Le livre blanc présenté le 1er mars par la Commission européenne expose une série de voies possibles pour l’avenir de l’Europe.
L’Europe a été créée pour rassembler, régler les conflits, et réunifier les Etats européens. Ceci a été une réussite puisqu’elle rassemble aujourd’hui 500 millions de citoyens autour des valeurs de paix et diversité, et que l’on peut célébrer sept décennies de paix. Seulement, diverses crises récentes ont mis en péril cette stabilité : crises migratoires, sécuritaires avec la montée du terrorisme, financières et économiques depuis 2008. Les citoyens sentent l’UE trop loin de leur quotidien, et un membre a décidé de quitter l’Union. Il faut s’appuyer sur le passé solide de l’Europe, construit malgré des échecs et des crises, pour regarder vers le futur et continuer à transformer au mieux l’UE.
Le 60ème anniversaire du Traité de Rome offre l’occasion d’établir une réflexion sur l’avenir de l’Union européenne à l’horizon de 2025, par le bais de 5 scénarios dont l’hypothèse de départ est que les 27 Etats membres décident d’avancer ensemble. Il est important de préciser que ces scénarios se recoupent parfois et ne s’excluent pas mutuellement.
Scénario 1 : S’inscrire dans la continuité
Cela consiste à mettre en œuvre le programme actuel de réformes positives, dans la continuité de la déclaration de Bratislava. Les objectifs sont régulièrement actualisés, ainsi que la législation actuelle afin de s’assurer que ceux-ci sont d’actualité. Le temps de mise en place dépend des divergences entre les points de vue des pays.
Concrètement, cela consiste à renforcer le marché unique en investissant dans les infrastructures et améliorer le fonctionnement de la monnaie unique. Ceci dans l’espoir de booster la croissance et l’emploi. C’est aussi l’amélioration de la surveillance financières et développer de nouveaux canaux financiers vers l’économie réelle. C’est également toutes les actions pour que l’Europe parle d’une seule voix sur la scène internationale, avec plus d’accords internationaux, et une coopération améliorée en matière de défense. Cependant, c’est aussi accorder plus de pouvoir de décision aux autorités nationales, régionales, et locales dans la gestion des aides accordées par l’UE.
Avantages :
1. La continuité implique moins de conflits, car tout changement va nécessiter beaucoup plus de discussions, et de possibilités de désaccords.
2. Les citoyens ne sont pas déstabilisés, et on garde la « mobilisation » pour l’Europe déclenchée après le Brexit. Personne n’a l’impression d’être trompé par ce qu’il se passe en Europe ou autre, et les élections européennes de 2019 se passent sans encombre.
3. Pas de pression avant les élections de 2019.
Inconvénients :
1. Même fonctionnement, pas de changements majeurs = on continue à avoir une Europe paralysée par la souveraineté des nations, l’accord unanime sur chaque décision est trop compliqué.
2. On risque de perdre la confiance citoyenne post-Brexit si on ne fait rien de majeur d’ici peu = les citoyens sentent l’UE loin d’eux
3. Trop lent, par rapport à la rapidité de la croissance mondiale, des BRICs particulièrement.
4. Tensions actuelles au sein de l’UE risquent de continuer si ce n’est empirer → risque que plus de pays s’en aillent si rien ne change ?
Scénario 2 : Rien d’autre que le marché unique
Manque de volonté politique pour avancer dans d’autres domaines tels que la sécurité, la défense ou la migration. Cela a pour conséquence aussi une remise en question de la réglementation actuelle concernant la libre circulation des personnes, les normes sociales, environnementales et fiscales. Affaiblissement de l’UE en tant qu’institution internationale car les Etats membres sont incapables d’adopter une position commune. Les différends entre Etats sont réglés sur un mode bilatéral, au cas par cas.
Scénario catastrophe :
1. Incapacité à établir des normes européennes concernant les émissions nocives et la qualité de l’air varierait considérablement d’un pays à l’autre
2. Vulnérabilité concernant la protection sanitaire, environnementale et numérique (cyber attaques) des citoyens de l’UE
3. Vulnérabilité économique de la zone euro contre une possible crise financière
Scénario (très) peu probable sur le moyen terme même si il n’est pas à exclure a plus long terme :
1. Le Brexit permet la mise à l’écart du principal défenseur de cette politique.
2. De plus, prise de conscience au niveau des gouvernements européens de la nécessité d’une politique plus poussée en matière de défense avec l’élection de Mr. D. Trump.
