Un article publié par notre partenaire Toute l’Europe
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L’explosion démographique et la multiplication des activités humaines qui requièrent de plus en plus d’énergie, de terre et d’eau ont un impact croissant sur l’environnement terrestre. La surexploitation des ressources, pour répondre aux besoins de consommation, et les émissions sans précédent de gaz à effet de serre provoquent le réchauffement du climat et par là même la diminution de la biodiversité.
Selon un rapport publié par le WWF en novembre 2018, les populations des vertébrés sauvages ont décliné de 60 % entre 1970 et 2014. L’association suit en effet depuis 1998 l’Indice Planète Vivante (IPV) qui mesure l’abondance de 22 000 populations de mammifères, oiseaux, poissons, reptiles et amphibiens dans le monde.
Et c’est sans compter les espèces pollinisatrices, dont dépendent près de 90 % des plantes sauvages à fleurs… et 5 à 8 % de la production agricole mondiale. « La production, le rendement et la qualité de trois quarts des principales sortes de culture vivrières mondiales […] bénéficient de la pollinisation animale« , estime même le rapport de l’IPBES, un consortium international de chercheurs. Et pourtant, 40 % des invertébrés pollinisateurs (abeilles et papillons notamment) sont en danger d’extinction.
Cet effondrement de la biodiversité est notamment lié à une restriction des zones dans lesquelles vivaient ces espèces du fait de la dégradation des terres (seul un quart des terres de la planète n’est pas affecté par les activités humaines), de la déforestation, de l’expansion urbaine ou encore de l’intensification de l’agriculture qui pèsent sur la qualité des habitats et le fonctionnement des écosystèmes.
Face à ces constats, l’Union européenne dispose d’une politique en matière de biodiversité depuis 1998 et une nouvelle stratégie a été présentée en 2011.
La stratégie de l’Union européenne en matière de biodiversité à l’horizon 2020
L’approche européenne s’inscrit dans le cadre des engagements pris au niveau mondial en octobre 2010, lors de la Convention sur la diversité biologique à Nagoya (Japon). Celle-ci a conduit à l’adoption du Plan stratégique mondial pour la biodiversité 2011-2020 qui présente 20 objectifs (les « Objectifs d’Aïchi ») en accord avec les « Objectifs de développement durable » des Nations unies.
Les Objectifs d’Aïchi visent à :
- « Gérer les causes sous-jacentes de l’appauvrissement de la diversité biologique » ;
- « Réduire les pressions directes exercées sur la diversité biologique » ;
- « Améliorer l’état de la diversité biologique en sauvegardant les écosystèmes, les espèces et la diversité génétique » ;
- « Renforcer les avantages retirés pour tous de la diversité biologique » et ;
- Renforcer la gestion des connaissances.
En 2011, l’UE a ensuite présenté sa nouvelle stratégie en matière de biodiversité visant à diminuer significativement les menaces qui pèsent sur nos écosystèmes.
La stratégie de 2011 vise à :
- Avant 2020 : « enrayer la perte de biodiversité et la dégradation des services écosystémiques dans l’UE, assurer leur rétablissement dans la mesure du possible et renforcer la contribution de l’UE à la prévention de la perte de biodiversité » ;
- Avant 2050 : protéger, évaluer et rétablir « pour leur valeur intrinsèque » la biodiversité de l’UE et les services écosystémiques qui en découlent.
Pour atteindre ses ambitions, l’exécutif européen a fixé 6 objectifs et 20 actions présentées dans sa communication intitulée « La biodiversité, notre assurance-vie et notre capital naturel« .
