Restauration de la nature : la loi survit au Parlement

12 juillet à Strasbourg, les eurodéputés ont arrêté leur position sur la loi de restauration de la nature. Un des textes clé du « Pacte vert européen » a été adopté malgré une forte opposition du PPE et avec un contenu amoindri.

Biodiversité : accord incertain trouvé sur le texte  de restauration de la nature
jeudi 9 novembre un compromis sur le texte doit permettre de préserver la biodiversité et de restaurer les écosystèmes européen.
Selon les données de l’UE, plus de 80 % des habitats naturels d’Europe sont en mauvais état – Crédits : Mateo Serggrellietu / iStockLe projet présenté par la Commission a été examiné par le Parlement. Il y a été  attaqué par les chrétiens-démocrates du PPE qui avaient cherché cet été à faire effacer le texte , alliés aux « populistes et nationalistes » situés à « l’extrême-droite » de l’hémicycle, arguant que le projet  « mettrait en danger la sécurité alimentaire de l’Union« . Au Conseil et avec le PE  « plus de dix heures » de négociations ce jeudi.Un texte nécessaire »plus de 80 % des habitats naturels en Europe sont en mauvais état« , tout comme « 70 % des sols » [Die Zeit]. Le projet de loi vise  à « restaurer 30 % des habitats en mauvais état d’ici 2030, 60 % d’ici 2040 et 90 % d’ici 2050« .Les Etats devront adopter des plans « détaillés, expliquant comment ils ont l’intention d’atteindre ces objectifs« , le premier concernant la période qui court « jusqu’en 2032, le second 2042, le troisième, 2050« .Les pays devront « introduire des mesures ciblées pour augmenter : les populations de papillons des prairies, les caractéristiques respectueuses de la nature telles que les haies sur les terres agricoles, et le stockage du carbone dans les sols ».Accueil mitigé et un avenir ?  Pascal Canfin, président de la commission de l’Environnement du Parlement s’est félicité de ce texte fondateur : « aujourd’hui, il n’y a aucune gouvernance de la biodiversité à l’échelle du continent. Le concept juridique de restauration de la nature n’existe pas« . Mais regrette les Etats n’aient que des « obligations de moyens et que les objectifs proposés pour restaurer les tourbières aient été affaiblis alors que les écosystèmes peuvent « stocker les émissions de CO2« .Pire, la loi laisse la possibilité aux Etats de la suspendre temporairement si celle-ci nuit à « une production suffisante pour la consommation européenne de nourriture« . WWF regrette ces « importantes dérogations« .Le texte doit  « être approuvé formellement » par le Conseil et auparavant au PE. Or il n’est « pas certain » que le PPE soutienne le texte 

Des eurodéputés soutenant la loi ont porté des T-shirts « Restore Nature » Crédits : Philippe Stirnweiss/Parlement européen336 voix pour, 300 contre et 14 abstentions, un feu vert pour le  projet de loi visant à restaurer les écosystèmes. Le PE va à présent sur cette base négocier le projet de loi sur la restauration de la nature avec le Conseil de l’Union européenne qui avait déjà élaboré sa position.

Ce règlement imposera aux Etats des objectifs contraignants (30 % d’ici à 2030 et 60% d’ici à 2040)  de restauration des terres et espaces marins abîmés par la pollution ou l’exploitation intensive, pour préserver la biodiversité, dans la lignée de l’accord de la COP15 à Montréal« .

Ce texte  fait partie du Green Deal européen, paquet de mesures législatives visant à rendre l’Union climatiquement neutre d’ici à 2050 ( lien Green deal) Sept domaines d’action sont concernés: les terres agricoles, les tourbières, les pollinisateurs et les fonds marins » [Euronews].

Le président du groupe des conservateurs (PPE), Manfred Weber a mené campagne pour faire tomber le texte  sur la restauration de la nature : « dangereuse pour l’économie, la sécurité alimentaire et les agriculteurs » Politico.

Ce texte est premier depuis 30 ans pour protéger la biodiversité dans l’Union européenne » [L’Echo] mais c’est Mais c’est une version très édulcorée avec 140 amendements intégrés. par exemple, la nouvelle version « supprime la mesure qui fixait des objectifs contraignants pour la restauration des écosystèmes agricoles, des tourbières  [et] réduit  l’objectif de restauration des écosystèmes fluviaux. 

Le texte prévoit même des conditions dans lesquelles l’application de la loi peut être suspendue [Le Monde]. Si le texte est sauvé au Parlement européen, Contexte indique que « la bataille est loin d’être terminée car les réactions, à l’issue du vote, laissent présager des négociations difficiles avec les Etats membres.

