Chine : 10 dates marquantes de la relation avec l’UE

Alors qu’aujourd’hui l’Europe s’interroge sur sa relation avec la Chine, entre dépendance et volonté de puissance, de Mao Zedong à Xi Jinping, des Communautés à l’Union européenne, retour sur 50 ans d’échanges entre la Chine et l’UE, des années 1970 à nos jours.

En 2019, la Commission européenne a qualifié la Chine de “partenaire, concurrent stratégique et rival systémique”. Crédits : iStock / AlxeyPnferov

Après deux décennies d’isolement chinois, les années 1970 marquent le début d’un rapprochement entre le pays et les puissances occidentales. Des relations diplomatiques entre la République populaire de Chine (RPC) et la Communauté économique européenne sont établies dès mai 1975, avec la première visite d’un commissaire européen chargé des Relations extérieures, Christopher Soames, à Pékin.

Après la mort de Mao Zedong, le partenariat entre la RPC et la CEE puis l’UE se poursuit notamment dans le domaine économique, à tel point que la fin de la Guerre froide marque le début d’une “lune de miel” commerciale entre les deux puissances.

Depuis la crise financière de 2008 toutefois, et l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping en 2013, les relations se sont progressivement crispées. La Commission européenne a été jusqu’à qualifier la Chine de “partenaire, concurrent stratégique et rival systémique” en 2019. Une succession de différends commerciaux et diplomatiques, ainsi que l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022, ont ensuite renforcé les tensions naissantes.

Avril 1978 : accord commercial entre la CEE et la Chine

Cet accord commercial marque un premier tournant dans l’histoire des relations entre la Communauté économique européenne (CEE) et la Chine. Il a pour but de simplifier le processus douanier afin d’accroitre les échanges commerciaux bilatéraux, et comporte également une exigence d’équilibre des échanges entre les deux parties. En cas de non-réciprocité, une commission mixte CEE-Chine est chargée de réajuster les échanges commerciaux. L’article 2 de l’accord comprend une “clause de la nation la plus favorisée” : autrement dit, la Chine et la CEE devront s’accorder les mêmes avantages qu’à leurs autres partenaires commerciaux, selon un principe de réciprocité.

Septembre 1985 : accord de coopération économique et commerciale

L’accord de 1978 ayant donné des résultats satisfaisants, les ministres des dix pays membres de la CEE autorisent la Commission européenne à ouvrir des négociations avec la Chine pour renouveler leur partenariat commercial. Le nouvel accord de coopération économique et commerciale est officiellement ratifié à Bruxelles en septembre 1985. Il reprend les principaux éléments du texte de 1978, en précisant les domaines de coopération des deux parties contractantes : l’industrie, le secteur agricole, l’énergie, la science ou encore la technologie…

Les deux signataires s’engagent également à renforcer leur coopération via une coproduction, des co-entreprises, ou encore le transfert de technologie. En outre, des clauses visent à améliorer le climat des investissements.

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27 juin 1989 : les Européens adoptent un embargo sur les armes en réaction aux événements place Tian’anmen

En juin 1989, un mouvement de contestation inquiète le président chinois Deng Xiaoping. La population pékinoise soutient largement la grève de la faim menée par les étudiants sur la place Tian’anmen, et bloque l’armée chinoise aux portes de la capitale. Dans la nuit du 3 au 4 juin 1989, l’armée réprime violemment le mouvement contestataire, faisant plusieurs milliers de morts.

Ce massacre choque l’opinion publique mondiale, et les Etats-Unis décrètent immédiatement un embargo sur les ventes d’armes à la Chine. En Europe, les ministres réunis à l’occasion du Conseil européen de Madrid le 27 juin 1989 instaurent une mesure similaire en raison des graves atteintes aux droits de l’homme commises par la Chine. Inscrit dans une déclaration commune, l’embargo contre la Chine est toujours en vigueur en 2023, bien que la question de sa levée ait été discutée à plusieurs reprises.

Les discussions autour de l’embargo sur les armes

En octobre 2003, le ministère des Affaires étrangères chinois publie un premier document stratégique à destination de l’Union européenne. Il y pose les conditions d’un partenariat entre les deux entités, dont la levée de l’embargo sur les ventes d’armes. Lors du 8e sommet Union européenne-Chine en septembre 2005, les Européens réaffirment, à la demande de Pékin, “leur volonté de continuer à œuvrer en vue de la levée de l’embargo”. Mais le changement de position de certains pays membres et l’arrivée au pouvoir d’Angela Merkel en Allemagne enterrent durablement le projet.

11 décembre 2001 : la Chine entre à l’OMC

Après la chute de l’URSS au début des années 1990, la Chine et l’UE renforcent leur relation bilatérale. En 1993, la CEE devient officiellement l’Union européenne et se dote d’une ambition nouvelle quant à son rôle sur la scène internationale, tandis que la Chine voit dans l’UE un partenaire économique de taille et un contrepoids à l’influence américaine.

