Sommet des deux rives : 10 pays bordant la Méditerranée se retrouvent à Marseille



Actualité


21.06.2019

Marianne Lazarovici

Loin de se limiter à la lutte contre le terrorisme et à la gestion des flux migratoires, l’espace méditerranéen recouvre de nombreux enjeux et opportunités. C’est autour de cette idée que s’articule le Sommet des deux rives qui se tient les 23 et 24 juin à Marseille et réunit 10 des Etats bordant la Méditerranée.

Forum thématique de Malte, en amont du Sommet des deux rives

Forum thématique de Malte, en amont du Sommet des deux rives, avril 2019 – Crédits : Ministère des affaires étrangères, Malte / Flickr

A l’initiative de la France, le Sommet des deux rives des 23 et 24 juin affiche un objectif clair : impulser une dynamique « positive » et « inclusive » en Méditerranée. D’un côté, les cinq Etats européens de la rive nord – Italie, Malte, France, Espagne et Portugal. De l’autre, cinq Etats méditerranéens d’Afrique subsaharienne – Algérie, Tunisie, Maroc, Libye et Mauritanie. Un format de dialogue à « 5+5 » qui remonte à 1990 et une volonté, pour ces deux régions voisines qui entretiennent des relations aussi complexes qu’anciennes, de relancer leur coopération.

Relations euro-africaines

Au niveau européen, c’est en 1995 que l’UE s’est dotée d’un véritable volet méditerranéen, avec notamment la mise en place du partenariat Euromed qui réunit les Vingt-Huit ainsi que 15 Etats d’Afrique du Nord, du Moyen-Orient et des Balkans.

A l’initiative du président français de l’époque, Nicolas Sarkozy, ce partenariat a été renforcé en 2008 par la création de l’Union pour la Méditerranée, qui promeut le dialogue et la coopération dans la région.

Qu’est ce que l’Union pour la Méditerranée ?

Ces dernières années, face aux défis des Printemps arabes et des questions migratoires et sécuritaires, la coopération entre les deux rives de la Méditerranée s’est particulièrement inscrite dans des logiques de stabilité et d’intégration régionale.

Mais les Etats de l’espace méditerranéen ambitionnent aujourd’hui de relancer leur collaboration autour de nouveaux projets. « Il nous faut retrouver le fil d’une politique méditerranéenne différente en tirant les enseignements de ce que nous avons réussi et de ce que parfois nous ne sommes pas parvenus à faire« , a ainsi déclaré Emmanuel Macron, le 27 août 2018, en confirmant la tenue de ce Sommet des deux rives.

« La Méditerranée n’est pas désertée, au contraire, elle déborde !« , analyse Sébastien Abis, chercheur à l’IRIS qui note l’enthousiasme que suscite la région mais déplore « le manque de synergie » qui caractérise « le mille-feuille euroméditerranéen« .

Société civile

En amont du sommet, d’avril à juin, se sont tenus cinq forums thématiques préparatoires dans différents pays, – accompagnés par l’Union pour la Méditerranée – et sur différents thèmes, de l’énergie à la jeunesse et l’éducation en passant par le tourisme.

Cent personnalités de la société civile – dix par Etat – ont notamment été sélectionnées dans le but de recenser les projets issus de la société civile. Réunie les 11 et 12 juin à Tunis, cette « Assemblée des cent« , menée par la Tunisienne Wided Bouchamaoui, également cheffe de file de la délégation tunisienne, a pu synthétiser ces idées dans le but de les rapporter aux décideurs lors du sommet.

L’Assemblée a ainsi publié la Déclaration de Tunis, décrite comme « une initiative qui laisse à la société civile un rôle de premier plan pour relancer la coopération sur de nouvelles bases« , autour de 5 thèmes principaux : l’énergie, la jeunesse, l’économie et l’innovation, la culture et l’alimentation durable.

Dans les projets et propositions de la société civile, « il y a de tout, de l’inédit comme du réchauffé, de l’original comme du redondant, du fédérateur régional comme du projet local« , précise toutefois Sébastien Abis.

Que peut-on, dès lors, attendre de ce sommet ? La mise à l’agenda et la réalisation de « projets et initiatives concrets en faveur du développement humain, économique et durable dans la région« , selon le chercheur.