3. La coopération en matière fiscale au sein de la zone euro est balbutiante mais réelle (réflexion sur la taxation des GAFA, échange automatique d’informations bancaires) mais l’harmonisation des politiques fiscales (taux d’imposition des sociétés, taxation des individus) est encore loin. Or au sein d’un marché unique avec une monnaie unique, une fiscalité commune est primordiale pour éviter une distorsion de la concurrence au sein des Etats Membres.
4. Bouleversement de l’UE et de ses objectifs : la capacité à agir collectivement de l’UE devient très limitée et la plupart des questions se règlent par voie bilatérale.
5. Plus de politique étrangère commune. La majorité des questions est désormais traitée de manière bilatérale.
6. Pas de politique unique en matière de migration et d’asile, la plupart des questions sont traitées de manière bilatérale.
Limitation radicale de la capacité à agir collectivement de l’UE, les décisions sont désormais prises de manière bilatérale et non plus au nom de l’UE. Remise en cause du rôle et de la raison d’être de l’UE.
Scénario 3 : Ceux qui veulent plus font plus
Le troisième scénario envisage ce qu’on appelle une « Europe à plusieurs vitesses », ce qui signifie que certains États membres décident d’avancer ensemble dans des domaines précis (par exemple la défense ou la sécurité intérieure) en formant des coalitions, sur le modèle des coopérations renforcées déjà existantes comme l’euro et Schengen. Cela permet à ces États moteurs d’aller de l’avant et d’agir plus rapidement, tout en laissant la possibilité aux autres États de rejoindre la coalition plus tard s’ils le souhaitent. L’Union européenne prend alors la forme d’une Europe à cercles concentriques, tout en gardant une unité. Des collaborations peuvent être envisagées dans tous les domaines.
Ce modèle permet à un petit groupe d’Etats de prendre des décisions plus rapidement et de faire avancer l’Union européenne dans certains domaines précis, en passant outre le blocage des Etats non intéressés. Flexible, il laisse le choix aux Etats de s’impliquer davantage ou non dans tel ou tel domaine, et de rejoindre une coalition quand ils le souhaitent. Le pari est de créer une dynamique, une tête de peloton qui sera rejointe plus tard par les autres États, lorsqu’ils verront que ça marche.
La question est de savoir si les Etats qui choisiront d’agir dans les différentes coalitions seront toujours les mêmes, ce qui impliquerait à terme une division entre des Etats pionniers, acteurs dans toutes les coalitions, et des Etats qui restent à l’écart, car ils nous voudront ou ne pourront (pas assez robustes, pas assez fort économiquement) s’impliquer. Le risque est d’engendrer une intégration différenciée et de creuser l’écart entre les Etats membres des coalitions et ceux qui ne le sont pas ou très peu.
Dans le cas où les États participeraient tous à des coalitions différentes, quelle image alors pour l’Union européenne, composée d’une multitude de sous-groupes ne réunissant jamais les mêmes acteurs ? Quelle unité ? Elle serait d’autant plus complexe à appréhender qu’on peut imaginer que les coalitions seraient ouvertes à des pays non-membres de l’Union européenne, comme c’est déjà le cas pour l’espace Schengen par exemple (Norvège, Suisse). Quel sens y a-t-il alors à faire une Union européenne ? Pourquoi ne pas faire tout simplement des coalitions dans des domaines précis, auxquels les Etats européens (géographiquement parlant) choisiront de participer ou non ?
Scénario 4 : Faire moins de manière plus efficace
Cela consiste à se concentrer sur un nombre de domaines réduit et de réduire ses interventions dans d’autres secteurs.