Au terme de quinze années de longues négociations, la Chine fait son entrée dans l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) le 11 décembre 2001. L’Union européenne appuie la candidature chinoise, avec l’espoir que le pays devienne une économie de marché et que son insertion dans la mondialisation entraîne une libéralisation politique en interne. L’UE espère également profiter du marché de la Chine, en pleine expansion. Celle-ci devient le deuxième partenaire commercial de l’UE en 2002 ; et deux ans plus tard, l’Union européenne devient le premier partenaire commercial de la Chine.

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2008 : la crise économique accélère les investissements chinois en Europe

A partir de 2008, l’Union européenne est touchée de plein fouet par la crise économique et financière. Côté chinois, si les exportations diminuent dans un premier temps, le contexte reste plus favorable aux grandes entreprises et aux banques qui vont investir en Europe. La crise renforce l’interdépendance entre la Chine et l’UE. Le pays achète notamment des obligations et bons du Trésor d’Etats européens en difficulté, notamment la Grèce.

En décembre 2008, la prise de contrôle du port grec du Pirée par le groupe de logistique China Ocean Shipping Company (COSCO) fait grand bruit. La presse de l’époque explique que l’opération permet à la Grèce de moderniser ses infrastructures à moindre coût en les privatisant partiellement, tandis que les Chinois offrent un accès privilégié au marché européen à leurs produits. Huit ans plus tard, la Grèce cède la totalité du port au groupe COSCO, qui en devient l’actionnaire majoritaire.

14 mars 2013 : Xi Jinping arrive au pouvoir

Arrivé au pouvoir en 2013, Xi Jinping s’impose comme une figure politique forte dès le début de son mandat. Critiquant la “stagnation” qui caractérise la période précédente, il met en avant le “rêve chinois” et veut faire de son pays un acteur de premier plan au niveau mondial. En 2013, au Kazakhstan, il évoque pour la première fois son projet de “nouvelles routes de la soie” (Belt & Road Initiative, BRI), la création d’une nouvelle route commerciale entre l’Asie, l’Europe et l’Afrique impliquant la participation de plus de 68 pays. En 2017 le forum “17+1” dédié au projet BRI est créé, dont font partie 11 pays de l’UE.

Tout en proposant aux Etats souffrant économiquement de financer et de construire des infrastructures de transport, la Chine y facilite les exportations de ses marchandises. Dans le même temps, Xi Jinping opère une dérive autoritaire, aboutissant à la réforme constitutionnelle de 2018 qui abolit la limite des deux mandats présidentiels.

11 décembre 2016 : l’UE refuse de reconnaître le statut d’économie de marché à la Chine

Quinze ans après son adhésion à l’OMC, la Chine devait se voir automatiquement reconnaitre le statut d’économie de marché (SEM), qui ne lui a pas été directement octroyé en 2001. Concrètement, ce statut obligerait tous les membres de l’OMC à tenir compte des prix pratiqués sur le marché intérieur chinois. Il aurait également rendu les enquêtes contre le dumping (vente à un prix inférieur au coût) plus difficiles à mener.

Or en 2016, l’Etat chinois joue encore un rôle considérable et contrôle des pans entiers de “l’économie socialiste de marché”. Les Etats-Unis et le Japon annoncent clairement qu’ils ne reconnaîtraient pas le SEM à la Chine, au risque d’être sanctionnés par l’OMC. L’UE, qui s’était pourtant engagée à le faire, change d’avis au cours de l’année 2016. Un revirement qui crée la surprise et lance une longue série d’hostilités commerciales entre les deux parties. La Chine dépose une plainte à l’OMC dès le 12 décembre 2016, visant l’UE et les Etats-Unis contre leur méthode d’évaluation anti-dumping mis en place la même année.

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2019 : la Chine qualifiée de “partenaire, concurrent et rival systémique”

Le 12 mars 2019, le Parlement européen, le Conseil européen et la Commission européenne livrent leur nouvelle vision stratégique vis-à-vis de la Chine dans une communication conjointe. Le pays est désormais considéré comme “un partenaire de coopération avec lequel l’UE partage des objectifs étroitement intégrés, un partenaire de négociation avec lequel l’UE doit trouver un juste équilibre sur le plan des intérêts, un concurrent économique dans la course à la domination technologique et un rival systémique dans la promotion d’autres modèles de gouvernance”.

2020 : Signature d’un accord global sur les investissements

Fruit de négociations débutées en 2013, un accord de principe sur les investissements entre l’Union et la Chine est adopté à la fin de l’année 2020… Mais n’est toujours pas ratifié à l’heure actuelle.

Par le biais de cet accord, l’Union a pour ambition de réduire le déséquilibre avec Pékin, en raison de l’écart existant entre d’un côté l’ouverture du marché européen aux investissements étrangers, de l’autre les barrières à l’entrée et les discriminations auxquelles sont confrontées les entreprises européennes qui souhaitent investir en Chine.

