Environnement : l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur toujours en suspens

GDS Gabriel : Comme le CETA en son temps, malgré les partisans de l’accord, l’accord reste en suspens, sans grande perspective de déblocage.

UPDATE :

Brasilia (awp/afp) – Le ministre français chargé du Commerce extérieur, Olivier Becht, a déclaré lundi à l’AFP lors d’une visite à Brasilia que l’Union européenne et les pays du Mercosur devaient « se donner du temps » pour ratifier un accord commercial dans des termes « qui conviennent à toutes les parties ».

L’UE et le Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay et Paraguay) ont conclu un accord commercial en 2019, après plus de vingt ans de négociations complexes, mais celui-ci n’a pas été ratifié en raison notamment des préoccupations européennes sur les politiques environnementales de l’ancien président brésilien d’extrême droite Jair Bolsonaro (2019-2022).

« La question a été évoquée dans les entretiens bilatéraux que j’ai eus (à Brasilia). J’ai l’impression qu’il y a, de la part à la fois de l’UE, et des pays du Mercosur, l’idée de se donner le temps de pouvoir trouver quelque chose qui convienne à toutes les parties », a dit le ministre lors d’un entretien téléphonique au premier jour de sa visite officielle au Brésil.

« Nous avons rappelé, y compris au conseil du Commerce de l’UE, il y a quinze jours, les exigences de la France sur l’intégration de l’accord de Paris comme clause essentielle, sur le règlement de la déforestation, sur le respect des clauses miroir sur les normes sanitaires et environnementales françaises, avec des dispositifs de sanction si tout cela n’était pas appliqué », a-t-il précisé.

Vendredi, une source diplomatique française avait estimé lors d’une conférence téléphonique avec des journalistes que la ratification était encore à un horizon lointain.

En avril, en Espagne, le président de gauche du Brésil, Luiz Inacio Lula da Silva, avait pourtant confié son espoir de parvenir à un accord dès cette année.

Olivier Becht a souligné que la France « a toujours eu des relations fortes avec le Brésil sur le plan économique, même durant l’ère Bolsonaro », quand les deux pays étaient en froid sur le plan diplomatique.

« Nous sommes aujourd’hui dans la continuité, mais une continuité qui s’inscrit désormais dans un climat politique pacifié », a-t-il poursuivi.

Selon lui, le fait que le Brésil de Lula soit « engagé dans une transition énergétique forte » représente une « opportunité » pour les entreprises françaises, qui peuvent faire valoir leur « savoir-faire dans les domaines de l’hydroélectricité, de l’éolien, de l’offshore, du solaire, de l’hydrogène ou du nucléaire ».

À Brasilia, M. Becht a rencontré plusieurs ministres, dont celui des Mines et de l’Energie.

Mardi, il se rendra à Sao Paulo, où il visitera notamment des usines de Thalès et d’Airbus hélicoptères.

Sa tournée en Amérique du Sud se poursuivra au Chili, jeudi et vendredi.

Historique

Le président brésilien Lula organise à Brasília, mardi 30 mai, un sommet des chefs d’États d’Amérique du Sud. Ce sommet rassemble l’ensemble des pays membres du Mercosur : le Brésil, l’Argentine, l’Uruguay, le Paraguay ainsi que le Venezuela, suspendu du Mercosur depuis sept ans. 

>> Des « risques majeurs sur le climat » : des ONG réclament l’abandon de l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur

L’ensemble de ces pays d’Amérique du Sud doivent reparler de l’accord de libre-échange avec l’Union européenne qui est actuellement gelé. Ce texte, conclu en 2019, a tout de suite fait face à de nombreuses critiques venant de pays européens, estimant que les garanties environnementales n’étaient pas suffisantes. Aujourd’hui, cette question environnementale est la principale pierre d’achoppement à la ratification de l’accord entre l’UE et le Mercosur. C’est en grande partie à cause des initiatives de l’ex-président brésilien, Jair Bolsonaro qui a aggravé la déforestation de l’Amazonie. Dès 2019, la France avait alors opposé son veto et l’Allemagne, un an plus tard.

Aujourd’hui, le Parlement européen et des ONG réclament de nouvelles garanties pour protéger l’environnement. La Commission européenne propose d’ajouter un protocole additionnel mais nombreux sont ceux qui ne le trouvent pas assez contraignant. Plusieurs pays européens dont l’Espagne espèrent que cet accord pourra être ratifié le 18 juillet lors du sommet UE/Amérique Latine. Le chancelier allemand s’est dit favorable. Côté Mercosur, c’est une des promesses de campagne du président brésilien, même si plusieurs pays trouvent les exigences environnementales des Européens trop strictes.