Une ambition de restauration de la nature diluée

Ce maintien en vie s’est fait au prix d’une ambition largement revue à la baisse. Il s’agit d’un texte clé du Pacte vert européen, qui prévoit de ramener au moins 20 % des terres et des mers dégradées du Vieux Continent à leur état d’origine d’ici à 2030.

C’est une défaite majeure pour Manfred Weber, le leader du PPE (droite), principal parti du Parlement européen, qui a tout fait pour le tuer.

La plupart des eurodéputés de droite et d’extrême droite populistes, mais aussi une partie des élus Renew (centristes) réclamaient le retrait du texte, affirmant qu’il mettrait en danger la sécurité alimentaire, aurait des effets néfastes pour les agriculteurs et bloquerait des projets d’énergies renouvelables.

Version édulcorée

Au final, le compromis voté n’est qu’une version très édulcorée du texte initial. Des amendements visant à augmenter les objectifs de restauration à 30 % des écosystèmes dégradés ont notamment été rejetés. Mais pour ses partisans, les Socialistes et démocrates, les Verts, la Gauche et Renew, c’est évidemment mieux que rien.

« C’est sûr que le texte est édulcoré mais il n’en reste pas moins qu’il s’agit du premier texte juridique pour restaurer des écosystèmes détruits ou dont la qualité s’est dégradée, c’est une première mondiale », plaide Pascal Canfin, eurodéputé Renew, président de la commission Environnement.

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Pour sa part Manfred Weber s’est félicité d’avoir « influencé » la position du Parlement. « Nous nous sommes battus pour nos convictions et sommes arrivés très proches du but », a-t-il dit.

Le PPE est notamment parvenu à faire voter des amendements sur la suspension de l’application de la législation si le financement n’était pas assuré, ou encore sur la possibilité de reporter les objectifs si les prix alimentaires, ceux des énergies renouvelables ou le logement social étaient impactés négativement par la loi.

Bataille politique

La bataille politique de ces dernières semaines a été extrêmement rude, mêlant attaques personnelles et manoeuvres politiciennes. Le PPE a été accusé de vouloir gagner des voix au nom de la protection des agriculteurs, dont le poids électoral est fort en Europe. L’organisation dans un an des élections européennes a sans nul doute contribué à envenimer les débats.

Ce n’est pas la fin de l’histoire. Le Parlement, le Conseil et la Commission européenne doivent désormais se mettre d’accord sur une version finale du texte.

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La résistance des conservateurs européens menace le Pacte vert

Beaucoup redoutent que ces divisions politiques se reflètent sur les futurs textes du Pacte vert qui vise à atteindre la neutralité climatique d’ici à 2050.

Les législateurs européens ont encore à voter celui sur les normes Euro 7 (antipollution), qui a déjà déclenché des débats houleux, et celui sur les pesticides, aujourd’hui enlisé.

Le PPE a prévenu qu’il continuerait à se battre pour freiner la cadence, en raison de craintes sur le coût de la transition verte de l’UE. « Notre priorité restera le moratoire, a réaffirmé mercredi Manfred Weber. Il faut marquer une pause avant d’imposer des fardeaux supplémentaires à notre économie. Ces dernières années, nous avons lancé une approche très ambitieuse pour apporter des résultats sur le changement climatique et la biodiversité, mais nous devons aussi oeuvrer sur la compétitivité, le commerce et la sécurisation des emplois sur notre continent ».

Les ambitions vertes de l’Union européenne , aujourd’hui pionnière mondiale, pourraient ainsi connaître des jours plus sombres…

Fabienne Schmitt (Bureau de Bruxelles)

Le Parlement européen sauve un texte clé du Pacte vert mais dilue son l’ambition | Les Echos

La loi Restauration de la nature adoptée par le Parlement européen, que retenir de ce nouveau texte ?

Adoption de la loi restauration de la nature

Florentin Roy – Journaliste spécialisé sur la transition écologique et sociale

Florentin est journaliste spécialisé sur la transition écologique et sociale et sur les enjeux politiques liés à l’écologie. Passé par les rédactions de Sciences et Avenir et Socialter, il contribue à Youmatter depuis 2022.

Publié le 12 juillet 2023

Le Parlement européen vient d’adopter sur le fil un projet de loi controversé visant à protéger et restaurer les écosystèmes.