Une multitude de participants

La société civile française est de son côté représentée par Patricia Ricard, présidente de l’Institut océanographique Paul Ricard qui défend la protection des milieux marins.

Aux côtés des représentants de la société civile, sont également invités aux Sommet des deux rives l’Union européenne, l’Allemagne, l’Union pour la Méditerranée – représentée par son secrétaire général, Nasser Kamel et la Fondation Anna Lindh. Comptent aussi parmi les participants les principales organisations économiques internationales comme la Banque mondiale, la Banque européenne d’investissement, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, et l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE).

 

Suite au Sommet des deux rives, Emmanuelle Gardan, Cheffe de secteur Enseignement supérieur et recherche au secrétariat de l’Union pour la Méditerranée a répondu à nos questions.

Quel rôle a joué l’UpM dans le déroulement du Sommet des deux rives ?

« Le rôle de l’UpM est de combiner le dynamisme du dialogue Sommet des deux rives et du dialogue 5 + 5 avec des efforts régionaux plus larges, tout en mettant en avant les points de vue des générations futures de l’ensemble de la région euro-méditerranéenne. (…)

L’UpM a également réuni à Barcelone plus de 140 représentants de la société civile, d’organisations de jeunesse et d’acteurs non étatiques de l’ensemble de la région euro-méditerranéenne afin de proposer conjointement des recommandations pour renforcer la coopération dans de nombreux domaines clés, l’environnement, l’eau, l’énergie, l’intégration économique, la formation, l’autonomisation des femmes et des jeunes« . (Ces recommandations ont été présentées à l’assemblée des 100 réunie à Tunis, ndlr).

Quels défis identifiez-vous dans la région ?

« Contrairement aux attentes, le diplôme ne protège pas du chômage – et il faut y ajouter tous ceux et celles qui sont sous-employés par rapport à leur niveau de qualification et qui travaillent dans l’économie informelle. Les transitions des systèmes éducatifs vers le marché du travail sont longues et difficiles – et les jeunes femmes sont particulièrement concernées.

De plus, même si la région connaît un taux d’inscription dans l’enseignement supérieur de plus en plus important – il devrait atteindre les 40% d’ici à 2030 sur la rive Sud de la Méditerranée, près d’un tiers des employeurs considèrent que la pénurie de compétences est une contrainte à l’embauche. »

Quels types de projets avez vous encouragés lors du Sommet ?

« L’UpM s’est concentrée sur la construction d’un agenda positif pour la jeunesse en Méditerranée. (…) En termes de projets concrets, MedNC et HOMERe figurent parmi les initiatives spécifiques (…) mises en évidence lors des forums préparatoires au Sommet des deux rives.

Le projet HOMERe (Haute opportunité en Méditerranée pour le Recrutement de cadres d’excellence) encourage la mobilité étudiante par des stages professionnalisants de fin d’études dans les pays méditerranéens (…) afin de permettre [aux étudiants] d’acquérir l’ouverture interculturelle et les compétences transversales recherchées sur le marché du travail.

D’autre part, le ‘Réseau Méditerranée Nouvelle Chance’ est une autre initiative importante qui a été présentée lors des forums préparatoires au Sommet des deux rives. Inspirée du modèle français des écoles de la seconde chance, ce projet régional relève le défi de l’insertion socio-professionnelle de jeunes éloignés de l’éducation, de la formation et de l’emploi. »

Quel bilan ?

Un nouveau rendez-vous a été fixé dans six mois, « pour aller plus loin« , selon les mots d’Emmanuel Macron. Avec pour objectif de mettre en place les projets concrets évoqués lors du Sommet, qui seront consultables sur une plateforme en ligne. Développer dans une démarche durable la mobilité, le numérique, et l’innovation mais aussi soutenir la jeunesse apparaissent être les axes prioritaires du Sommet.

Parmi les projets retenus, on relève un réseau d’écoles de la deuxième chance, une maison euro-arabe de la traduction, un organe de presse plurilingue… des projets qui ciblent notamment les jeunes diplômés, dont le taux de chômage dépasse les 25 %.



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