Politique agricole et PFUE : une suspension des objectifs à cause de la crise ukrainienne ? – EURACTIV.fr

Sur fond d’une PFUE face à la crise ukrainienne, la politique agricole occupe une place majeure au service de l’indépendance « dans une Europe plus forte », l’axe stratégique du futur quinquennat d’Emmanuel Macron. 

La politique agricole française proposée par Macron

Lors de cette conférence de presse, certains points ont été abordés comme son plan pour aider au renouvellement des générations, un défi de taille sachant qu’environ la moitié des agriculteurs vont cesser leur activité d’ici 2026 en France.

Pour faciliter la formation, l’installation, l’accompagnement, Emmanuel Macron entend proposer une « loi d’orientation et d’avenir agricole ». Dans son programme pour 2022, désormais en ligne, on y trouve quelques mesures concrètes comme l’octroi d’ « un prêt d’honneur à la personne sans demande de garantie d’un montant de 50 000 euros maximum avec un différé de 2 ans. » Et ce en plus de la dotation jeunes agriculteurs (DJA) déjà en application.

En s’appuyant sur les réalisations de son quinquennat, notamment les lois Egalim1 et 2 visant à garantir des revenus pour les producteurs, il souhaite « continuer à transformer notre agriculture, continuer à produire et aller vers plus de qualité ». Transformations privilégiant les « circuits courts » et les « produits bio ».

L’ambition et la révision du projet européen

Sur le plan européen, Emmanuel Macron s’attaque au sujet épineux des discussions européennes, en particulier concernant la stratégie « de la ferme à la fourchette » (farm to fork), déclinaison du pacte vert européen. Celle-ci comprenait la réduction par deux du recours aux pesticides d’ici à 2030, et de 20 % en moins d’engrais chimique.

Alors que la sécurité alimentaire se voit remise en question par les crises mondiales qui se succèdent, et les « crises alimentaires profondes » à prévoir, la priorité du candidat semble se réaxer sur la production.

Pour cela, il souhaite une adaptation de la stratégie européenne qui reposait « sur un monde d’avant guerre en Ukraine », rappelant qu’elle prévoyait une « diminution de la production de 13 % ». « l’Europe ne peut pas se permettre de produire moins », a-t-il affirmé, demandant à revoir ses objectifs.

Emmanuel Macron veut également intensifier le plan protéines, « initiative française lancée en 2018 que nous avons ensuite européanisée ». Cette mesure visait à doubler en dix ans les surfaces de plantes riches en protéines, comme le soja, afin de diminuer notre dépendance envers les autres continents. Ces protéines végétales, qui participent à la déforestation de l’Amazonie, représentent une part importante de l’alimentation animale pour les élevages.

Reste que cette remise en question de la stratégie environnementale de l’Europe a fait l’objet de vivres critiques. Le collectif Pour une autre PAC s’en est fait l’écho sur Twitter : « 2025 était l’assurance d’une prise en main de l’urgente transition agroécologique. Alors que la France a la présidence, il est très inquiétant de voir Macron faire de l’abandon de farm to fork une promesse de campagne. »

Les conséquences de la guerre en Ukraine

Les ambitions françaises et européennes du Président Macron se heurtent à la réalité de la crise ukrainienne. Le commissaire européen à l’Agriculture Janusz Wojciechowski souhaite ainsi suspendre la mise en œuvre de la politique alimentaire durable phare de l’Union européenne, la stratégie « de la ferme à la table » (Farm to Fork Strategy), malgré l’appel du vice-président de la Commission Fran Timmermans à maintenir les ambitions écologiques de l’UE même en période difficile.

Lors d’une audition devant la commission de l’agriculture du Parlement européen (COMAGRI), jeudi 17 mars, le commissaire polonais a informé les eurodéputés des prochaines étapes que l’exécutif européen prévoit pour faire face aux répercussions de la guerre en Ukraine dans l’UE, ainsi que dans les chaînes d’approvisionnement alimentaire internationales.

« Maintenant, nous devons arrêter la procédure, suspendre la procédure », a déclaré le commissaire polonais en répondant à une question de l’eurodéputé de centre droit Herbert Dorfmann qui demandait ce que la Commission entendait faire avec « certains textes législatifs qui pourraient remettre en cause la sécurité alimentaire, comme, par exemple, la directive sur les pesticides [ou encore] la loi sur la restauration de la nature ».

Selon M. Wojciechowski, la politique agroalimentaire des prochains mois devrait se fonder sur les plans stratégiques nationaux (PSN) de la Politique agricole commune (PAC), sans rien y ajouter.

Les plans stratégiques nationaux sont l’une des principales nouveautés de la réforme de la PAC, le grand programme de subventions agricoles de l’UE, qui couvrira la période 2023-2027.