Environnement : l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur toujours en suspens (francetvinfo.fr)

Historique du projet d’accord avec le MERCOSUR

https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/07/04/tout-comprendre-a-l-accord-geant-entre-l-europe-et-le-mercosur-en-quatre-questions_5485252_3234.html

Il aura fallu vingt ans d’âpres négociations pour aboutir à un compromis : l’Union européenne (UE) et le Mercosur, l’alliance commerciale de quatre des économies les plus puissantes d’Amérique du Sud (Brésil, Argentine, Paraguay et Uruguay), avaient annoncé le 28 juin 2021 s’être mis d’accord sur les contours d’un accord de libre-échange.

Si les opportunités économiques sont annoncées comme substantielles, ce nouveau traité suscite déjà de fortes réticences, rassemblant contre lui un front hétéroclite d’agriculteurs, d’écologistes et de pourfendeurs du libre-échange. Emmanuel Macron et son gouvernement ont joué la prudence, promettant d’examiner en détail l’accord avant de le valider. Celui-ci doit en effet être ratifié à l’unanimité des Etats membres de l’UE et par le Parlement européen.

Il est trop tôt pour anticiper l’impact et mesurer la réalité des menaces portées par ce traité, dont le texte définitif n’a pas encore été publié par la Commission européenne. Toutefois, de nombreux éléments publics (dont un résumé de 17 pages de l’accord) permettent déjà de prendre la mesure des enjeux sur la table.

Lire notre décryptage : Article réservé à nos abonnés Pourquoi l’accord avec le Mercosur est si critiqué

L’accord donne-t-il un blanc-seing à « Bolsonaro le déforesteur » ?

« Je ne vois pas comment on peut, sur un enjeu universel, signer un accord avec un pays qui bafoue, à ce point, [la protection de l’environnement]. » Cette charge, signée de Nicolas Hulot, fait écho à une crainte exprimée par de nombreux écologistes après l’annonce de l’accord UE-Mercosur : signer un traité commercial avec le président brésilien Jair Bolsonaro, c’est, estiment-ils, donner un blanc-seing à un dirigeant d’extrême droite qui revendique de n’avoir que faire de la protection de l’environnement, encourage la déforestation et les pesticides. Cette position rejoint celle de plusieurs mouvements écologistes internationaux, qui appellent à boycotter les produits brésiliens pour faire pression sur M. Bolsonaro.

Les partisans de l’accord UE-Mercosur assurent, au contraire, qu’il s’agit du meilleur instrument pour forcer le Brésil à rentrer dans le rang. De fait, Jair Bolsonaro a dû renoncer à quitter l’accord de Paris sur le climat sous la pression des Européens, car le traité demande aux signataires de respecter les engagements climatiques pris lors de la COP21. L’accord impose également aux signataires de « lutter contre la déforestation ».

Aucune sanction dissuasive n’est prévue contre le Brésil s’il faillit à ses obligations climatiques

Au-delà des bonnes intentions, ces dispositions seront-elles suffisamment contraignantes pour être efficaces ? Rien n’est moins sûr. Le résumé de l’accord diffusé par la Commission européenne suggère qu’aucune sanction dissuasive n’est prévue contre le Brésil s’il faillit à ses obligations climatiques. Au mieux, un panel d’experts pourra le réprimander publiquement et l’inviter à corriger le tir. Mais l’UE ne pourra en aucun cas appliquer des sanctions commerciales en rétorsion.

De même, il peut paraître optimiste de penser que « cet accord va empêcher Bolsonaro de “déforester” l’Amazonie », comme l’affirme l’ancien patron de l’Organisation mondiale du commerce, Pascal Lamy, ou qu’il va contraindre le président brésilien à « replanter 12 millions d’hectares » de forêt, comme l’assure le secrétaire d’Etat Jean-Baptiste Lemoyne. Le chapitre environnemental de l’accord se borne à inviter les signataires à « lutter » contre la déforestation. Mais à ce jour, rien ne dit qu’il forcera le Brésil à respecter ses engagements en matière de reforestation (aujourd’hui largement bafoués).

Contacté par Le Monde, Jean-Baptiste Lemoyne reconnaît entre les lignes que le traité ne sera pas contraignant, mais estime que « la contrainte politique peut jouer à plein » : « Le Brésil a choisi son camp [et] il est redevable politiquement de cet objectif. [S’il] devait sortir de l’accord de Paris, alors nous ne signerions pas d’accord commercial. » Le secrétaire d’Etat estime que la longueur du processus de ratification laissera à l’Europe « le temps de voir si le Brésil met en œuvre dans les faits ses engagements ou non. C’est un levier précieux. »

Lire aussi Article réservé à nos abonnés Au Brésil, l’agrobusiness et la classe politique unis contre la clause de précaution Ajouter à vos sélections

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Les accords de libre-échange sont-ils compatibles avec la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre ?