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La pleine application de la législation existante en matière de protection de la nature et des réseaux de réserves naturelles : les directives « Habitats » et « Oiseaux » ainsi que les réseaux Natura 2000 (voir plus bas) ;
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La préservation et le rétablissement des écosystèmes et des services écosystémiques, chaque fois que possible, notamment grâce à une utilisation accrue de l’infrastructure verte et une amélioration des connaissances ;
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Une plus grande durabilité des activités agricoles et forestières, notamment via la Politique agricole commune ;
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La sauvegarde et la protection des stocks halieutiques de l’UE ;
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La lutte contre les espèces envahissantes, qui causent de plus en plus de pertes de biodiversité dans l’UE ;
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Le renforcement de la contribution de l’UE à l’action concertée menée au niveau mondial contre la perte de biodiversité.
La Commission européenne estimait alors à 50 milliards d’euros par an le coût en cas de non réalisation des objectifs à l’horizon 2020.
Les directives « Oiseaux » et « Habitats » et le réseau Natura 2000
Ces deux textes sont les principaux instruments législatifs mis en place pour assurer la conservation et l’utilisation durable de la nature dans l’UE.
La directive « concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages », adoptée en 1992 et plus connue sous le nom de directive « Habitats », instaure des mesures afin de préserver certaines espèces listées, comme l’interdiction de leur commerce, de leur cueillette, leur capture ou encore la détérioration de leur environnement (articles 12 et 13) par exemple.
La directive « concernant la conservation des oiseaux sauvages » – surnommée la directive « Oiseaux » – adoptée en 1979 et révisée en 2009, a pour objet « la protection, la gestion et la régulation » des « espèces d’oiseaux vivant naturellement à l’état sauvage sur le territoire européen des États membres« . De même que la directive « Habitats », elle interdit la vente ou la détention d’un certain nombre d’espèces.
Ces deux directives encadrent par ailleurs le réseau Natura 2000, créé en 1992. Il s’agit d’un réseau européen qui répertorie des zones de l’UE contenant une faune et une flore dotées d’une grande valeur patrimoniale. Les sites répertoriés sont soumis à des règles précises afin de permettre la conservation d’espèces et d’habitats particulièrement menacés.
Sur un site Natura 2000, les projets d’infrastructures et d’activités humaines sont soumis à une évaluation afin de déterminer s’ils peuvent avoir un impact significatif sur les habitats ou les espèces végétales et animales. Si c’est le cas, ils ne sont pas autorisés.
Au 1er mars 2017, le réseau Natura 2000 regroupait 18,15 % de la surface terrestre du territoire de l’UE et 6 % de sa surface marine. Il comptait 27 522 sites : 5 572 zones de protection spéciale pour les oiseaux (ZPS, définies par la directive Oiseaux) et 23 726 zones spéciales de conservation pour les habitats et les espèces (ZSC, définies par la directive Habitats).
En France, le réseau Natura 2000 couvre 7 millions d’hectares, soit 12,9 % du territoire terrestre métropolitain. Le territoire français estampillé Natura 2000 est composé de 29 % de prairies et de landes, 20 % de zones agricoles et 43 % de forêts.
Les hauts plateaux du Vercors bénéficient par exemple du statut de Zone de protection spéciale (ZPS) en vue de protéger les landes, pelouses, forêts et habitats rocheux caractéristiques des hauts plateaux. Le site est géré par les acteurs de terrain, c’est-à-dire les collectivités territoriales, les associations locales, les habitants, les usagers et les entreprises.
Le réseau Natura 2000 concerne également 34 % des eaux territoriales françaises en Europe. Par exemple, l’estuaire de la Gironde et la mer des Pertuis constituent un parc naturel « Natura 2000 ».
Les sites Natura 2000 en Europe sont localisables depuis le portail web « Natura 2000 Viewer ».
Les directives Oiseaux et Habitats prévoient par ailleurs que les Etats membres rassemblent un certain nombre de données répertoriées par l’Agence européenne de l’environnement et concernant la faune et la flore sur leur territoire, de telle sorte qu’une évaluation à l’échelle de l’UE soit rendue possible.
Les financements européens en matière de biodiversité
Dans le cadre du budget septennal 2014-2020, la politique européenne en matière de biodiversité est notamment financée via le programme LIFE et par les fonds structurels européens.
