Protection de la biodiversité : que fait l’Europe ?

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Sur l’ensemble du continent européen, 18 % des espèces d’oiseaux sont menacées et plus de 80 % des habitats naturels sont dans un état de conservation jugé “défavorable”… En mai 2020, la Commission européenne a dévoilé une nouvelle stratégie de protection de la biodiversité, affichant des objectifs ambitieux à l’horizon 2030. Quels sont-ils et comment l’Union compte-t-elle s’y prendre pour les atteindre ?

La rainette verte voit sa population diminuer, à l'instar d'un très grand nombre d'espèces animales en Europe - Crédits : lola1960 / iStock
La rainette verte voit sa population diminuer, à l’instar d’un très grand nombre d’espèces animales en Europe – Crédits : lola1960 / iStock

L’explosion démographique et la multiplication des activités humaines qui requièrent de plus en plus d’énergie, de terre et d’eau ont un impact croissant sur l’environnement terrestre. La surexploitation des ressources, pour répondre aux besoins de consommation, et les émissions sans précédent de gaz à effet de serre provoquent le réchauffement du climat et par là même la diminution de la biodiversité.

Selon un rapport publié par le WWF en novembre 2020, les populations des vertébrés sauvages ont décliné de 68 % entre 1970 et 2016. L’association suit en effet depuis 1998 l’indice planète vivante (IPV) qui mesure l’abondance de 22 000 populations de mammifères, oiseaux, poissons, reptiles et amphibiens dans le monde.

Et c’est sans compter les espèces pollinisatrices, dont dépendent près de 90 % des plantes sauvages à fleurs… et 5 à 8 % de la production agricole mondiale. “La production, le rendement et la qualité de trois quarts des principales sortes de culture vivrières mondiales […] bénéficient de la pollinisation animale”, estime même un rapport de l’IPBES, un consortium international de chercheurs. Et pourtant, 40 % des invertébrés pollinisateurs (abeilles et papillons notamment) sont en danger d’extinction.

Ce même groupe de chercheurs a publié en mai 2019 un autre rapport, qui étaye une nouvelle fois ces constats. Basé sur un travail comprenant environ 15 000 références scientifiques, il présente des “preuves accablantes” et un “panorama inquiétant”, selon les termes de Robert Watson, président de l’IPBES : sur environ 2 millions d’espèces décrites et 10 millions supposées, entre 500 000 et 1 million sont menacées d’extinction dans les prochaines décennies – y compris en Europe- “provoquant dès à présent des effets graves sur les populations humaines du monde entier” , indique le rapport.

Cet effondrement de la biodiversité est notamment lié à une restriction des zones dans lesquelles vivaient ces espèces du fait de la dégradation des terres (seul un quart des terres de la planète n’est pas affecté par les activités humaines), de la déforestation, de l’expansion urbaine ou encore de l’intensification de l’agriculture et de la pêche qui pèsent sur la qualité des habitats et le fonctionnement des écosystèmes.

Face à cette réalité, l’Union européenne dispose d’une politique en matière de biodiversité depuis 1998. Régulièrement renouvelée, sa dernière version vient d’être dévoilée en 2020, avec un objectif ambitieux à horizon 2030 : protéger 30 % de la superficie marine et terrestre de l’UE, notamment grâce au réseau Natura 2000.

La stratégie de l’Union européenne en matière de biodiversité à l’horizon 2030

Pour atteindre cet objectif, la Commission européenne a donc présenté sa nouvelle stratégie pour la biodiversité en mai 2020, adoptée cinq mois plus tard. Elle est intégrée au Pacte vert pour l’Europe, que la présidente de l’exécutif européen Ursula von der Leyen a présenté parmi les chantiers majeurs de son mandat.

Cette stratégie repose donc sur un premier pilier : la protection des milieux naturels. D’ici à 2030, 30 % des terres et des mers européennes devront en bénéficier et une attention particulière doit être accordée aux forêts. Ces ambitions s’appuient sur des objectifs juridiquement contraignants de restauration de la nature établis année après année, et ce dès la fin de l’année 2021.

Le deuxième pilier consiste donc à restaurer la biodiversité. Là encore, les chantiers sont nombreux et les objectifs chiffrés. Il s’agit de privilégier l’agriculture biologique et la biodiversité dans les paysages agricoles, d’enrayer le déclin des pollinisateurs, de rétablir le courant libre sur 25 000 km de cours d’eau, de planter 3 milliards d’arbres ou encore de réduire de moitié l’usage de pesticides mais aussi leur degré de nocivité.

