PME : « La sobriété énergétique ne nous effraie pas » – EURACTIV.fr

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Inflation, recrutement, sobriété énergétique, grands groupes… Alors que la rentrée s’annonce économiquement difficile, le « patron des PME » François Asselin a répondu aux questions d’EURACTIV. 

François Asselin est président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) depuis 2015. La CPME regroupe 243 000 entreprises et 4 millions de travailleurs. M. Asselin est aussi président d’Asselin SAS.

La France fait face à une inflation record. Quel est son impact sur les PME ?

Elles sont prises en étau. Lorsque les coûts de production augmentent, les PME sont souvent trop petites pour augmenter leurs prix à la vente afin de conserver leurs marges. Par conséquent, de nombreux entrepreneurs, en rognant sur leurs marges mettent en péril la pérennité de leurs entreprises.

Tant qu’il y a de l’activité économique, les solutions existent. Mais si la croissance ralentit et que le risque d’une récession pointe, on peut s’attendre à l’augmentation des défaillances.

Comment accueillez-vous l’augmentation par la BCE de ses taux directeurs de 50 points de base (0,5 %) le 21 juillet ?

Les taux sont historiquement bas depuis 2015. En pratique, lorsqu’une entreprise emprunte avec un taux à 1, 2 ou 3 %, cela reste absorbable, même si ses mensualités augmentent.

Le sujet est ailleurs : l’accès au crédit va-t-il se resserrer ? Si oui, comme on commence à le constater, alors la croissance subira un coup de frein supplémentaire. Voilà ce qui m’inquiète.

Vous n’êtes pas très optimiste…

Les nuages s’amoncellent dans l’horizon économique des PME.

Les économies française, européenne et mondiale ont subi des sacrés tempêtes ces dernières années. Au plus haut de la pandémie, l’Etat a continué à dépenser très largement : les Français ont touché leur retraite, les fonctionnaires et salariés du secteur marchant leur salaire et les entreprises ont bénéficié des prêts garantis par l’Etat (PGE).

Puis l’invasion russe en Ukraine a rebattu les cartes de l’économie mondiale. Cependant, l’impact économique de ces crises n’a jamais été soldé.

Face à cette réalité, les PME sont en première ligne. Elles s’étaient fortement endettées pour tenir dans la « tempête COVID » et doivent maintenant solder leurs dettes. Avec l’inflation, elles souffrent de ne pas être aussi armées que les grands groupes pour faire face aux difficultés économiques.

La BCE lance l’offensive contre l’inflation

Trop tardif, trop lent ? La Banque centrale européenne entame jeudi (21 juillet) les grandes manœuvres face à l’inflation galopante et va relever ses taux pour la première fois depuis onze ans, mais elle est déjà sous pression pour en faire plus.

Et les salaires ne suivent pas le cours de l’inflation…

C’est pourquoi il ne faut pas se tromper de stratégie économique. Ce principe de « helicopter money », qui consiste à donner du pouvoir d’achat sans contrepartie de travail, doit être stoppé. Il faut faire de la politique de l’offre, en investissant dans tout ce qui peut créer du travail pour relancer le pouvoir d’achat.

Selon une étude de conjoncture publiée par la CPME la semaine dernière, 77 % des PME ont un doute sur les hausses des prix des grands groupes, dont elles sont souvent tributaires. Y a-t-il un phénomène d’inflation factice ?

Ce résultat nous a beaucoup surpris. Il a deux explications possibles : soit les hausses de prix sont mal expliquées par les grands groupes et un acte de pédagogie est nécessaire ; soit les grands groupes, qui ont le pouvoir de fixer les prix sur le marché, en profitent.

Je ne peux pas rentrer dans une polémique stérile. Mais je crois que nous devons tous nous montrer exemplaires et solidaires en cette période de crise.

La CPME est en négociation avec les grands groupes pour que la solidarité se fasse et que les grands groupes puissent faire bénéficier leurs clients de leurs marges importantes, notamment par une réduction des prix lorsque c’est possible. Sinon, ils se feront rattraper par l’opinion publique et la « patrouille parlementaire ».

Quelles mesures sont nécessaires pour « faire de la politique de l’offre » ?

Il faut avant tout engager des réformes structurelles qui n’ont jamais réellement été entamées.

La réforme des retraites est cruciale pour des raisons démographiques et parce que c’est le premier budget de dépense de l’action sociale de l’Etat, à hauteur de 300 milliards d’euros.

Revoir le fonctionnement de l’assurance-chômage est aussi un impératif afin de raccrocher efficacement et rapidement les demandeurs d’emploi au marché du travail.

Ces réformes sont compliquées et vont demander un réel courage politique. Il faut savoir les entamer sans fractionner l’équilibre social du pays et bloquer la « machine France ».

Existe-t-il des leviers européens pour soutenir la reconstruction économique ?

Face à la crise de la Covid-19, les Etats membres ont permis une mutualisation de la dette au niveau européen. Ce levier extraordinaire n’existait pas avant.

Le gros sujet aujourd’hui est celui de la sobriété énergétique, que la guerre en Ukraine impose comme sujet majeur. Il n’y a pas de stratégie sur le long terme acceptée par tous les pays membres, car nos politiques énergétiques diffèrent considérablement.