Grâce à ces plans, les États membres de l’UE détaillent la manière dont ils entendent atteindre les neuf objectifs communautaires de la PAC réformée tout en répondant aux besoins des agriculteurs et des communautés rurales.

« Il devrait être clair pour l’agriculteur que les plans stratégiques sont désormais le document clé, le document le plus important. C’est ma position au sein de la Commission : ne pas donner plus en dehors des plans stratégiques », a-t-il expliqué aux députés.

La position consistant à s’appuyer davantage sur le cadre central de la politique agricole et moins sur les objectifs de durabilité fixés dans le Pacte vert pour l’Europe (Green Deal) contredit ce que M. Timmermans a préconisé la semaine dernière.

« S’il vous plaît, ne croyez pas à l’illusion selon laquelle […] vous favoriseriez la production alimentaire en la rendant moins durable, en renonçant à la stratégie “de la ferme à la table”, en ne la rendant pas plus résiliente en termes d’environnement naturel et de production alimentaire », avait-il averti devant la commission de l’environnement du Parlement européen (ENVI) le 7 mars.

Report du cadre pour les pesticides et des objectifs de restauration ?

M. Wojciechowski a également prévu qu’il y aurait « un débat d’orientation, une réunion spéciale de la Commission pour examiner la [question de la] sécurité alimentaire » lundi prochain (21 mars).

Cette réunion est prévue lorsque les ministres de l’Agriculture des 27 États membres de l’UE se réuniront à Bruxelles pour discuter de la voie à suivre concernant la politique agroalimentaire européenne dans le contexte de l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

Les principales préoccupations concernent la sécurité alimentaire, une question qui a pris une nouvelle importance ces derniers jours étant donné le rôle central de l’Ukraine et de la Russie dans l’approvisionnement du monde en céréales et huiles de base.

Ensemble, ces deux puissances agricoles fournissent plus d’un tiers du blé et de l’orge, 52 % du maïs et plus de 50 % de l’huile et des graines de tournesol dans le monde .

Une mention de la sécurité alimentaire a été incluse dans les déclarations finales après le sommet informel des dirigeants européens à Versailles. « Nous renforcerons notre sécurité alimentaire en réduisant notre dépendance à l’égard des importations de produits et d’intrants agricoles », peut-on lire dans le texte final.

La Commission présentera une communication consacrée explicitement à la sécurité alimentaire mercredi prochain (23 mars), alors que deux pierres angulaires de la stratégie « de la ferme à la table » — à savoir la révision du cadre de l’UE sur les pesticides et les objectifs de restauration de la nature — devaient initialement être dévoilées.

Contacté par EURACTIV, l’exécutif européen n’a pas confirmé si ces deux textes législatifs étaient toujours prévus pour la semaine prochaine, alors que les rumeurs concernant un report s’intensifient à Bruxelles.

Le débat sur la « suspension » de l’initiative « de la ferme à la table » a atteint le Parlement européen, où les commissions de l’agriculture (COMAGRI) et de l’environnement (ENVI) sont en désaccord.

La semaine dernière, les groupes majoritaires de la commission AGRI du Parlement ont écrit une lettre à M. Wojciechowski pour lui demander d’assouplir certains aspects de durabilité de la loi européenne sur la sécurité alimentaire.

Les députés de la commission de l’agriculture ont demandé à la Commission de lui accorder plus de flexibilité pour augmenter la superficie des terres en production et pour importer des produits de base cruciaux en provenance de pays tiers, ainsi que d’autoriser temporairement l’utilisation de produits phytosanitaires « lorsqu’ils sont efficaces dans les zones d’intérêt écologique, qui conviennent à la culture de protéagineux pour la durée de la crise ».

La lettre a été sévèrement critiquée par les Verts et la Gauche, qui font pression pour que les aspects de durabilité de la politique agroalimentaire ne soient pas examinés.

Mercredi (16 mars), les coordinateurs ENVI ont écrit une lettre à M. Timmermans pour lui demander de ne pas retarder la future proposition législative relative à un cadre pour un système alimentaire durable, car elle « est maintenant plus pertinente que jamais ».

« Poursuivre les objectifs de la stratégie de la ferme à la table au sein du Pacte vert pour l’Europe est la voie à suivre », ont écrit les législateurs d’ENVI, appelant la Commission à résister à la pression de certains États membres et parties prenantes.

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https://www.euractiv.fr/section/agriculture-alimentation/news/securite-alimentaire-lexecutif-europeen-divise-sur-la-%E2%80%89suspension%E2%80%89-des-objectifs-du-green-deal-pour-lagriculture/

https://www.euractiv.fr/section/election-presidentielle-2022/news/emanuel-macron-trace-les-grandes-lignes-de-sa-prochaine-politique-agricole/