7. Chine, l’adversaire – partenaire

GRAIN de SEL de Viviane de Beaufort et Gabriel BLUET:

La Chine – Un casse tête! Comment maintenir une relation commerciale qui demeure impérative  (en 2022, la Chine est le troisième partenaire des exportations de biens de l’UE et  le premier des importations de biens de l’Union (voir le discours du 8 avril 2024 de Mr Peng Gang, Ministre de l’ Economie et du Commerce 

Sans se faire dominer par des pratiques commerciales déloyales? Est-il possible de convaincre la Chine de limiter son soutien à la Russie? L’UE une voie médiane entre les US et la Chine en opposition marquée? Au-delà des éléments décrits, ici à l’occasion des voyages de nos représentants d’Etats en Chine, une note a attiré notre attention et nous en partageons la quintessence en invitant à une lecture complète:

Les relations sino-russes face à une Europe géopolitique de P. ANDRIEU, Schuman Paper 742 du 25 mars 2024 :

La grande proximité russo-chinoise n’est en aucun cas une alliance solide et pérenne, mais un
rapprochement de circonstance, raffermi par l’invasion russe de l’Ukraine. Les fragilités de cette relation, basées sur l’Histoire et les déséquilibres structurels, subsistent et renforcent la défiance réciproque. Pour l’Union européenne, si toute discussion a disparu avec une Russie agressive et menaçante, la Chine reste à la fois « un partenaire de coopération et de négociation, un concurrent économique et un rival systémique » avec lequel il convient de poursuivre un dialogue nourri à la hauteur d’une Europe qui a commencé à affirmer sa dimension géopolitique au cours des deux dernières années.

Un autre document : » Relations UE-Chine : réduction des risques ou découplage – l’avenir de la stratégie de l’UE envers la Chine » publié le 26-03-2024 dans le Think Tank du Parlement européen analyse les relations bilatérales et l’approche de l’UE à l’égard de la Chine, dont la politique de réduction des risques. Il souligne la nécessité d’adopter une stratégie globale et cohérente et de long terme envers la Chine, capable de guider ses actions futures à l’égard de la Chine et sur la scène mondiale. L’étude est assortie de plusieurs recommandations  à l’UE .( Auteurs : A. BRINZA, U.A/ BĒRZIŅA-ČERENKOVA, P. LE CORRE, J. SEAMAN, R.TURCSÁNYI, S. VLADISAVLJEV

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Petit retour sur le voyage du président français Macron et la présidente de la Commission européenne  von der Leyen, en Chine, début avril 2024, dans un contexte international plus que tendu? « La France ambitionne de porter une autre voix que celle de Washington dans sa relation à Pékin« , Contexte. Eléments de décryptage en lien avec les travaux du média Euractiv.

« La réouverture des frontières chinoises, décrétée fin 2022 […], a créé un spectaculaire appel d’air diplomatique : en quelques mois, les grands dirigeants européens se seront tous succédé à Pékin » Contexte.  Après le chancelier allemand Olaf Scholz et le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez, Emmanuel Macron a convié Ursula von der Leyen à se rendre en Chine du 5 au 8 avril en visite officielle avec en toile de fond, le conflit en Ukraine, le resserrement de l’emprise de Xi Jinping sur son parti, et les pressions chinoises dans le détroit de Taïwan.

Un dialogue difficile

L’objectif ? « essayer d’impliquer la Chine autant que possible pour faire pression sur la Russie » sur des sujets tels que les armes nucléaires, Politico. Mais Paris et Bruxelles dont « face à un Parti communiste chinois hostile à toutes critiques tant sur sa position face à la guerre en Ukraine que sur sa conception des droits de l’homme« , analyse Alice Ekman de l’Institut des études de sécurité de l’Union européenne  Libération.

En outre, Ursula von der Leyen est considérée comme « très proche des positions américaines« , Slate. « Lors d’un discours très médiatisé sur les relations entre l’UE et la Chine [30 mars] », elle  a exhorté les Etats membres à « réduire les risques » d’une « dépendance excessive à l’égard de la Chine », poursuit le média. Elle a également laissé entendre que les négociations autour de l’accord global sur les investissements entre l’UE et la Chine pourraient prendre fin.

Une voie – Une voix  européenne ?

« Tout est une question de dosage » Antoine Bondaz, spécialiste de la Fondation pour la recherche stratégique  Le Figaro. « L’agenda de la France et de l’Union européenne ne doit être ni dirigé contre la Chine, ni aligné sur les Etats-Unis. Ce n’est pas une troisième voie, mais la voie de la France et de l’UE » . Antoine Bondaz : “Face à la Chine, notre force vient de notre capacité à parler d’une seule voix”

Les intérêts économiques

« Le commerce figurera parmi les priorités de M. Macron,  accompagné d’une  délégation de chefs d’entreprise, dont des représentants d’EDF, d’Alstom, de Veolia et du géant de l’aérospatial Airbus« , Politico.

