May tente de sauver l’accord sur le Brexit

Un sommet consacré au Brexit se tiendra le 12 décembre à Bruxelles, après l’annonce du report du vote à Londres. L’éventualité d’une  renégociation est écartée par les Européens, alors que Theresa May joue ses dernières cartes pour sauver l’accord.

« J’ai décidé de convoquer un sommet sur le Brexit jeudi [13 décembre]. Nous ne renégocierons pas l’accord, y compris le filet de sécurité, mais nous sommes prêts à discuter de la manière de faciliter la ratification britannique », a annoncé Donald Tusk sur Twitter après l’annonce du report du vote au parlement britannique.

« Nous discuterons également de notre état de préparation en cas d’un scénario de non-accord » sur la sortie du Royaume-Uni, a-t-il ajouté.

Le président du Conseil a entrepris de consulter les dirigeants des 27 pays européens après la décision de la Première ministre britannique de reporter le vote sur l’accord de divorce de l’Union européenne, qui était prévu le 11 décembre.

Theresa May a expliqué sa décision par l’opposition des députés britanniques à la solution trouvée pour éviter le retour d’une frontière physique entre la province britannique d’Irlande du Nord et la République d’Irlande, dite solution du filet de sécurité.

May expose les doléances de britanniques aux dirigeants européens

La Première ministre britannique a entamé des consultations auprès des dirigeants européens pour tenter d’obtenir des assurances supplémentaires sur l’accord de Brexit dans le but de convaincre son parlement, très remonté contre le texte, de le ratifier.

Quasiment assurée de voir l’accord retoqué par les députés, la cheffe du gouvernement a pris la décision de reporter sine die le vote prévu pour le 11 décembre à la Chambre des Communes pour avoir un nouveau round de discussions avec ses homologues européens.

Elle s’entretient dans la matinée avec son homologue néerlandais, Mark Rutte à La Haye avant de se rendre à Berlin pour échanger avec la chancelière, Angela Merkel.

Theresa May souhaite discuter avec eux des « préoccupations exprimées par le parlement » britannique, a expliqué un porte-parole de Downing Street.

La marge de manœuvre est étroite pour la dirigeante britannique. Elle est confrontée d’un côté à la fermeté des dirigeants des 27, qui ont dit et répété leur refus de rouvrir les négociations qui avaient abouti fin novembre après 17 mois de discussions âpres et techniques entre Londres et Bruxelles.

De l’autre, elle fait face à l’opposition des députés de la Chambre des Communes qui, dans l’opposition comme dans la majorité, réclament que le texte soit retravaillé, notamment la disposition très controversée du filet de sécurité, ou « backstop » en anglais, qui prévoit un traitement spécifique pour la province d’Irlande du Nord afin d’éviter le retour d’une frontière physique avec la république d’Irlande.

« Formulation cosmétique »

Auprès des dirigeants européens, Theresa May « tentera d’obtenir des concessions sur la déclaration politique », plutôt que sur l’accord en lui-même, analyse pour l’AFP Anand Menon, professeur de politique européenne au King’s College de Londres.

Texte non contraignant juridiquement, la déclaration politique dessine les contours de la relation future que vont tenter de nouer les deux partenaires après le divorce. Elle a été approuvée par Londres et Bruxelles en même temps que l’accord de retrait, qui, lui, engage ses signataires.

Surtout, « Theresa May ne doit pas se contenter d’obtenir des concessions. Elle doit faire en sorte que l’UE annonce clairement que ce sont les seules concessions possibles, quel que soit le Premier ministre en poste », insiste Anand Menon. « Car aujourd’hui, beaucoup de discussions au parlement n’ont aucun sens, elles viennent de députés qui disent ‘Je pourrais faire mieux’, mais c’est faux ».

Côté européen, le terme de « concession » semblait un peu trop fort pour désigner les aménagements espérés par la dirigeante britannique. « Il faut voir quelles sont les assurances que souhaite Theresa May, si les Brexiters intransigeants seraient satisfaits d’une formulation cosmétique », a commenté une source diplomatique.

Vers un Brexit dur ?

Cette nouvelle péripétie complique encore un peu plus le calendrier: après le sommet européen sur le Brexit, le 13 décembre à Bruxelles, le parlement britannique siège pendant trois jours avant de suspendre ses activités du 20 décembre au 7 janvier 2019. Selon les analystes, cette courte fenêtre ne permettra pas d’organiser le vote des députés sur l’accord de retrait, qui devrait donc, à ce stade, être renvoyé en janvier, ce qui ne leur laisse que trois mois avant la sortie officielle du pays du bloc européen.

Pour Anand Menon, ce retard pourrait « accentuer la pression » sur les députés britanniques quant à leur positionnement par rapport au texte, face au scénario d’un Brexit sans accord, redouté dans les milieux économiques.

« Tant que nous échouons à convenir d’un accord, le risque d’une sortie accidentelle sans accord augmente », a mis en garde Theresa May. Elle a annoncé que son gouvernement, qui a déjà publié des dizaines de notes techniques pour préparer la population à cette éventualité, « prolongera ses travaux sur cette issue potentielle » au cours de la semaine.

Cette préoccupation est partagée par les dirigeants de l’UE. Le Premier ministre irlandais Leo Varadkar et Donald Tusk se sont mis d’accord lundi pour « intensifier » les préparatifs en vue d’un éventuel Brexit sans accord.

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