L’Europe a le potentiel pour sortir renforcée de la crise du Covid-19 – latribune.fr

Andrea Canino. (Crédits : DR)

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Andrea Canino

OPINION. Winston Churchill disait que toute crise offre des opportunités d’une importance équivalente aux menaces qu’elle présente. Le défi lancé par le Covid-19 à l’UE relève parfaitement de cet adage. Au-delà du choc sanitaire, la crise du Covid-19 peut devenir, si on fait les bons choix, l’occasion d’une relance majeure de l’Europe. Par Andrea Canino, président du Conseil de coopération économique (CCE), sous le parrainage permanent des gouvernements français, italien, espagnol et portugais.

Nous avons déjà eu beaucoup de chance. Nous nous sommes rendus compte de notre niveau excessif de dépendance à la Chine à l’occasion d’une crise sanitaire, plutôt qu’en raison de tensions avec cette dernière. De même, nous avons compris que l’Europe aurait implosée sans plus de cohésion et de solidarité grâce au Covid-19 et non pas suite à un raz-de-marée de gouvernements populistes.

Mais cela ne suffit pas. Afin de saisir l’énorme opportunité qui nous est offerte, il faut passer du constat à l’action, de l’urgence aux grands choix stratégiques. Or le Conseil européen s’est borné ce 23 avril à rappeler des principes connus et à définir un cadre générique pour le plan de relance et la Commission n’en produira qu’un schéma dans les jours à venir. On devrait s’en plaindre, on s’en réjouira, puisque cela donne la possibilité aux acteurs économiques, qui vivent la mondialisation au quotidien, d’aider les leaders politiques à optimiser le dispositif.

Les domaines identifiés par le Conseil sont les bons : achèvement du marché intérieur, fonds de relance, action globale et gouvernance, mais tout dépendra si ce qui est engagé dans le plan d’action qui sera adopté en mai, est dans la ligne des quatre points suivants.

Premièrement, le marché intérieur ne doit plus connaitre aucune entrave. La crise du Covid-19 a démontré que même dans des circonstances d’intérêt public absolu, des règlementations incohérentes entravent la circulation des biens et des services. Elle doit être aussi l’occasion de ne plus faire les choses à moitié et d’éliminer les barrières résiduelles une fois pour toutes.

Deuxièmement, le fonds de relance doit être tourné vers l’avenir plutôt que vers le passé : avec probablement 1.000 milliards d’euros de dotation, soit environ l’équivalent du budget septennal de l’UE (le MFF) actuellement en discussion, le fonds de relance représente l’initiative financière la plus significative de toute l’histoire de notre Union. Les montants sur la table permettraient à l’UE de financer des programmes qui semblaient encore hier hors de portée : c’est une occasion unique.

Deux principes doivent guider l’action de l’UE dans l’allocation du Fonds de relance. Premier principe la rentabilité : il faut qu’il y ait un net partage entre les ressources nécessaires à amortir les chocs sociaux et celles consacrées à accroitre notre croissance et compétitivité futures, qui devraient représenter au moins les 3/4 du total et pouvoir bénéficier d’un effet de levier. De même, à l’intérieur des investissements pour la croissance, il faut que les fonds disponibles soient alloués, en priorité a ceux des grands écosystèmes que composent notre économie, en mesure d’assurer les niveaux de rentabilité les plus élevés. Deuxième principe, l’impact : il faut impérativement éviter les saupoudrages et se concentrer sur des projets de recherche le développement, qui puissent aider à maintenir ou acquérir un leadership mondial. Les mesures de lutte contre le changement climatique et pour la digitalisation, prônées par la Commission sont des priorités absolues, puisqu’ils rendent notre industrie plus résiliente.

Il faudra néanmoins ne pas négliger d’autres aspect transversaux, tels que la logistique et la résilience urbaine par exemple, parce qu’essentiels à notre compétitivité globale. Enfin, il faut toujours tenir à l’esprit qu’il est plus aisé de conserver ce que l’on a de conquérir ce qu’on n’a pas. Il faudra donc des politiques sectorielles nécessaires à accompagner la sortie de crise de certaines de nos industries de pointe, telles que l’aéronautique ou l’automobile, si nous ne voulons pas nous retrouver privé des pans entiers de notre outil industriel.

Troisièmement l’action de notre Union doit rester globale, mais cesser d’être naïve. La crise du Covid-19 nous impose deux maîtres-mots : rapatriements et protections. C’est par raison et sans aucune hostilité pour l’Empire du milieu que l’UE doit faciliter le rapatriement des productions les plus sensibles et que pour les autres fournitures stratégiques elle doit aller vers une saine diversification de nos fournisseurs. Pour y parvenir, nous devons bâtir sans tarder des partenariats stratégiques forts avec des pays qui sont nous complémentaires et qui sont confrontés aux mêmes défis que les nôtres : avant tout l’Inde, mais aussi les pays de l’Asean, le Japon et peut être le Brésil. Avoir délocalisé à ce point en Chine, comme par exemple pour la production de 80% des substances actives de nos médicaments, est suicidaire. Le rapatriement des activités sensibles devra bien entendu se faire sur une base européenne, ainsi que devraient l’être les golden share. Certaines autres productions stratégiques pourront rester hors de l’Union à condition de diversifier : en cinq ans la moitié de ce que nous importons de Chine dans des domaines stratégiques devra l’être d’ailleurs.

Quatrièmement la gouvernance européenne doit devenir plus efficace : là aussi, deux aspects. D’une part la récente décision par la République tchèque de fermer ses frontières avec l’Allemagne pendant un an est l’ultime exemple que le souci de Angela Merkel de ne laisser personne sur la route ne peux plus être un dogme. Le temps est compté : il faut de mettre tout de suite en place les coopérations renforcées entre États du traité de Nice… qui voudra suivra.

De l’autre, il faut tirer des leçons de cette crise, abandonnant tout critère idéologique dans le partage des compétences entre UE et États nationaux. Tout le monde s’accorde aujourd’hui à dire que face au Covid-19 la prévention et la gestion des pandémies, devront se faire au niveau de l’UE. Cependant, c’est absolument le contraire qui a été décidé dans le traité de Lisbonne en 2007, qui exclut toute compétence sanitaire de l’UE. On espère donc ne pas avoir à attendre de nouveaux chocs de la portée de l’actuel, pour confier à l’UE les tâches qu’elle peut faire mieux que les états nationaux et pour imposer à ces derniers des standards minimaux à respecter.