Pour ce faire, la stratégie de la Commission européenne évalue des besoins de financements. D’ici à 2030, elle estime ainsi que 20 milliards d’euros doivent être consacrés chaque année à la protection de la biodiversité (financements européens, nationaux et privés confondus).

Outre cet engagement financier, la Commission européenne entend faire de l’Union européenne un leader en matière de protection de la biodiversité sur la scène internationale. Cela passe par l’intégration de la dimension environnementale dans tous les choix économiques et commerciaux faits sur son territoire, mais aussi par des ambitions diplomatiques et un dialogue avec les autres puissances mondiales. En matière d’action extérieure, l’Union européenne s’est engagée à intégrer le respect de la biodiversité à “tous ses engagements bilatéraux ou multilatéraux” .

Les directives encadrant la biodiversité et le réseau Natura 2000

La directive “concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages” , adoptée en 1992 et plus connue sous le nom de directive “Habitats”, instaure des mesures afin de préserver certaines espèces listées, telles que les interdictions de leur commerce, de leur cueillette, de leur capture ou encore de la détérioration de leur environnement (articles 12 et 13).

La directive “concernant la conservation des oiseaux sauvages” – surnommée la directive “Oiseaux” – adoptée en 1979 et révisée en 2009, a pour objet “la protection, la gestion et la régulation” des “espèces d’oiseaux vivant naturellement à l’état sauvage sur le territoire européen des États membres” . De même que la directive “Habitats” , elle interdit la vente ou la détention d’un certain nombre d’espèces.

Ces deux textes sont les principaux instruments législatifs mis en place pour assurer la conservation et l’utilisation durable de la nature dans l’UE. Ces deux directives encadrent par ailleurs le réseau Natura 2000, créé en 1992. Il s’agit d’un réseau européen qui répertorie des zones de l’UE contenant une faune et une flore dotées d’une grande valeur patrimoniale. Les sites répertoriés sont soumis à des règles précises afin de permettre la conservation d’espèces et d’habitats particulièrement menacés.

Sur un site Natura 2000, les projets d’infrastructures et d’activités humaines sont soumis à une évaluation afin de déterminer s’ils peuvent avoir un impact significatif sur les habitats ou les espèces végétales et animales. Si c’est le cas, ils ne sont pas autorisés.

Au 1er mars 2019, le réseau Natura 2000 regroupait 17,9 % de la surface terrestre du territoire de l’UE et 9,7 % de sa surface marine. Il comptait 27 582 sites.

En France, le réseau Natura 2000 couvre plus de 7 millions d’hectares, soit 12,9 % du territoire terrestre métropolitain. Le territoire français estampillé Natura 2000 est composé de 29 % de prairies et de landes, de 20 % de zones agricoles et de 43 % de forêts.

Les hauts plateaux du Vercors bénéficient par exemple du statut de Zone de protection spéciale (ZPS) permettant de protéger les landes, pelouses, forêts et habitats rocheux caractéristiques de ces lieux. Le site est géré par des acteurs de terrain, c’est-à-dire les collectivités territoriales, les associations locales, les habitants, les usagers et les entreprises.

Le réseau Natura 2000 concerne également 34 % des eaux territoriales françaises en Europe. Par exemple, l’estuaire de la Gironde et la mer des Pertuis constituent un parc naturel “Natura 2000” .

Les directives “Oiseaux” et “Habitats” prévoient par ailleurs que les Etats membres rassemblent un certain nombre de données répertoriées par l’Agence européenne de l’environnement et concernant la faune et la flore sur leur territoire, de telle sorte qu’une évaluation à l’échelle de l’UE soit rendue possible.

En parallèle, la directive-cadre sur l’eau encadre son usage, protège les rivières, fleuves et lacs. Elle est destinée à lutter contre la pollution, favoriser la soutenabilité des réserves, mais aussi empêcher la marchandisation de l’eau. Elle découpe le territoire de l’Union en “districts hydrographiques” pour lesquels sont établis des plans de gestion.