C’est une victoire in extremis qui a été annoncée au Parlement européen ce 12 juillet 2023. À l’ordre du jour, les eurodéputés votaient l’adoption de la loi de restauration de la nature. Un vote crucial pour un texte jugé « ambitieux » devant permettre de lutte contre le déclin d’une biodiversité durement touchée par les activités humaines et le changement climatique.

Loi restauration de la nature, qu’est-ce que c’est ?

La loi « Restauration de la nature », ou Nature restoration law, fait dorénavant partie intégrante du Pacte vert européen, la feuille de route des 27 pays membres pour que l’Union européenne (UE) entre dans une nouvelle ère dans la protection de l’environnement et la décarbonation des secteurs polluants.

Proposé par la Commission européenne en juin 2022, le nouveau texte de loi vise à obliger les États membres à assurer la restauration d’au moins 20% des superficies terrestres et maritimes de l’UE d’ici à 2030, puis de 60% d’ici 2040. Une première phase de protection de la Nature qui fait écho au niveau international à l’objectif « 30×30 » obtenu lors de la COP15 sur la biodiversité à Montréal en décembre 2022, dont le but est la protection de 30 % des espaces terrestres et 30% des espaces maritimes d’ici à 2030.

Approfondir sur la protection de la Nature : Quels droits pour protéger la Nature ? [Podcast] Triple A – #4 avec Marine Yzquierdo

Les instances européennes soulignent que 80 % des habitats en Europe sont en mauvais état, menacés par la pollution humaine, le changement climatique, la perte d’habitat ou la prolifération d’espèces envahissantes qui participent au déclin de la biodiversité dans le monde.

Un constat qui s’appuie sur des données scientifiques réunies par l’Agence européenne pour l’environnement (AEE) dans son évaluation de 2020 et démontrant un état de conservation critique pour de nombreux écosystèmes.

Des objectifs ambitieux pour la biodiversité

Face à cette menace globale, la loi se veut la plus large possible. Villes, campagnes, milieux marins, rivières, forêts… tous les habitats et les espèces sont concernés. L’objectif reste le même à chaque fois, endiguer le déclin des écosystèmes tout en favorisant l’émergence de nouveaux milieux en bonne santé.

Le projet de loi pousse ainsi les pays à engager des projets de restauration des milieux humides, des espaces côtiers et des habitats marins, à réintégrer des espèces terrestres et marines autochtones, à mieux entretenir les forêts, à végétaliser les villes, ou bien à retirer tous les obstacles artificiels (barrages, déversoirs, rampes…) dans le but de créer 25 000 km de cours d’eau à courant libre d’ici à 2030…

La loi obligera en outre les pays à intervenir notamment sur le secteur stratégique, mais non moins sensible, qu’est le monde agricole.

Elle appelle ainsi à renverser le déclin de la population de pollinisateurs d’ici 2030 et d’assurer la protection des autres espèces d’insectes et d’oiseaux, dont la disparition est causée en grande partie par la destruction de leur habitat et l’usage des pesticides. Il est estimé que 10% des abeilles et des papillons sont considérés à ce jour « en risque d’extinction », et que le secteur agricole serait responsable en grande partie de la disparition de 25% des espèces d’oiseaux en Europe.

Le Parlement ajoute cependant que les objectifs pourront être reportés en cas de « conséquences socioéconomiques exceptionnelles », sans pour autant en préciser la nature .

Une victoire sur le fil pour la protection de l’environnement

Votée 336 voix pour, 300 contre et 13 abstentions, l’adoption du projet de loi met un terme à plusieurs mois de négociations entre les députés de gauche et centre gauche, et les élus de droite et d’extrême droite particulièrement hostiles aux mesures proposées. Ils y opposent des impératifs de développement économique – industriels, forestiers et agricoles – que le projet de loi viendrait miner.

Une période de tensions qui a dépassé largement l’hémicycle parlementaire. De nombreuses personnalités, hommes et femmes chercheurs, activistes, élus, citoyens ont mené une bataille médiatique pour faire valoir l’importance de la loi de Restauration de la nature. Une victoire en soi, mais au goût amer pour ses défenseurs. L’opposition aura réussi lors de ces derniers mois à retirer certains amendements clefs, notamment en ce qui concerne la protection des océans comme le déplore le député S&D Raphaël Glucksmann dans une publication sur Linkedin.

Les négociations continuent entre les États membres afin de préciser dans les prochains mois un plan d’action pour sept domaines stratégiques identifiés, et ainsi allouer les ressources nécessaires pour mener à bien les nouveaux objectifs fixés par la loi de Restauration de la nature.

Photo de Marcin Jozwiak, Plexels.

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