Elle intensifie sur :
1. innovation
2. commerce
3. sécurité
4. migration
5. gestion des frontières
6. défense
Elle va moins intervenir sur :
1.développement régional
2.santé publique
3.volets de la politique sociale et emploi qui ne sont pas directement liés au fonctionnement du marché unique
Une des difficultés principale va être de trouver un accord commun sur les secteurs à intensifier et ceux à réduire. Il est de même, compliqué de réellement moins intervenir sur les différents secteurs mentionnés précédemment car ils jouent tous un rôle essentiel au sein de l’UE et dans le monde.
Avantages :
1. Processus décisionnel plus rapide et plus efficace dans les domaines jugés prioritaires.
2. Répartition plus claire des responsabilités permet aux citoyens de mieux comprendre ce qui est géré au niveau de l’UE.
3. Cela permet de combler l’écart entre les promesses et les résultats.
Inconvénients :
1. Difficulté à trouver un accord sur les domaines auxquels il faudrait donner la priorité et ceux sur lesquels il faudrait moins se concentrer.
2. Les secteurs sur lesquels on veut trouver un accord sont ceux qui posent déjà problème.
Scénario qui permet d’adopter un processus décisionnel plus clair et plus rapide sans toutefois concentrer les objectifs de l’UE sur un seul domaine uniquement (cf Scénario 2 : Rien qu’un marché unique). La principale difficulté sera néanmoins celle de trouver un accord sur les domaines prioritaires.
Scénario 5 : Faire beaucoup plus ensemble
Le scénario cinq propose un modèle d’Union européenne à 27 intégré à l’extrême. Les souverainetés nationales sont effacées au profit d’une souveraineté européenne, il s’agit d’un modèle fédéraliste sur le modèle des Etats-Unis. La quasi totalité des relations des états membres avec l’extérieur de l’union n’existent plus, seul les institutions européennes ont le pouvoir de traiter avec des états tiers.
Les six domaines d’actions de l’Europe définis dans le document se retrouvent renforcés notamment concernant la politique extérieur et la défense de l’Union. Ces domaines sont actuellement extrêmement limités, il est rare qu’un diplomate de l’Union parle au nom de tous les états membres et l’armée européenne est inexistante.
Par ailleurs, l’Union devient la seule autorité normative du continent, les parlements locaux ne peuvent plus imposer leur propre régulation même si elle est plus stricte que la règle européenne. Cela peut entraîner pour le citoyen une perte de contrôle et de connaissance sur les institutions qui régissent sa vie.
Ce scénario est sans conteste le plus éloigné de ce qu’il est actuellement possible d’envisager. Le renforcement de l’Union dans les domaines qui existent déjà comme le marché unique ou l’union monétaire est envisageable mais dans d’autres c’est totalement impensable même parmis les états qui ne font pas l’objet de replis souverainiste. L’Europe de la défense, ça fait des décennies que le projet est sur la table sans jamais avoir avancé. De plus avec le Brexit, l’Union a perdu une des deux seules armées du continent tenant la route donc il serait plus envisageable de mettre en place une contribution des européens aux dépenses militaires françaises et britanniques. Concernant l’Union diplomatique, je vois mal comment elle pourra être mise en place sans que la france renonce à son siège au conseil de sécurité de l’ONU, lors des négociations au sujet du nucléaire, il y avait un négociateur Français distinct des représentants de l’Union Européenne.
Bien que utopique, ce scénario est à mon avis le plus à même de permettre à l’europe de faire face au monde de demain car même si aujourd’hui l’europe et ses 500 millions d’habitants est d’une bonne taille, demain avec la Chine et l’explosion démographique de l’Afrique, aucune des 27 nations de l’Union ne fera le poids seule.
Synthèse personnelle des étudiants de l’ESSEC : Abalan Marie-Emilie, Alla Sofiane, Baumann Julia, Belhadj Soulami Zahia, Berry Alexandre et Tariel Agathe évoquent les différents scénarios envisagés par la Commission Européenne concernant le futur (incertain) de la construction européenne pour les prochaines années. Cours Droit et politiques de l’Europe – novembre 2017
Nota biblio : Livre blanc sur l’avenir de l’Europe, Réflexions et scénarios pour l’UE27 à l’horizon 2025 par la Commission Européenne COM(2017)2025 du 1er Mars 2017.
Lien source: https://ec.europa.eu/commission/publications/white-paper-future-europe_fr