REUTERS/Johanna Geron
https://www.robert-schuman.eu/fr/doc/divers/Note_Plan-de-relance_27-05.pdf
Grain de sel vdb:
Ce mercredi 27 mai 2020, la Présidente de la Commission européenne a présenté au Parlement européen une proposition de budget de 750 milliards d’Euros (incluant prêts et subventions) qui permettrait une relance économique suite à la crise du COVID-19.
Cette aide financière devrait s’ajouter au budget de l’Union européenne et serait destinée à soutenir les États membres dans l’élan de reprise économique.
Le plan de relance s’articulerait autour de priorités et parmi elles, l’accompagnement des États membres dans la transition verte ; il s’agit de relancer l’économie tout en tenant compte du besoin de recherches et d’actions concrètes permettant la transition écologique et la poursuite de l’objectif de neutralité carbone de l’Europe.
Ursula von der Leyen avait dès le début de son mandat placé le Green Deal au cœur de son programme. On aurait pu penser que la crise du coronavirus et le besoin d’adopter un plan de relance « voleraient la vedette » au Pacte vert mais la Commission en a décidé autrement : elle a proposé aujourd’hui de faire les deux à la fois! Au Parlement européen à présent de valider ce plan de relance.
Un plan massif dans trois directions – Pour relancer l’économie européenne et faire face aux conséquences de la pandémie de Covid-19, la Commission propose un plan de 750 milliards €, intégré au Cadre financier pluriannuel (CFP), et réparti en trois piliers : l’aide à la relance dans les Etats membres ; un soutien aux entreprises, en particulier les secteurs stratégiques ; le renforcement des capacités sanitaires et de crise de l’Union.
Le premier pilier sera centré sur une « facilité de relance et de résilience » de 560 milliards €, complétée par un programme d’aide transitoire aux régions les plus touchées de 55 milliards €, baptisé React-EU. Les programmes existants de développement rural et sur la transition juste (accompagnement social du Pacte Vert) seront renforcés.
Le deuxième pilier comportera un instrument de soutien à la solvabilité des entreprises garanti par le budget européen pour apporter du capital dans tous les secteurs de l’économie, et une « facilité pour les investissements stratégiques » de 15 milliards €, destinée à préserver les infrastructures, les technologies critiques et les systèmes de santé en Europe. La Commission espère ainsi générer 700 milliards € d’investissements et de soutiens financiers pour les entreprises.
Le troisième pilier, présenté par la Commission comme « les leçons tirées de la crise », prévoit le renforcement du mécanisme d’urgence RescEU, de l’aide extérieure, d’aides supplémentaires à la recherche et à l’innovation dans le domaine de la santé, ainsi qu’un nouveau programme sanitaire à l’échelle européenne.
Un mécanisme novateur – Les 750 milliards € du plan seront empruntés sur les marchés financiers par la Commission, puis redistribués aux Etats membres sous forme de subventions à hauteur de 500 milliards €, et de prêts à hauteur de 250 milliards €. Le remboursement se fera entre 2027 et 2058, en fonction de la part des Etats membres dans le revenu national brut (RNB) de l’Union.
Le fonds de relance constitue une double avancée par la première mutualisation de dette européenne à une telle échelle et par le recours massif à des transferts financiers vers les Etats membres.
Afin de lever l’emprunt communautaire, l’Union doit relever le plafond des ressources propres, de 1,2% à 2% du RNB européen.
Pour faire peser le remboursement le moins possible sur les Etats membres, la Commission propose de créer de nouvelles ressources propres, c’est-à-dire d’allouer directement au budget européen, et non aux budgets nationaux, tout ou partie des nouvelles taxes suivantes : l’extension du mécanisme ETS (marché des émissions de CO2) aux secteurs maritime et aérien ; le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières ; la taxe sur les activités des plateformes numériques, un impôt européen sur les sociétés.
La Commission estime que ses nouvelles ressources permettraient de rembourser l’emprunt et ses intérêts. Dans ce cas, le saut vers une mutualisation de la dette serait accompagné d’une avancée vers une fiscalité européenne permettant d’abonder le budget communautaire en réduisant la dépendance envers les Etats membres.
Dans un cadre classique – Le plan de relance s’inscrit dans le cadre du CFP, en s’ajoutant au budget 2021-2027 sur lesquels le Conseil européen n’avait pu trouver d’accord en février dernier.
La Commission reprend le projet de CFP tel qu’il avait été laissé par les chefs d’Etat et de gouvernement, en l’aménageant à la marge pour tenir compte de la crise et son articulation avec le fonds de relance. Le montant proposé est de 1 100 milliards € pour les 7 prochaines années.
