Vers un rapprochement des droites européennes au PPE ?

Aujourd’hui, les rapprochements ont déjà commencé mais sont restés ponctuels en présence d’un groupe Renew fort constituant la 3e force politique de cette mandature. Les élections européennes vont-elles changer la donne ?

À quelques semaines des élections européennes de juin 2024, beaucoup se posent la question d’une éventuelle reconfiguration des forces politiques au Parlement européen qui résulterait d’une poussée vers la droite, voire vers l’extrême droite.

Qu’en est-il exactement?

Cette note analyse les votes intervenus lors de la législature qui s’acheve, en particulier la nature de la coopération au cours de ces cinq années, entre le PPE (le grand groupe de centre droit) et le groupe ECR (dans lequel siègent notamment les députés de Fratelli d’Italia, le parti de la première Ministre italienne, Giorgia Meloni, et ceux du Pis polonais, qui était au pouvoir en Pologne jusqu’a l’automne dernier). Le groupe ECR (national-conservateur) est à distinguer du groupe d’extrême droite ID (Identité et démocratie), dans lequel siègent notamment le Rassemblement national français et l’Afd allemande, et dont les positions restent très isolées de celles des autres groupes.

Il ressort de notre étude que sur la plupart des dossiers législatifs, la « grande coalition » majoritaire pro-européenne composée des trois groupes PPE, SD (socio-démocrates) et Renew (centristes-libéraux) a, jusqu’à présent, constitué le bloc central. C’est en son sein que se réalisent les compromis et se trouvent les accords menant à un vote majoritaire. Même si le poids respectif des trois groupes, en particulier SD et Renew, devrait diminuer, cette situation devrait perdurer après juin 2024 selon les sondages actuels qui prévoient une poussée à droite contenue.

Toutefois, l’expérience récente montre aussi qu’en cas de rupture de cette grande coalition, le PPE s’associe plus volontiers avec la droite nationale-conservatrice (ECR) qu’avec le groupe libéral. Et aussi que cette géométrie varie selon qu’il s’agit d’économie, d’environnement, ou de migrations, le groupe Renew jouant un rôle clef en l’absence, durant cette législature, d’une possible alliance PPE/ECR capable de constituer une majorité alternative.

Ceci pourrait changer après juin 2024 si un mouvement vers la droite pouvait conduire le PPE, ou au moins certains de ces élus, à délaisser, sur certains thèmes, un partenariat avec Renew pour se tourner vers un groupe ECR lui-même soucieux de préserver son unité en se distinguant de sa propre droite, le groupe ID.

Ce travail de nos deux experts, Nathalie Bracq et Awenig Marié a été supervisé et discuté au sein de l’Observatoire politique du Parlement européen de l’Institut Jacques Delors (Paris), avec la participation de Pervenche Berès, Jean Louis Bourlanges, Monica Frassoni, Fabienne Keller, Pascal Lamy, Alain Lamassoure et Christine Verger.

https://institutdelors.eu/publications/une-poussee-a-droite-aux-elections-conduirait-elle-a-un-changement-de-la-coalition-centrale-au-parlement-europeen/

Des convergences programmatiques fortes entre les droites :

  • À droite de l’échiquier politique, le PPE souhaite lancer un « plan d’investissement pour des emplois européens de qualité » avec l’UE et ses États membres atteignant un investissement combiné de 4% du PIB. La dimension européenne d’un tel plan reste toutefois vague.
  • Le PPE souhaite poursuivre un mélange de politique industrielle et de politique de la concurrence qui permette de « créer des cham- pions européens pour être compétitifs au niveau mondial ». Il est intéressant de noter que le PPE appelle à une politique industrielle européenne ambitieuse, qui « doit servir les secteurs stratégiques de l’économie » et garantir la sécurité économique de l’Union.
  • Les programmes électoraux du centre-droit de l’échiquier politique mentionnent tout particulièrement le secteur des services financiers du marché unique. L’ALDE et le PPE appellent à l’approfondissement et à l’achèvement de l’Union bancaire et de l’Union des marchés de capitaux de l’UE, y voyant également un moyen de renforcer le financement privé de la transition verte et d’autres objectifs européens communs.
  • Le PPE souhaite « favoriser des relations dynamiques avec des alliés stratégiques » (États- Unis, Royaume-Uni, Amérique latine, région indopacifique), tandis que le parti CRE veut « favoriser une coopération spéciale avec des partenaires partageant les mêmes idées au sein d’une Union des démocraties ». Ces programmes présentent la Chine comme un concurrent plutôt que comme un partenaire.

https://institutdelors.eu/wp-content/uploads/2024/05/BP_240523_EU_Parties_Manifestos_Economy_Eils_FR.pdf