CDR : l’Europe tente de rattraper son retard sur l’Amérique du Nord – EURACTIV.fr

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L’élimination du carbone (CDR) était au cœur du dernier évènement organisé par Zenon Research et Carbon Gap dans les locaux de l’École des Mines de Paris auquel s’est rendu EURACTIV. Premier constat : « l’Europe est en retard », mais le scepticisme franco-allemand recule.

Le GIEC définit le CDR comme « un ensemble d’activités humaines visant à retirer du carbone (CO2) de l’atmosphère et à le stocker durablement dans des réservoirs ».

Dans un premier temps, l’objectif est de compenser les émissions résiduelles très difficiles à réduire. Dans un second temps, de générer des « émissions négatives », c’est-à-dire d’éliminer plus de CO2 qu’émis.

Dans une note dévoilée à l’occasion de l’évènement, le Zenon Research, groupe de réflexion sur les technologies climatiques, et le Carbon Gap, organisme pour l’élimination du CO2 atmosphérique, répertorient huit catégories de techniques de CDR :

  • Reforestation/gestion améliorée des forêts ;
  • Filtrage et stockage du CO2 dans l’air ;
  • Augmentation de la capacité des sols ;
  • Stimulation des échanges biochimiques marins ;
  • Épandage de biochar ;
  • Minéralisation et altération des roches ;
  • Valorisation de biomasse ;
  • Stockage dans des produits (bois, certains bétons, etc…) à longue durée de vie.

Ces techniques sont toutes plus pertinentes les unes que les autres pour les objectifs de neutralité carbone mondiaux. D’ailleurs, le terme « neutralité » ne signifie pas « zéro carbone », mais bien la possibilité de maintenir des sources émissives, du moment qu’elles sont compensées.

L’élimination du carbone en Europe : 5 milliards de tonnes en 2050

L’Europe s’est évidemment fixée des objectifs de neutralité carbone à horizon 2050. Et en matière de CDR, « il y a beaucoup de choses dans les cartons » déclare Benjamin Tincq, responsable du lancement de Carbon Gap et panéliste de l’évènement.

Par exemple, l’exécutif européen compte sur le captage et la séquestration dans les sols agricoles de 42 millions de tonnes d’équivalent CO2 par an (MteqCO2/an) pour atteindre l’objectif de 310 MteqCO2/an de stockage terrestre d’ici à 2030.

« La majeure partie du potentiel futur dépend de l’évolution des régimes alimentaires », note Mike Hemsley, analyste stratégies et perspectives en chef du groupe de réflexion Energy Transitions Commission, contacté par EURACTIV.

Le passage d’un régime carné, vers des régimes végétariens, permettrait de doubler le potentiel bioénergétique global en Europe, dévoile-t-il.

D’ici à la fin de 2022, la Commission devrait également proposer un cadre réglementaire pour que, dès 2028, l’ensemble des émissions de CO2 captées, transportées, utilisées et stockées (CCUS) par les industries soient certifiées.

De plus, le Parlement européen a saisi la Commission pour la rédaction d’un rapport sur l’intégration des « émissions négatives » dans le marché carbone. Le mécanisme permettrait de financer à hauteur de 1 milliard d’euros des projets pilotes de captages technologiques.

Pour cela, l’Union européenne (UE) profitera également de ses importants fonds pour l’innovation comme Horizon Europe.

À terme, les autorités européennes tablent sur un objectif de 5 milliards de tonnes d’équivalent CO2 éliminées par an d’ici 2050, qu’elle détaille dans une communication intitulée « Sustainable Carbon Cycles ».

Les pays nordiques mènent les ambitions continentales

Actuellement, « les principales limites en Europe sont de s’assurer que l’analyse de rentabilité du CCUS fonctionne et de développer des réseaux de transport et de stockage partagés », affirme Mike Hemsley.

Les premiers résultats pourraient venir des pays nordiques, véritables laboratoires.

En pointe, la Finlande vise à être négative en CO2 dès 2040, tandis que la Suède conduit le développement de technologies d’extraction de l’énergie de la biomasse (bois, etc…) avec captage et stockage du CO2 émis (BECCS).