Intégrer le plan de relance au CFP permet d’agir rapidement, en évitant de longues discussions sur de nouveaux instruments et les délais nécessaires à leur mise en place. Il s’agit d’une garantie pour les pays réticents à innover juridiquement sous la pression des événements. Le CFP permet à la Commission de rester maîtresse de l’utilisation des fonds.
Un plan au service des priorités de la Commission – Par voie de conséquence, les fonds levés par la Commission seront redistribués aux Etats membres selon un schéma cadré. Les Etats membres devront présenter des plans d’investissements et de réformes, qui seront évalués par la Commission et les autres Etats membres par le biais de la comitologie.
Ces plans devront être orientés vers les priorités de la Commission : le Pacte vert, la transition numérique, le Semestre européen. De ce point de vue, l’instrument de relance est bâti sur la logique des programmes de convergence économique déjà prévus dans le CFP et le projet de budget de la zone euro.
Des fonds répartis dans toute l’Union – La préparation du plan de relance a souvent été présentée comme un débat entre le Nord et le Sud de l’Union. Mais si la pandémie de Covid- 19 a surtout touché les pays du Sud, ses conséquences économiques se font ressentir dans toute l’Union, de manière différenciée selon les régions. Les critères d’attribution des fonds de relance reflètent cette réalité.
Tandis que la « facilité de relance et résilience », principalement constituée de subventions, sera destinée aux plans de long terme des Etats membres, le programme ReactEU ciblera les besoins locaux, principalement sous forme de prêts, pour soutenir à court terme les secteurs les plus touchés par la crise comme le tourisme, la culture, la santé et le tissu des petites et moyennes entreprises.
Les critères d’allocation des fonds supplémentaires pour les régions seraient basés sur des indicateurs tels que le niveau de chômage ou la dégradation des comptes publics à long terme.
Ambition et équilibre – Le plan de la Commission reprend la proposition franco-allemande d’un fonds de 500 milliards € distribué en subventions, et va plus loin en ajoutant 250 milliards € de prêts disponibles. Il devrait donc satisfaire les Etats membres qui plaidaient pour un effort à la hauteur de la crise.
Les Etats les plus réticents à « donner » de l’argent aux pays les plus en difficulté pourront se satisfaire que les fonds soient versés selon un cadre précis, pour des plans soumis à critères et évaluation.
Les pays d’Europe centrale et orientale, qui pouvaient craindre que le budget européen ne soit réorienté vers le Sud de l’Europe a leur détriment, restent éligibles pour les programmes existants renforcés, ainsi que les nouveaux programmes.
Le Parlement européen, qui réclamait un effort de 2 000 milliards €, devrait également se satisfaire de la proposition de la Commission si elle n’est pas trop amendée par les Etats membres.
Les 750 milliards € du plan de relance s’ajoutent à une proposition de CFP de 1 100 milliards €, aux 100 milliards € du mécanisme SURE pour le chômage partiel, à la ligne de crédit de 240 milliards du Mécanisme européen de stabilité (MES) pour faire face à la crise sanitaire, aux 200 milliards de crédits disponibles à travers la Banque européenne d’investissement (BEI), et aux 1 000 milliards que la Banque centrale européenne (BCE) prévoit de dépenser d’ici à la fin de l’année pour soutenir l’économie. Si l’on prend en compte les mesures de soutien à l’économie décidées par les Etats membres, désormais supérieures à 3 000 milliards €, c’est près de 6 400 milliards € que l’Union aura décidé de mobiliser pour affronter la crise.
Un plan opérationnel en 2021 – Malgré l’urgence de la situation, le fonds de relance ne sera pas opérationnel avant le 1er janvier 2021. Le relèvement du plafond des ressources propres, condition sine qua non pour que le Commission puisse commencer à emprunter, doit être approuvé à l’unanimité par le Conseil, puis ratifié par les Etats membres selon leurs procédures nationales, la plupart du temps par la voie parlementaire. La mise en place du plan n’est donc pas à l’abri d’aléas politiques nationaux.
Pour pallier cela, la Commission propose une augmentation ponctuelle du CFP actuel, à compter du 1er septembre, et jusqu’au 31 décembre 2020, terme du CFP 2014-2020. Cette décision requiert l’unanimité au Conseil et l’approbation du Parlement européen.
Un calendrier serré – Le Conseil européen examinera la proposition de la Commission le 19 juin, lors d’une réunion dont il n’est pas certain qu’elle puisse se tenir à Bruxelles en raison des mesures sanitaires toujours en place. Une réunion physique entre chefs d’Etat et de gouvernement pour conclure la négociation paraît néanmoins indispensable.
Il reviendra au Président du Conseil européen Charles Michel de décider du calendrier, afin de trouver un accord à temps pour mettre en œuvre l’augmentation du CFP actuel au 1er septembre et lancer la procédure pour le relèvement du plafond des ressources propres.