Le programme LIFE, doté d’un budget de 3,5 milliards d’euros, est le principal cadre de financements de l’UE pour les politiques liées à l’environnement et au changement climatique. La Commission européenne publie annuellement des appels à projet et subventionne notamment des projets répondant à la préservation des sites et des espèces naturelles.
43 projets menés par des universités, des ONG, des autorités locales ou encore des Parcs naturels ont ainsi reçu des co-financements du programme LIFE entre 2014 et début 2019. En 2017, la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) a par exemple reçu 5,5 millions d’euros dont 3,3 du programme LIFE pour améliorer la gestion des espèces en Guyane, à Mayotte, La Réunion et Saint-Martin.
LIFE, le programme pour le climat et l’environnement
S’agissant des fonds structurels, 63 milliards d’euros sont alloués dans le budget de l’UE 2014-2020 à la protection de l’environnement et à l’efficacité des ressources. Toutefois, la biodiversité ne concerne qu’une certaine partie de ces fonds, notamment destinés au réseau Natura 2000.
Quel bilan ?
A l’heure du bilan, le constat est rude : les objectifs sont loin d’être atteints. La Commission européenne l’a elle-même constaté dans son rapport à mi-parcours de la stratégie à l’horizon 2020, publié en 2015.
S’agissant de l’objectif global, à savoir l’enrayement de la perte de la biodiversité, aucun progrès n’a été constaté.
Selon un autre rapport de la Commission européenne, 20 % des espèces d’oiseaux étaient en régression en termes de population, 15 % étaient toujours « quasi-menacées » en 2015, tandis que 17 % étaient considérées comme « menacées » (c’est-à-dire vulnérables, en danger, en danger critique ou éteintes au niveau régional).
S’agissant des espèces « d’intérêt communautaire » (les espèces et les habitats naturels couverts par les deux directives précitées), 60 % d’entre elles sont dans un état de conservation jugé « insuffisant » à « médiocre ». L’échelle de mesure, définie dans la directive Habitat, est la suivante : favorable (l’espèce ou l’habitat est prospère), insuffisante (il est nécessaire de modifier la gestion de l’habitat ou de l’espèce qui risque d’être menacée) ou médiocre (le type d’habitat ou d’espèce court un grave danger d’extinction).
État de conservation des espèces par groupe taxonomique et tendances observées – source : Rapport sur l’état de conservation de la nature dans l’UE, Commission européenne, 20 mai 2015.
L’état de conservation des habitats naturels et des espèces de flore sauvages est encore pire que pour la faune. Au sein de l’UE, seuls 16% des habitats sont jugés dans un état « favorable ». Contre 47 % dans un état « insuffisant » et 30% « médiocre ». Au total, donc, 77 % des habitats sont dans un état de conservation défavorable.
« Aucune évolution significative n’a été observée en ce qui concerne l’état de conservation des habitats et des espèces« , notait ainsi la Commission en 2015.
Seul l’objectif 5, concernant la lutte contre les espèces envahissantes, est en voie de réalisation : leur vitesse de propagation a été réduite.
S’agissant du réseau Natura 2000, dont dépend étroitement la conservation des habitats et des espèces, la Commission déplorait également que « le potentiel du réseau n’ait pas encore été pleinement réalisé« .
En septembre 2016, le Conseil économique et social européen (CESE) concluait ainsi que la politique européenne en matière de biodiversité « constitue un exemple classique de politique qui ne tient pas ses promesses […] bien qu’elle ait parfaitement cerné les problèmes et mis en place les instruments nécessaires » : manque de volonté politique de la part des Etats membres (qui mettent en œuvre la politique européenne de la biodiversité), manque de financements alloués… « Ce ne sont pas les lois, les directives, les programmes […] qui font défaut, mais bien leur mise en œuvre et des actions concertées à tous les niveaux d’action politique« , ajoutait l’institution représentative de la société civile.