SMEI -single market emergency instrumen- protéger face aux crises

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© European Union, 2022

Les dysfonctionnements mis en avant par la pandémie de COVID-19 ont incité les institutions européennes à mettre en place des mesures pour soutenir le marché́ unique dans les situations d’urgence, le « single market emergency instrument » (SMEI).

Les crises récentes, et notamment la pandémie de COVID-19, ont mis en avant un certain nombre de dysfonctionnements du marché unique. 

En particulier : 

  • Les entreprises et les citoyens ont souffert de restrictions à l’entrée dans l’UE, de ruptures d’approvisionnement et d’un manque de prévisibilité́ des mesures 
  • Les restrictions aux échanges intra-UE et les limitations des déplacements ont perturbé́ la libre circulation des biens, des services et des personnes, infligeant ainsi des coûts et des retards à l’économie et entravant la mise en place de solutions globales à la crise 

Dans ce cadre, la Commission européenne a présenté, lors d’une conférence de presse animée par Mme Margrethe Vestager et M. Thierry Breton le 19 septembre 2022, un ensemble de mesures visant à soutenir le marché unique de l’Union Européenne dans les situations de crise.

« La crise de la COVID-19 nous a clairement montré que nous devons assurer le bon fonctionnement du marché́ unique à tout instant, y compris en temps de crise. Nous devons le rendre plus fort. Nous avons besoin de nouveaux outils qui nous permettent de réagir rapidement et collectivement. Ainsi, nous pouvons faire en sorte, en toute situation de crise, que le marché́ unique reste ouvert et que les biens d’importance vitale restent accessibles pour protéger les citoyens européens. » M. Vestager

« Dans le sillage des crises de ces dernières années, nous avons travaillé́ dur pour préserver le bon fonctionnement du marché́ unique, maintenir nos frontières et nos chaînes d’approvisionnement ouvertes et garantir l’accès aux produits et services dont nos citoyens ont besoin. Nous devons cependant être mieux préparés pour anticiper les crises que nous réserve l’avenir et y répondre. Plutôt que de s’appuyer sur des actions improvisées ad hoc, nous disposerons […] d’une solution structurelle pour préserver la libre circulation des personnes, des biens et des services lorsque les circonstances l’exigent. » T. Breton

LE SMEI présenté fait suite aux conclusions du Conseil Européen du mois d’octobre 2020 

Dans ses conclusions du 1er et 2 octobre 2020, Conseil Européen présentait une injonction à tirer les enseignements de la crise de la COVID-19 et à remédier à la fragmentation, aux obstacles et aux faiblesses du marché́ unique dans les situations d’urgence. Suite à cela, dans la mise à jour de la stratégie industrielle de 2020, publiée au mois de mai 2021, la Commission Européenne annonçait qu’elle allait développer et présenter un instrument ad hoc pour garantir le fonctionnement du marché unique en situation de crise et accroitre la transparence et la coordination de la gestion des crise. Le PE a invité à développer l’outil en tant qu’outil structurel juridiquement contraignant afin de garantir la libre circulation en cas de crises futures. 

L’ensemble de ces évènement ont conduit à la présentation de l’instrument du marché unique lors de la conférence de presse du 19 septembre 2022 par la Commission Européenne après une période de consultation en avril -mai

Le SMEI devrait permettre d’assurer le bon fonctionnement du marché intérieur en cas de crise grâce à trois volets de mesures

Le nouvel instrument établit un cadre de gestion de crise finement calibré, visant à relever les différentes menaces qui pèsent sur le marché́ unique et à assurer son bon fonctionnement grâce à trois volets. Ces volets sont présentés ci-dessous.

Une architecture de gestion de crise pour le marché unique :

  • Mise en place d’un mécanisme de veille pour le marché unique 
  • Définition et détermination de différents niveaux de risque 
  • Coordination d’une réponse graduée selon plusieurs phases : prévention des urgences, situation d’alerte et situation d’urgence 

Des mesures pour faire face aux menaces pesant sur le marché unique :

  • En situation d’alerte : veille concentrée sur les biens et services d’importance stratégique et constitution de réserves de ces biens et services 
  • En situation d’urgence : protection de la libre circulation au sein du marché unique (liste de restrictions proscrites, contrôle rapide et renforcé des restrictions unilatérales) 
  • Règles facilitant l’organisation par la Commission de marchés publics de biens et de services utiles en situation de crise 
  • La Commission peut recommander aux États membres de garantir l’approvisionnement en biens utiles en situation de crise (extension et réaffectation de sites de production, octroi accéléré́ d’autorisations, etc.) et une distribution ciblée des réserves constituées pendant la situation d’alerte 