Il faudra pourtant s’assurer que la solidarité européenne reste de mise. La décision des ministres de l’énergie européens de réduire leurs consommations de gaz de 15 % d’ici mars 2023 est en ce sens un message politique fort.

La sobriété énergétique est d’ailleurs au cœur des débats français. Emmanuel Macron a annoncé que les entreprises devraient être « exemplaires » à cet égard.

La sobriété énergétique ne nous effraie pas. Notre inquiétude, c’est potentiellement le manque de sources d’énergie. De fait, j’encourage les PME à actionner tous les leviers nécessaires pour éviter de gaspiller une énergie qui va se faire de plus en plus rare. Le poste de dépense « énergie » va devenir incontournable dans de nombreuses entreprises et il faut être prêt.

EDF a créé une application mobile pour que les particuliers puissent suivre en temps réel leur consommation. Il faut la même chose au niveau des entreprises.

La sobriété énergétique passe par des questions simples : « Est-ce que je consomme de manière optimale mon énergie ? » ou bien « est-ce que j’ai des ateliers sous tension la nuit, alors qu’il n’y a personne » ?

Ce sont des changements faciles à mettre en œuvre qui peuvent avoir des conséquences considérables sur la consommation énergétique des PME. Les grands groupes d’électricité doivent se rapprocher de leurs clients professionnels pour les aiguiller dans leur réduction de consommation.

Toujours selon votre étude, une entreprise sur deux cherche à embaucher. Mais 94 % des entreprises qui recrutent peinent à trouver le bon candidat. Comment expliquer cette réalité ?

On a loupé la question de l’orientation. Depuis trop d’années, on forme des jeunes dans des filières qui recrutent peu.

Quand un jeune sort du collège ou du lycée avec la volonté d’intégrer une filière professionnelle, il fait face à deux angoisses : un corps professoral qui va lui dire « tu mérites mieux que ça » et une famille qui va s’inquiéter qu’il soit « smicard » toute sa vie.

Pour mettre fin à ces clichés et à ces angoisses réelles, il faut revoir notre parcours de formation de fond en comble.

Apprenons des Suisses, où vous pouvez commencer par un CAP de plombier et finir médecin. Il faut s’en inspirer avec un objectif en tête : quelle que soit l’orientation professionnelle, il faut avoir accès au plus haut niveau de qualification et de formation.

Le président Emmanuel Macron avait fait de l’apprentissage une des priorités de son premier quinquennat. Cinq ans plus tard, quel est votre bilan ?

Depuis deux ans, les chiffres de l’apprentissage sont très positifs : il faut s’en féliciter et continuer. Mais lorsqu’on regarde dans le détail, les meilleures performances de l’apprentissage se font dans le cadre d’études supérieures.

Je soutiens bien sûr tout jeune qui souhaite s’engager dans des études et je crois à l’université en alternance. Mais le vrai succès serait de voir plus d’apprentissage dans les filières professionnalisantes.

Vos appels pour une formation plus pertinente sont-ils entendus au gouvernement ?

L’exécutif et le président de la République ont conscience de ces problématiques. Emmanuel Macron avait d’ailleurs souligné pendant la campagne présidentielle qu’il souhaiterait voir plus de « subsidiarité » dans l’Education nationale, pour mieux répondre aux besoins économiques de chaque territoire. C’est un excellent premier pas.

Il vous semble peut-être étrange que le patron de PME que je suis vous parle de l’Education nationale, mais c’est un enjeu crucial pour le rayonnement de l’industrie française. On ne pourra pas monter en gamme si les jeunes qui arrivent dans nos entreprises n’ont pas la maîtrise complète des savoir-faire académiques et techniques. Ce sont des questions majeures pour notre pays.

De manière plus générale, vous sentez-vous écouté par le gouvernement et les législateurs ?

Les PME sont la colonne vertébrale du pays, et il faut s’appuyer dessus.

Je regrette que cette colonne vertébrale n’ait pas été mise en avant lors des dernières campagnes politiques. Je ressens aujourd’hui que le débat politique actuel perd cette « culture PME », que je définirais comme une culture de bon sens, reposant sur des valeurs cardinales du respect et du travail.

Les législateurs français et européen ont tendance à vouloir faire des lois bavardes et complexes et empiler les normes. En pratique, on égratigne cette belle capacité d’entreprendre qu’ont tant de personnes, prêtes à prendre des risques.

Qu’entendez-vous par des lois « bavardes » ?

Nous sommes témoins de lois qui ne sont plus en lien avec les acteurs de terrain.

Prenons l’exemple de la transition écologique : toutes les PME sont pour. Mais si la loi est mal adaptée ou impose une temporalité mal réglée, alors on fout en l’air des pans entiers de notre économie.

Il nous faut des lois pragmatiques et efficaces – se reposer sur le bon sens des PME est primordial.

Ainsi, je propose le principe du « Test PME » : chaque nouvelle réglementation, avant la promulgation du décret d’application, serait testée sur un panel de PME couvrant les secteurs économiques les plus importants pour en évaluer l’impact.

En plus de permettre la création de normes pertinentes, cela limitera le tsunami réglementaire qu’on voit aujourd’hui venir dans tous les domaines.

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https://www.euractiv.fr/section/economie/interview/petites-et-moyennes-entreprises-la-sobriete-energetique-ne-nous-effraie-pas/