Allemagne : réduire les dépendances de la chaîne d’approvisionnement

Le gouvernement allemand travaille actuellement sur une  stratégie à l’égard de la Chine  au regard des  situations de dépendance critique vis-à-vis de la Russie dans le secteur de l’énergie. Ce qui reste contesté c’est le degré, la vitesse et la méthode de désenchevêtrement   M. Rühlig,expert, ajoutant que tant dans les cercles économiques que politiques de l’Allemagne, il y a des positions différentes, notamment dans le  secteur automobile du pays, où la Chine est un marché d’importation et d’exportation essentiel. «  Étant donné que la Chine est un acteur majeur de l’e-mobilité, la Chine passe dans les années à venir d’un statut de marché à celui de concurrent pour l’industrie automobile allemande  ».

 Lire  : Allemagne : la décision du Parlement européen d’interdire les véhicules polluants en 2035 critiquée.

France : filtrer les investissements étrangers

Parallèlement, dés 2017, des appels ont été lancés en faveur d’une plus grande restriction des investissements chinois, d’une plus grande prudence et de la création d’une stratégie industrielle qui, à terme, élimine les intrants chinois.«  L’approche du gouvernement français à l’égard de la Chine est celle de la réduction des risques, notamment en ce qui concerne les transferts de technologie et les investissements directs à l’étrangers  », explique à EURACTIV France Mathieu Duchâtel, directeur du programme Asie à l’Institut Montaigne.

Voir le Règlement européen établissant un cadre pour le filtrage des investissements directs à l’étrangers soit convenu en 2020.

Commerce : l’UE a un  discours offensif mais peut on aller jusqu’au bras de fer ?

En visite, en  septembre 2023, le commissaire européen Valdis Dombrovskis a fustigé les pratiques commerciales déloyales de Pékin publiquement: «  moindre transparence, accès inégal aux marchés publics,  discriminations sur les normes et exigences en matière de sécurité, ainsi qu’ exigences en matière de localisation et de transfert de données« ,  rappelant que : « L’UE et la Chine ont toutes deux énormément bénéficié de leur ouverture au monde. C’est pourquoi je continuerai de défendre l’ouverture comme une stratégie gagnante sur le long terme » [Les Echos].

Par ailleurs une enquête anti subventions sur les véhicules électriques chinois est en cours qui pourrait conduire la Commission à instaurer des drotis de douane compensateurs.

 Les Européens se sont dotés de multiples instruments qui visent officieusement la Chine: règlement anticoercition pour aider l’UE à lutter contre le chantage économique » de pays tiers, taxe carbone aux frontières ,etc.

Géostratégie- Défense

Alors que les Américains et les Européens sont divisés sur la question de savoir s’il faut considérer la Chine comme une «  menace  » ou un «  défi  » pour la sécurité, le fossé se resserre alors que les alliés tentent de se mettre d’accord sur le nouveau document stratégique à long terme de l’OTAN, qui mentionne pour la première fois Pékin.

«  L’influence croissante de la Chine remodèle le monde, avec des conséquences directes pour notre sécurité et nos démocraties  », dit le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, à l’Agence de presse Athènes-Macédoine , ajoutant que «  les politiques coercitives de la Chine  » constitueraient des «  menaces et des défis  » pour la sécurité de l’Occident.

L’année dernière, les dirigeants de l’OTAN, dans un tournant historique, ont souligné que la Chine posait des défis auxquels il fallait répondre, en partie à la demande expresse des États-Unis.

Convergence de vues sur la Chine

«  Les points de vue transatlantiques sur la Chine ont longtemps été divergents, mais  convergent  », Bruno Lété, chargé de mission transatlantique pour la Sécurité et la Défense au German Marshall Fund à Bruxelles.«  Néanmoins, les États membres de l’UE maintiennent une approche pragmatique à l’égard de la Chine, principalement en raison des interdépendances économiques

L’OTAN cherchera probablement aussi à minimiser la coopération avec la Chine dans la construction d’infrastructures et les chaînes d’approvisionnement via le cadre de l’OTAN.

Washington, sous l’ancien président américain Donald Trump, a longtemps fait pression sur les pays européens  pour qu’ils excluent les technologies chinoises, comme l’équipementier télécoms chinois Huawei des réseaux 5 G. «  L’administration Biden est plus nuancée, elle comprend que les Européens ont leur propre relation avec Pékin, mais elle fait néanmoins pression sur les capitales européennes pour qu’elles répondent aux préoccupations sécuritaires qui émergent de la Chine…

A ECOUTER EURACTIV : The EU/CHINA relation ship -TRADE WAR?  You tube

A lire: la COMMUNICATION CONJOINTE AU PARLEMENT EUROPÉEN, AU CONSEIL
EUROPÉEN ET AU CONSEIL sur les relations UE-Chine – Une vision stratégique – HAUTE REPRÉSENTANTE DE L’UNION PESC, Strasbourg,  12.3.2019.

Cette question sera abordée lors du Workshop du 13 mai 2024 du CEDE-ESSEC consacré à la (re) conquête de l’autonomie économique de l’UE

Complément :