Des mesures supplémentaires autorisées uniquement en situation d’urgence et nécessitant une procédure d’activation distincte : 

  • Émission possible de demandes d’informations ciblées auprès des opérateurs économiques (peut revêtir une forme contraignante) 
  • Émission possible de demandes d’accepter des commandes prioritaires pour des produits utiles en situation de crise (les opérateurs qui ne s’exécutent pas doivent exposer les raisons sérieuses qui motivent leur refus) 
  • Potentielle mise en place de protocoles d’essais et de procédures d’autorisation plus rapides, visant à accélérer la mise sur le marché de certains produits et à garantir leur disponibilité́ en cas d’urgence 

Ces trois volets du nouvel instrument du marché unique pour les situations d’urgence se traduisent par trois propositions de la Commission, qui seront examinées par le Parlement Européen et le Conseil de l’UE 

  • Proposition de règlement établissant un instrument du marché unique pour les situations d’urgence 
  • Proposition de règlement établissant des mesures visant à faciliter l’approvisionnement en biens utiles en situation de crise dans le contexte d’une situation d’urgence pour le marché́ unique 
  • Proposition de directive introduisant des procédures d’urgence pour l’évaluation de la conformité́, l’adoption de spécifications communes et la surveillance du marché dans le contexte d’une situation d’urgence pour le marché unique 

L’instrument du marché unique pour les situations d’urgence complète d’autres mesures législatives de l’Union Européenne en matière de gestion des crises 

Les principales mesures de l’Union Européenne qui sont complétées par le nouvel instrument du marché unique sont les suivantes : 

  • L’Union Européenne possède un centre de coordination de la réaction d’urgence (ERCC) qui offre des moyens d’interventions aux pays en crise. Ce centre a été créé afin de proposer des réponses coordonnées en cas d’urgence. L’instrument du marché unique pour les situations de crise partage le même objectif : une gestion de crise ordonnée et plus efficace. 
  • L’Union Européenne dispose d’autre mesures spécifiques à certains secteurs. Par exemple, la crise associée à la pandémie de COVID-19 a provoqué une pénurie de semi-conducteurs. En juillet 2021, la Commission Européenne a lancé l’alliance pour les processeurs et les technologies des semi-conducteurs afin de permettre aux entreprises du secteur d’ échanger leurs connaissances.

L’annonce de la Commission Européenne a suscité des réactions critiques et des interrogations de la part des représentants des États membres

A Bruxelles au Conseil « Compétitivité » le 29 septembre dernier, les ministres ont demandé une définition claire des termes et des limites de ces pouvoirs dans les situations d’urgence.

« Il est important que l’instrument du marché unique pour les situations d’urgence reste un instrument de crise. » S. Giegold, Secrétaire d’État, Allemagne 

« Nous ne voulons pas imposer de charges supplémentaires aux entreprises pour qu’elles donnent leurs secrets commerciaux car, au final, cela ne ferait que diminuer notre compétitivité et notre capacité à faire face aux crises. » K. Järvan, Ministre de l’Entrepreneuriat et des Technologies de l’Information, Estonie 

« Il devrait s’agir de donner du pouvoir aux entreprises, et non de prendre le contrôle. » M. Stibbe, Deputy Permanent Representative, Pays-Bas 

« Une approche plus équilibrée avec un rôle considérablement accru du Conseil [des États membres de l’UE] est nécessaire dans le processus décisionnel. » K. Žemaitis, Vice-Ministre, Lituanie 

Des acteurs éconmoques s’inquiètent des implications de la nouvelle proposition de la Commission Européenne. Ainsi, Eurochambres, l’association des chambres de commerce européennes, a averti que certaines des mesures pourraient constituer une surenchère règlementaire et que les entreprises ne devraient être invitées à fournir des informations à que sur une base volontaire.