Grâce à son industrie pétrolière, la Norvège pourrait devenir le principal puits de stockage de l’UE. Le pays accueille déjà les deux premiers puits d’Europe, rappelle Mike Hemsley.

Enfin, l’Islande, terre de projets, s’essaye au stockage du carbone sous forme minérale pour le transformer en carbonate solide.

Comme les Nordiques, les Britanniques disposent d’une courte avance sur ces questions. Outre des budgets relativement importants, les autorités évaluent la possibilité de tracer la durabilité des crédits carbone et de simplifier le maillage territorial des projets de CCUS.

La France mise sur ses forêts

En Europe de l’Ouest, la France mise, en particulier, sur son potentiel de stockage offshore et forestier. Elle affiche en ce sens d’ambitieux objectifs pour compenser ses 80 MteqCO2/an résiduelles d’ici 2050.

La Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) – version 2 – prévoit ainsi que 35 MteqCO2/an seront compensées directement grâce aux forêts et 20 MteqCO2/an par les produits de ces forêts. Le bois utilisé dans la construction conserve en effet le CO2 stocké sur sa durée de vie, tout en laissant place à de nouvelles plantations.

Néanmoins, comme le pointe Clea Kolster, responsable scientifique chez Lowercarbon Capital et intervenante de l’évènement, les forêts exposent à de « très grands risques », notamment liés aux incendies qui se multiplient et s’intensifient partout sur le continent.

Les 25 MteqCO2/an restantes seraient compensées par un meilleur usage des sols, les techniques de BECCS, ainsi que par de nouvelles technologies de CCUS.

Scepticisme franco-allemand

Cependant, Joseph Hajjar, chef de bureau à la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) et invité pour l’évènement, fait part d’un certain scepticisme des Français sur le développement de nouvelles technologies.

« Lorsque nous avons inscrit dans la loi l’objectif de neutralité carbone, beaucoup de parlementaires demandaient que cet objectif soit défini hors capture technologique », donne-t-il pour exemple.

Cela illustre une certaine crainte de « tomber dans le techno-solutionnisme, de perpétrer l’usage des énergies fossiles », observe-t-il.

Enfin, l’opposition historique et juridique de l’Allemagne au stockage de carbone sur son territoire s’assouplit depuis le nouvel accord de coalition gouvernementale. Plusieurs programmes de recherche et de développement sont ainsi en cours d’étude.

La défiance des deux locomotives de l’UE fait donc dire à Benjamin Tincq qu’il y a « une différence de perception qui est très claire entre l’Amérique du Nord et l’Europe », mais qui est en train « heureusement, d’évoluer ».

L’Europe accuse donc encore un certain retard, puisque les États-Unis ont déjà engagé des budgets cumulés dépassant les 6 milliards de dollars, dévoile Clea Kolster, mais dont une partie est affectée à optimiser la production de pétrole, relève Joseph Hajjar.

Comme source d’incitation, Mike Hemsley énonce que certaines techniques de CCUS « seraient moins coûteuses que l’émission de CO2 aux prix actuels de la tonne [sur le marché carbone] ». Néanmoins, les investisseurs restent prudents, en raison du « risque de fluctuations futures des prix de la tonne ».

10 milliards pour les systèmes énergétiques à horizon 2050

En outre, rien que pour les systèmes énergétiques, les pays occidentaux devront capter et stocker plus de 10 milliards de tonnes de CO2 par an d’ici à 2050 selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE).

Même si Mathilde Fajardy, analyste à l’AIE et panéliste de l’évènement, note que les cinq dernières années sont « très prometteuses », les efforts à cumuler d’ici 2050 représentent… 250 fois les capacités actuelles. 

Pour tirer son épingle du jeu, l’Europe pourrait miser sur son avance en matière de processus de standardisation et de normalisation, ainsi que sur son marché carbone, le plus grand au monde.

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https://www.euractiv.fr/section/plan-te/news/elimination-du-carbone-leurope-tente-de-rattraper-son-retard-sur-lamerique-du-nord/