Enfin, la directive-cadre stratégie pour le milieu marin s’attache à préserver les écosystèmes marins selon 11 critères précis. Elle constitue donc le pilier environnemental de la politique maritime européenne. Dans ce cadre, la France a par exemple défini des plans d’action pour le milieu marin pour ses quatre régions concernées : le Golfe de Gascogne, la Méditerranée occidentale, la Manche-mer du Nord et les mers celtiques.

L’échelle de mesure, définie dans la directive “Habitats” , est la suivante : favorable (l’espèce ou l’habitat est prospère), insuffisante (il est nécessaire de modifier la gestion de l’habitat ou de l’espèce qui risque d’être menacée) ou médiocre (le type d’habitat ou d’espèce court un grave danger d’extinction).

Les financements européens en matière de biodiversité

La politique européenne en matière de biodiversité est notamment financée via le programme LIFE et par les fonds structurels européens. Le programme LIFE est passé de 3,5 milliards pour 2014-2020 à 5,4 milliards d’euros pour 2021-2027. Le programme LIFE constitue le principal cadre de financements de l’UE pour les politiques liées à l’environnement et au changement climatique. La Commission européenne publie annuellement des appels à projet et subventionne notamment la préservation des sites et des espèces naturelles.

43 projets menés par des universités, des ONG, des autorités locales ou encore des parcs naturels ont reçu des co-financements du programme LIFE entre 2014 et début 2019. En 2017, la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) a, par exemple, reçu 5,5 millions d’euros dont 3,3 du programme LIFE pour améliorer la gestion des espèces en Guyane, à Mayotte, La Réunion et Saint-Martin.

Quel bilan ?

L’année 2020 a été une période charnière pour la politique européenne en matière de diversité. Elle marque en effet la transition entre la stratégie 2011-2020 et les nouveaux objectifs annoncés pour 2030. La stratégie 2011-2020 visait :

  • Avant 2020 : à “enrayer la perte de biodiversité et la dégradation des services écosystémiques dans l’UE, assurer leur rétablissement dans la mesure du possible et renforcer la contribution de l’UE à la prévention de la perte de biodiversité” ;
  • Avant 2050 : à protéger, évaluer et rétablir “pour leur valeur intrinsèque” la biodiversité de l’UE et les services écosystémiques qui en découlent.

A l’heure du bilan (et dans l’attente de conclusions finales sur la période 2011-2020), le constat est rude : les objectifs sont loin d’être atteints. La Commission européenne l’a elle-même constaté dans son rapport sur l’état de la nature 2019. S’agissant de l’objectif global, à savoir l’enrayement de la perte de la biodiversité, aucun progrès n’a été constaté. 81 % des habitats sont considérés comme étant dans un état de conservation “insuffisant” ou “médiocre” . A l’exception des habitats rocheux, tous les autres accusent une dégradation de leur état.

S’agissant des espèces “d’intérêt communautaire” hors poissons (les espèces et les habitats naturels couverts par les deux directives précitées), 63 % d’entre elles sont dans un état de conservation jugé “insuffisant” à “médiocre” .

État de conservation des espèces par groupe taxonomique et tendances observées – Source : rapport sur l’état de conservation de la nature dans l’UE, Commission européenne, 2019.

En conclusion, la Commission dresse un bilan négatif de l’évolution de la biodiversité en Europe, malgré quelques satisfactions notables : “Des progrès limités ont été accomplis par rapport au niveau de référence de 2010 dans la réalisation des objectifs à l’horizon 2020, sauf dans le cas des espèces autres que les oiseaux, où l’objectif a presque été atteint. La dégradation continue de certains habitats et de certaines espèces l’emporte sur les améliorations.

S’agissant du réseau Natura 2000, dont dépend étroitement la conservation des habitats et des espèces, la Commission déplorait également que “le potentiel du réseau n’ait pas encore été pleinement réalisé” .

En septembre 2016, le Conseil économique et social européen (CESE) estimait que la politique européenne en matière de biodiversité “constitue un exemple classique de politique qui ne tient pas ses promesses […] bien qu’elle ait parfaitement cerné les problèmes et mis en place les instruments nécessaires” . En cause : les manques de volonté politique de la part des Etats membres (qui mettent en œuvre la politique européenne de la biodiversité) et de financements alloués… “Ce ne sont pas les lois, les directives, les programmes […] qui font défaut, mais bien leur mise en œuvre et des actions concertées à tous les niveaux d’action politique” , ajoutait l’institution représentative de la société civile.

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