De son côté, la Confédération européenne des syndicats (CES) craint qu’une grève ne soit considérée comme une crise dans le cadre du nouvel instrument et que cela ne compromette l’action collective au sein de l’Union Européenne. En effet, le nouveau règlement pourrait abroger un règlement de 1998 qui visait à supprimer les obstacles à la libre circulation des marchandises dans le marché unique, et qui contenait une disposition garantissant explicitement le droit de grève des travailleurs, alors que la nouvelle proposition ne contient aucune disposition de ce type.

Par ailleurs, « la VDMA rejette les éléments de l’instrument d’urgence qui limitent la liberté d’entreprendre ». (fédération allemande de la construction mécanique et de l’ingénierie) , le think tank Bruegel à Bruxelles, a critiqué l’instrument de manière plus fondamentale : « Il est illusoire de penser que la Commission pourrait diriger des chaînes d’approvisionnement complexes depuis ses bureaux à Bruxelles », ou encore « Chaque intervention dans la hiérarchisation des commandes prive également de priorité la commande de quelqu’un d’autre. Quelle est la justification d’une telle démarche ? ». 

Conclusion

Les évènements liés aux crises récentes telles que la pandémie de COVID-19 – on pense notamment aux problèmes d’approvisionnement de masques chirurgicaux – ou la guerre opposant l’Ukraine et la Russie nous laissent penser qu’une coopération accrue entre les États européens est nécessaire afin d’assurer le bon fonctionnement du marché unique en situation d’urgence. L’intention de la Commission Européenne est donc bonne, et le nouvel instrument proposé devrait permettre d’assurer un meilleur rouage du marché intérieur en cas de crise future. Cependant, les remarques et interrogations que l’on a vu naître à la suite de l’annonce de la Commission Européenne ne sont pas absurdes, et il sera nécessaire de définir précisément les notions de crise et d’état d’urgence, afin d’éviter les abus, qui pourraient mener à des atteintes à certains droits et libertés fondamentaux, tel que le droit de grève par exemple. 

Sources

Un marché́ unique résistant aux crises: l’Europe se dote d’une série d’outils calibrés pour protéger la libre circulation et l’accès à des biens et services stratégiques. Commission Européenne. https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/IP_22_5443

La Commission dévoile un instrument de protection du marché́ intérieur pour faire face aux crises. Toute l’Europe. https://www.touteleurope.eu/economie-et-social/la-commission-devoile-un-instrument-de-pro 

IUMU : les nombreux pièges du nouvel outil de contrôle de la chaîne d’approvisionnement de l’UE. Euractiv. https://www.euractiv.fr/section/economie/news/iumu-les-nombreux-pieges-du-nouvel-outil-de-controle-de-la-chaine-dapprovisionnement-de-lue/

Les États membres critiquent l’instrument du marché unique pour les situations d’urgence. Euractiv. https://www.euractiv.fr/section/economie/news/les-etats-membres-critiquent-linstrument-du-marche-unique-pour-les-situations-durgence/

Les entreprises et les syndicats critiquent le projet d’instrument européen de sécurisation des chaînes d’approvisionnement. Euractiv. https://www.euractiv.fr/section/economie/news/les-entreprises-et-les-syndicats-critiquent-le-projet-dinstrument-europeen-de-securisation-des-chaines-dapprovisionnement/

Le droit de grève menacé par une nouvelle législation européenne. Confédération européenne des syndicats. https://www.etuc.org/fr/pressrelease/le-droit-de-greve-menace-par-une-nouvelle-legislation-europeenne

Le marché unique de l’Union Européenne. Toute l’Europe. https://www.touteleurope.eu/fonctionnement-de-l-ue/le-marche-unique/

Le mécanisme européen de protection civile en cinq questions. Vie publique. https://www.vie-publique.fr/questions-reponses/281255-le-mecanisme-europeen-de-protection-civile-en-cinq-questions#:~:text=Le%20m%C3%A9canisme%20europ%C3%A9en%20de%20protection%20civile%20permet%2C%20en%20cas%20de,contact%20au%20lieu%20de%20plusieurs

Sécurité alimentaire et caractère abordable des denrées alimentaires. Conseil Européen. https://www.consilium.europa.eu/fr/policies/food-security-and-affordability/

Règlement européen sur les semi-conducteurs – Questions et réponses. Commission Européenne. https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/QANDA_22_730?fbclid=IwAR1GVRR0sHFvgRS7n2eFZAkQ30u-uPcnoRWVGbVO0Kql-lQ9FnMC_WwJxtw