L’accord prévoit à la fois la libéralisation des investissements mais aussi la levée des contraintes, permettant l’ouverture de plusieurs secteurs du marché chinois (transport, automobile, santé, numérique…). Ce traité est le plus important jamais conclu par le pays avec un partenaire étranger dans le domaine de l’investissement.

Néanmoins, le contexte géopolitique a évolué au fil des années. La Commission européenne suspend l’accord en 2021, suite aux sanctions prises par la Chine à l’encontre de responsables et députés européens ayant dénoncé les exactions du régime chinois dans la région du Xinjiang.

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2021 : sanctions européennes contre la Chine pour la répression des Ouïghours et sanctions chinoises contre la Lituanie

Au cours de l’année 2021, les tensions culminent entre la Chine et l’UE. En mars 2021, l’Union prend des sanctions (interdiction de visas et gel d’avoirs) contre quatre responsables chinois en raison de la répression de la minorité musulmane ouïgoure dans la région du Xinjiang. L’UE accuse ces hauts fonctionnaires de “graves atteintes aux droits de l’homme” et de se rendre coupable de “détentions arbitraires et [de] traitements dégradants infligés aux Ouïgours et aux membres d’autres minorités ethniques musulmanes”.

Le ministère chinois des Affaires étrangères dément toute atteinte aux droits de l’homme, et ne tarde pas à prendre des mesures de représailles. Pékin annonce mettre en place des sanctions contre quatre entités (dont le comité politique et de sécurité du Conseil de l’UE) et dix responsables européens (dont des eurodéputés), interdits de séjour en Chine.

En mai 2021, le différend est lié cette fois à la question taïwanaise. La Lituanie se retire du forum “17+1” du BRI, et donne son accord à l’ouverture dans son pays d’une représentation de Taïwan sous le nom de “Bureau de représentation de Taïwan”. Pour la Chine, cet acte représente un pas en avant vers la reconnaissance de l’indépendance de l’île, qu’elle considère comme partie intégrante de son territoire. En signe de représailles, les autorités chinoises mettent en place des pratiques commerciales discriminatoires à l’encontre de l’Etat Balte, rejetant les demandes d’importations et bloquants les exportations de Vilnius vers la Chine.

Le 27 janvier 2022, l’UE annonce qu’elle engage une procédure auprès de l’OMC contre la Chine “en raison de ses pratiques commerciales discriminatoires à l’encontre de la Lituanie, qui frappent également d’autres exportations du marché unique de l’UE”. La procédure ne devrait pas aboutir avant plusieurs années.

La pression chinoise s’accentue autour de Taïwan

Signe d’une relation politique tendue, la vice-présidente de la Commission Margrethe Vestager dénonce en octobre 2021 une “pression accrue” de la Chine sur Taïwan et déplore sa présence militaire dans le détroit, ce qui fait selon elle planer un risque sur “la sécurité et la prospérité” de l’Europe. En août 2022, les tensions entre Pékin et Taipei sont exacerbées par la visite de la présidente de la Chambre des représentants des Etats-Unis, Nancy Pelosi. Une “provocation” pour la Chine, qui a multiplié les manœuvres militaires autour du détroit de Taïwan tout au long de l’année 2022.

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2022 : la guerre en Ukraine et le rapprochement sino-russe

Lors d’une rencontre organisée en marge des Jeux olympiques de Pékin, trois semaines avant l’invasion russe de l’Ukraine en février 2022, Xi Jinping et son homologue russe Vladimir Poutine signent une déclaration commune scellant “l’amitié sans limites” des deux pays. Depuis lors, la Chine n’a jamais condamné l’invasion de l’Ukraine. Le sommet UE-Chine convoqué par la Commission européenne en avril 2022 n’a pas fait avancer le dialogue avec Pékin, pour qui l’application de sanctions à l’encontre de la Russie n’est pas envisageable dans la mesure où les Chinois veulent se poser en médiateurs du conflit.

Ce rapprochement sino-russe fait craindre un soutien militaire du gouvernement de Xi Jinping à la Russie. Le 19 février 2023, le Secrétaire d’Etat américain Antony Blinken laisse entendre que Pékin est sur le point de livrer des armes à Moscou, ce que les autorités chinoises démentent. Quelques jours plus tard, le 24 février, le plan de paix pour l’Ukraine publié par le ministère chinois des Affaires étrangères ne mentionne toujours pas le caractère illégal de l’invasion de l’Ukraine.

Xi Jinping et Vladimir Poutine réaffirment leur partenariat le 22 mars 2023, notamment à travers une “déclaration conjointe sur l’approfondissement du partenariat de coordination stratégique globale de l’ère nouvelle”, qui affiche son hostilité envers l’Occident.

C’est dans ce contexte qu’Emmanuel et Macron et Ursula von der Leyen effectuent une visite en Chine du 5 au 8 avril, avec la volonté d’ “engager la Chine à nos côtés pour faire pression sur la Russie”pour reprendre les mots du président français.

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