargée de l’Écologie Chantal Jouanno, aujourd’hui présidente de la Commission nationale du débat public (CNDP), il y est beaucoup question de sobriété, un sujet « discrètement évité par le débat politique ».
Franck Bruel affirme que la pénurie d’énergie, impensable dans les économies développées, doit le rester. Mais il affirme aussi que « l’abondance n’est plus un objectif » et explique pourquoi même une source d’énergie infinie ne permettrait pas de répondre de façon satisfaisante à la demande exponentielle qui se profile. En effet, une énergie primaire ne se transforme en offre d’énergie que grâce à toute une infrastructure.
Le malentendu des énergies renouvelables
L’auteur reconnaît qu’en France, un manque de pilotage national et la faible implication des territoires (villes et régions) entraînent un retard dans le développement des énergies renouvelables. Dans le même temps, il dénonce « le malentendu » dont ces énergies sont l’objet. En effet, leur essor fulgurant à l’échelle mondiale n’a encore qu’un faible impact sur le mix énergétique global.
En outre, rappelle-t-il, toutes ne produisent pas de la chaleur, toutes ne sont pas intermittentes, et toutes ne sont pas vertes. Quelles qu’elles soient, leur impact sur l’environnement n’est jamais nul. Utilisation de béton, de terres rares, de plastique, conflits d’usage des sols… En outre, paradoxalement, en entraînant une baisse de la demande en pétrole, donc de son prix, elles retardent la parité entre énergies vertes et fossiles.
Sans surprise, Franck Bruel rappelle au passage les atouts du gaz.
« Le gaz est, avec l’hydroélectricité, la façon la plus décarbonée et la plus simple de stocker de l’énergie, explique-t-il. Aujourd’hui, sans le gaz, on ne s’en sort pas. Et in fine, grâce au biogaz [issu de la fermentation de déchets organiques, ndlr] et à l’hydrogène [produit à partir d’énergies renouvelables], on obtiendra un mix énergétique vert. »
La priorité doit être donnée à la sobriété
Il en profite également pour faire une mise au point concernant l’électricité.
« On confond souvent l’électricité en tant que source d’énergie, et l’électricité en tant que vecteur », souligne-t-il. Or, « on n’alimente pas les villes en se branchant sur la foudre », assène-t-il, rappelant au passage le défi que représente l’électrification urbaine décarbonée dans un espace contraint.
En revanche, si l’électricité n’est qu’un vecteur énergétique parmi d’autres, « elle est un vecteur unique du contrôle de l’énergie ». Notamment dans les bâtiments, des « carrefours d’échanges complexes d’énergie ». Car, rappelle Franck Bruel, tous les scénarios prévoyant des proportions importantes d’énergies renouvelables (EnR) présupposent une baisse de la consommation : – 20% en 2030 prévus par la loi de transition énergétique, et – 35% d’ici à 2035 dans le scénario 100% renouvelables de l’Ademe. « On aura besoin de toutes les énergies renouvelables et du stockage mais il faut d’abord commencer par l’efficacité énergétique. » Plusieurs acteurs ont un rôle à jouer dans celle-ci.
« Les plus en avance sont les entreprises », précise Franck Bruel. Il faut dire que « c’est à la fois une façon de faire baisser sa facture et ses émissions de gaz à effet de serre, et un facteur d’attraction de talents pour son recrutement. » Alors, pourquoi l’efficacité énergétique fait-elle figure de parent pauvre ? Franck Bruel avance un début d’explication.
« Dans les entreprises du bâtiment, l’enjeu est de faire adopter des nouveautés par les artisans, qui en sont les chevilles ouvrières. C’est pourquoi il faut les former, les rassurer, les assurer, aussi, ce qui prend beaucoup de temps. »
Apparus en 2009 en France, les contrats de performance énergétique (CPE) engagent un prestataire – Engie par exemple -, à faire réaliser des économies d’énergie à son client. Sa rémunération est calculée sur l’atteinte des objectifs fixés, des pénalités pouvant lui être appliquées dans le cas contraire.
« Pour que les contrats d’efficacité énergétique puissent se développer, il faut élaborer des indicateurs partagés entre tous les acteurs et travailler dans la durée, insiste Franck Bruel. Il faut des propositions de rentabilité susceptibles de convaincre des collectivités, des entreprises, des administrations… Nous développons ces contrats de performance énergétique par exemple dans les écoles ou sur les campus, comme à Saclay. »
Quid des collectivités ?
« Les villes sont les lieux qui concentrent le plus de monde et recèlent le plus de gisements d’économies, rappelle-t-il. Leur densité permet des solutions collectives, telles que les réseaux de chaleur, qui peuvent être alimentés par une unité de traitement de déchets, par exemple. »
Autre sujet sur lequel les collectivités ont commencé à se pencher sérieusement : l’éclairage, où les LED, qui ont mis longtemps à décoller, ont remplacé presque partout les ampoules à incandescence, qui dégagent autant de chaleur que de lumière. « Outre les économies d’énergie, cela permet de réaliser des économies sur l’entretien grâce à la maintenance prédictive, d’ajouter d’autres services tels que la sécurité connectée… »
Les villes, premiers gisements d’économies
Mais globalement, « aujourd’hui, c’est plus visible, donc plus efficace sur le plan politique, de développer les énergies renouvelables que de s’attaquer à l’efficacité énergétique », regrette-t-il. Pourtant, depuis l’an 2000, plus de CO2 a été économisé grâce à l’efficacité énergétique qu’en additionnant toutes les nouvelles capacités de productions d’énergies renouvelables. D’ailleurs, pour l’Agence internationale de l’énergie, qui consacre des rapports au sujet, l’efficacité énergétique pourrait absorber à elle seule 40% de la baisse d’émissions nécessaire pour respecter l’accord de Paris sur le climat.
Les villes sont de plus en plus nombreuses à se convertir. « Les collectivités doivent montrer l’exemple en jouant le rôle d’instigateurs », insiste Franck Bruel. Ainsi, outre les réseaux de chaud et de froid, qui connaissent un regain d’intérêt, Engie a installé à Marseille, avec le soutien de la Ville, une pompe à chaleur à une échelle industrielle, qui peut alimenter en chaud ou en froid tout le quartier.
À Paris, l’entreprise s’est engagée, via un CPE, à faire baisser de 30% la consommation de 140 écoles. « De façon générale nous devons aider les élus à rendre visibles leurs efforts en matière d’efficacité énergétique, conclut-il. Ils comprennent désormais bien les enjeux mais il demeure un enjeu de financement. » D’ailleurs, Engie investit de plus en plus à la place des collectivités, avec un engagement de long terme pour réaliser des économies d’énergie.
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https://www.euractiv.fr/section/energie/news/comment-lefficacite-energetique-change-la-donne/