Qu’est-ce qu’une initiative citoyenne européenne ?

Mise en place en 2011, l’initiative citoyenne européenne permet à un million de citoyens européens d’appeler la Commission européenne à légiférer sur un sujet donné. Un outil pour combler le « déficit démocratique » de l’Union européenne ? Sept ans après, force est de constater que son efficacité reste limitée.

Les auteurs du traité de Lisbonne ont introduit un élément de démocratie participative dans le fonctionnement de l’Union européenne. C’est le rôle que tient l’initiative citoyenne européenne (ICE), qui constitue une forme de participation politique, plus directe, à destination des citoyens. Elle permet ainsi à un million de citoyens européens, en provenance d’un quart des Etats membres, d’inviter la Commission européenne à faire une proposition sur un sujet qui leur tient à cœur.

Conformément au règlement de 2011, qui précise les modalités de l’ICE, les premières initiatives citoyennes européennes ont pu être lancées dès le 1er avril 2012.

Le 17 février 2014, le Parlement européen a organisé la première audition publique dans le cadre d’une initiative citoyenne européenne. Intitulée « Right for water », celle-ci demandait un accès à l’eau pour tous en Europe et dans les pays en développement.

Modalités

Le traité de Lisbonne définit l’initiative citoyenne comme :

  • Devant recueillir au moins un million de signatures de ressortissants d’un nombre significatif d’États membres (seuls les citoyens européens sont comptabilisés) ;
  • Devant concerner un domaine relevant de la compétence de la Commission européenne ;
  • Devant porter sur une question pour laquelle les signataires estiment qu’un acte juridique de l’Union est nécessaire aux fins de l’application des traités.

Par exemple, l’initiative ne peut pas porter sur le siège du Parlement à Strasbourg (c’est une question qui relève des Etats membres et non de la Commission) ou sur le rétablissement de la peine de mort (qui est contraire aux valeurs de l’Union).

Outre l’initiative citoyenne, il existe déjà un droit de pétition. Celles-ci sont adressées au Parlement européen, qui peut ensuite appeler lui-même la Commission européenne à agir. Le Parlement en reçoit en moyenne un millier par an.

Le règlement de 2011 apporte des précisions aux dispositions du traité. Pour qu’elle soit valide, une pétition doit répondre aux critères suivants :

  • Les signataires doivent provenir d’un quart des Etats de l’UE. Pour qu’un pays soit comptabilisé, il faut qu’un nombre minimum de ses ressortissants signent. Ce nombre est calculé en fonction de la population de l’Etat, de manière proportionnelle et dégressive. En France par exemple, il faut un minimum de 54 000 signatures ;
  • Les signataires doivent avoir la majorité électorale de leur Etat d’origine (16 ans en Autriche, 18 ans partout ailleurs).

La Commission européenne fixe également des règles d’authentification pour la pétition.

Devenir d’une initiative citoyenne

En vue d’assurer la cohérence et la transparence des propositions d’initiatives citoyennes et d’éviter la collecte de signatures pour une proposition ne respectant pas le cadre réglementaire, lesdites initiatives doivent impérativement être enregistrées sur un site internet mis à disposition par la Commission, avant que les déclarations de soutien nécessaires ne soient recueillies auprès des citoyens.

Toutes les propositions d’initiative citoyenne satisfaisant aux conditions énoncées par le règlement de 2011 doivent être enregistrées par la Commission. Celle-ci doit procéder à l’enregistrement conformément aux principes généraux de bonne administration : elle dispose de deux mois pour se prononcer. Cela ne préjuge en rien de la décision qu’elle prendra sur le fond.

Lorsque l’initiative remplit toutes les conditions (dépassement du million de signatures en provenance d’un nombre suffisant États), les autorités nationales compétentes vérifient l’authenticité des signatures. Si tout est conforme, la Commission a quatre mois pour se prononcer sur le fond, et expliquer ce qu’elle compte faire. Elle n’est pas obligée d’agir, et doit expliquer les raisons qui la poussent à ne pas donner suite.

Avant même la constitution du règlement de 2011, une première initiative citoyenne a été lancée par Greenpeace en mars 2010. Objectif : appeler la Commission européenne à établir un moratoire sur les cultures d’OGM en Europe, à mettre en place un organe scientifique « indépendant et éthique » pour étudier l’impact des cultures OGM et établir une régulation adéquate. Malgré plus d’un million de signatures, la Commission européenne a refusé d’enregistrer l’initiative car celles-ci avaient été recueillies avant l’entrée en vigueur du règlement.

Un bilan décevant

Jusqu’à présent, seules quatre initiatives citoyennes sur les 64 présentées depuis 2012 ont réussi à remplir l’ensemble des conditions fixées par la Commission européenne, ainsi que le million de signatures demandées. La toute première, lancée en 2012 et intitulée « right for water », avait obtenu une réponse jugée décevante de la part de Bruxelles. Face à la réclamation citoyenne pour un accès universel à l’eau et l’assainissement au sein de l’UE, la Commission s’était contentée de lancer une consultation publique sur la directive Eau potable. De même, l’initiative « Stop vivisection » lancée la même année et visant à interdire l’expérimentation animale en Europe avait reçu un soutien relatif de la part de l’exécutif européen, qui la jugeait irréaliste.

En 2014, la Commission européenne a opposé un refus catégorique à l’initiative « Un de nous », réclamant notamment l’arrêt des crédits européens finançant le recours à l’avortement dans les pays en développement.

En 2014, l’enregistrement de l’initiative « Stop TTIP » se voyait rejetée par la Commission européenne. Le motif ? Celle-ci demandait l’arrêt des négociations sur l’accord de libre-échange avec les États-Unis (TTIP) et la non-ratification de celui avec le Canada (CETA). Or, pour la Commission, l’ICE ne peut concerner que des actes juridiques (et non des négociations), et ne peut demander que l’adoption d’un acte, pas le retrait de celui-ci. Sollicitée par le collectif « Stop TTIP », la Cour de justice de l’Union européenne a cassé la décision de la Commission en mai 2017, entraînant l’enregistrement de l’initiative. Trop tard néanmoins pour stopper la ratification du CETA, signé en octobre 2016.

Dernière ICE en date : l’initiative « Stop glyphosate » en 2017. Celle-ci a récolté plus de 1,3 million de signatures, mais a vu ses espoirs largement déçus par la Commission européenne. Les signataires demandaient notamment l’interdiction des pesticides à partir de glyphosate, revendication balayée par une autorisation de renouvellement proclamée le 12 décembre 2017. Seule exigence à avoir reçu une réponse positive : la réforme du système d’évaluation des pesticides. Une proposition de la Commission pour en améliorer la transparence est prévue en mai 2017. En parallèle, une commission spéciale dédiée à cette question a été créée en février 2018 au Parlement européen.

Vers une réforme du dispositif

Mise en place à l’origine pour donner un nouveau souffle démocratique à l’Europe, l’ICE affiche donc un bilan en demi-teinte. Des résultats qui ont poussé la Commission européenne à proposer une réforme du dispositif incluant entre autres : une traduction des initiatives dans toutes les langues de l’UE, la réduction des données à fournir pour soutenir une initiative et l’abaissement de 18 à 16 ans l’âge requis pour les soutiens. Cette proposition, actuellement à l’étude par le Parlement européen, fera ensuite l’objet d’un vote.

Un article publié par notre partenaire Toute l’Europe.