Noyautée par les lobbys, l’initiative citoyenne européenne illustre le risque de la participation citoyenne

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Le lobby du tabac vient de lancer une initiative citoyenne européenne. Un exemple qui montre les limites de la participation citoyenne, alors que le referendum d’initiative citoyenne fait débat en France.

Pour le cabinet de lobbying Fleishman Hillard, l’initiative citoyenne européenne est un outil comme un autre. « Votre organisation est-elle prête pour l’ICE ? demande-t-il dans un prospectus. La mobilisation citoyenne est largement exposée à la manipulation par différentes types de groupes d’intérêt, comme le montre l’ICE au niveau européen qui permet à un million de citoyens d’au moins sept pays de se mobiliser via une pétition commune et de proposer un texte législatif à la Commission.

En France, le référendum d’initiative citoyenne est devenu une des revendications phares du mouvement des gilets jaunes. Il octroierait aux citoyens le droit de déclencher un référendum. Une prérogative aujourd’hui réservée au président de la République, et plus récemment aux parlementaires français.

La disposition – qui fait la part belle aux citoyens – n’a cependant jamais été utilisée depuis son entrée en vigueur en 2015. Un débat sur la création d’un RIC s’est déroulé à l’Assemblée nationale. Portée par La France Insoumise, la proposition tentait d’octroyer aux citoyens le droit de proposer et d’abroger des textes législatifs, mais aussi la mise en place de référendums révocatoires et constituants.

Rejetée, la proposition a été accusée de mettre en péril le fonctionnement démocratique de l’Hexagone. Si l’outil du référendum d’initiative citoyen semble aller trop loin pour certains élus, l’outil européen a déjà montré ses limites.

Un bilan mitigé côté européen

Depuis 2012, l’ICE n’a pour l’heure abouti que deux fois à une prise de position de la Commission. La première sur le droit à l’eau avec l’initiative Right2water, qui a rassemblé 1,6 million de signatures. Cette initiative qui demandait à ce que l’eau soit un droit universel et que les services publics ne puissent pas faire l’objet d’une privatisation. « Elle a servi à quelque chose », se félicite Martin Pingeon de l’ONG Corporate Observatory.

« Il y a eu sur cette initiative un lobby Veolia et Suez pour disqualifier l’ICJ. On a beaucoup entendu le discours en France sur le fait que cette initiative avait été pilotée par le lobby allemand », explique Martin Pingeon. De fait, les services municipaux publics allemands avaient à cette époque fait du lobbying contre la directive concession, qui menaçait le modèle allemand de gestion de l’eau, et l’ICE les a conforté.

Autre victoire plus récente, l’initiative Stop glyphosate. « La Commission a accepté de réviser les procédures d’évaluation de l’EFSA grâce à Stop Glyphosate, alors que le règlement sur le sujet avait été écarté. C’est plutôt une victoire », indique Martin Pingeon

Détournement des lobbys

En dépit de ces deux exemples, l’appropriation de l’outil de l’ICE par les lobbys a été à plusieurs reprises problématique. « Des cabinets de conseil en lobbying comme Fleishman Hillard proposent à leurs entreprises clientes de l’aide pour lancer des initiatives citoyennes européennes, ce qui rend cet outil tout à fait absurde », explique Olivier Hoedeman de Corporate Europe Observatory.

Dans les faits, les ICE lancées par des intérêts privés sont une pratique courante. « C’est quelque chose qui existe. L’industrie s’ingénie à imiter les mobilisations citoyennes, car les mobilisations citoyennes ont un impact politique », explique Martin Pingeon.

Ainsi, les industriels polonais du charbon avaient soumis une ICE appelant à la suspension du paquet énergie et climat de l’UE.

Le 12 février,  c’est l’industrie du tabac qui a enregistré une nouvelle initiative citoyenne.

Enregistrée le 12 février, cette initiative appelle à « une réglementation plus intelligente en matière de vapotage ». Mais la proposition est portée par les lobbyistes de l’industrie des cigarettes électroniques et du tabac, avec le financement du géant du tabac, Imperial Brands.

« Imperial Brands a un intérêt commercial direct à faire exclure les produits liés au vapotage de la directive sur les produits du tabac, et abuse d’un outil démocratique de participation citoyenne » dénonce Olivier Hoedeman.

Au sein du comité citoyen porteur de l’initiative figure en effet le lobbyiste de l’industrie du tabac Valerio Forconi,  patron des affaires publiques européennes d’Imperial Brand, ainsi que le président de l’industrie allemande du vapotage, Dustin Dahlmann.

Le lancement de cette nouvelle ICE montre que la bonne volonté ne suffit pour mettre en place une ICE : mobiliser un million de signatures demande une forte campagne de communication, nécessite de s’appuyer sur un réseau. Donc de moyens financiers.

Renouveau politique

L’ICE a pourtant été rénovée sous la Commission Juncker. « L’ancien président de la Commission José Manuel Barroso avait tué l’outil, et Frans Timmermans a essayé de le sauver » reconnait Martin Pingeon.

La réforme initiée par le vice-président de la Commission a notamment pour objectif de faire mieux connaître l’ICE auprès des citoyens européens. Et d’en faciliter l’usage : ses règles ont été assouplies,  avec la réduction à 16 ans de l’âge pour soutenir une initiative, la possibilité de créer une entité juridique pour gérer le projet pour limiter la responsabilité civile des organisateurs, ou la tenue d’une audience publique pour les ICE réussies.

Mais le principal biais de l’Initiative citoyenne européen n’a pas été corrigé. Plusieurs ONG recommandaient un renforcement du caractère contraignant de l’ICE, ce qui n’a pas été inclus dans la réforme.

Aujourd’hui, la Commission est tenue de répondre à toute initiative, mais pas de proposer une législation. Résultat, les ICE ne sont pas suivies de mesures contraignantes. Cette liberté d’appréciation de l’exécutif a toutefois permis d’écarter les ICE irréalistes, ou tout simplement contraires aux missions de Bruxelles.

Ainsi, l’initiative « L’un de nous », signée par plus d’un million de personnes, qui réclamait l’interruption des crédits européens finançant le recours à l’avortement dans les pays en développement, largement soutenue par les réseaux de l’église catholique, s’était vu opposer un refus ferme de la part de la Commission.

Une fin de non-recevoir a été appliquée à l’initiative « Stop Brexit », qui appelait  la Commission à empêcher le retrait du Royaume-Uni de l’UE. L’exécutif européen avait alors rappelé que la demande était contraire à  l’article 50 du traité.

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