Au-delà des dispositions précises de l’accord, les écologistes s’opposent au principe même de ces grands accords qui favorisent les échanges commerciaux en réduisant les barrières douanières, et contribuent donc à augmenter les émissions de gaz à effet de serre liées à la production et au transport de marchandises.

« Pourquoi on fait traverser l’Atlantique [à un bœuf élevé en Amérique du Sud] ?, s’interroge ainsi la directrice d’Oxfam France, Cécile Duflot. Cette question de l’augmentation des échanges, (…) on sait que c’est la cause principale du réchauffement climatique. »

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« Ce ne sont pas les accords de libre-échange qui génèrent en tant que tel une dégradation de l’environnement et du climat », lui répond le secrétaire d’Etat Jean-Baptiste Lemoyne. « Nous n’avons pas d’entente avec la Chine et pourtant nous sommes envahis de “made in China”, donc de carbone importé. Un accord de libre-échange est là pour tirer vers le haut un certain nombre de partenaires en matière environnementale, sociale et agricole », argue-t-il.

La majorité des secteurs dynamisés par l’accord impliquent un transport de marchandises, et donc des gaz à effet de serre supplémentaires

Les accords de libre-échange ont pourtant pour objectif principal d’augmenter les échanges commerciaux – qui préexistent aux accords. Une étude d’impact de 2011 sur l’accord UE-Mercosur anticipe une augmentation substantielle des exportations entre les deux blocs : + 10 % dans le sens UE/Mercosur, et + 3 à 4 % dans le sens Mercosur/UE.

Céréales, sucre, éthanol, bois : l’immense majorité des secteurs dynamisés par l’accord impliquent un transport de marchandises, et donc des gaz à effet de serre supplémentaires. Sans compter que la hausse de la demande européenne en bœuf va pousser le Mercosur à augmenter la taille de ses élevages, très polluants, sans imposer de nouveaux standards plus vertueux. L’étude d’impact environnemental de l’accord n’a pas encore été publiée.

Les discussions commerciales entre l’Union européenne et le Mercosur ont commencé il y a vingt ans. Ici, les chefs de file des délégations brésilienne et uruguayenne Luiz Felipe de Seixas Corrêa et Didier Opertti Badan à Bruxelles, en novembre 1999.
Les discussions commerciales entre l’Union européenne et le Mercosur ont commencé il y a vingt ans. Ici, les chefs de file des délégations brésilienne et uruguayenne Luiz Felipe de Seixas Corrêa et Didier Opertti Badan à Bruxelles, en novembre 1999. HERWIG VERGULT / AFP

Les règles sanitaires européennes et sud-américaines sont-elles conciliables ?

En ouvrant les frontières aux produits agricoles sud-américains, l’accord UE-Mercosur va-t-il mettre en danger la santé des consommateurs européens ? C’est le chiffon rouge brandi par de nombreux agriculteurs et associations, qui s’inquiètent de certaines pratiques, courantes dans les élevages brésiliens mais proscrites en Europe au nom du principe de précaution, à l’instar des antibiotiques utilisés comme activateurs de croissance chez les bovins, qui favorisent l’antibiorésistance.

Cette crainte est-elle fondée ? Aussi étonnant que cela puisse paraître, si cette pratique est interdite aux éleveurs européens, la règle ne s’applique pas aux éleveurs étrangers qui exportent leur viande vers l’Union européenne. Aujourd’hui déjà, rien n’empêche une ferme brésilienne d’envoyer en Europe un bœuf « soigné » aux antibiotiques, à condition que les résidus ne dépassent pas un certain seuil.

Un règlement européen récent prévoit de mettre fin à cette situation ubuesque, en étendant l’interdiction aux producteurs étrangers. Problème : les actes juridiques finalisant cette réforme n’ont pas encore été adoptés. Le gouvernement français espère que ce sera chose faite « d’ici début 2022 », avant l’entrée en vigueur éventuelle de l’accord UE-Mercosur, mais certains observateurs craignent que ce ne soit pas le cas. Ce faisant, l’Union européenne prend en effet le risque de se mettre en infraction avec les règles de l’Organisation mondiale du commerce.

L’UE devrait peiner à garantir l’absence de résidus de pesticides dans les denrées alimentaires importées d’Amérique du Sud

L’UE peut-elle garantir l’absence de résidus de pesticides dans les denrées alimentaires importées d’Amérique du Sud ? Il sera difficile de faire confiance au système brésilien de traçabilité, qui a connu d’importantes défaillances dans la période récente. Les autorités européennes procèdent bien à leurs propres contrôles sur les produits importés, mais seulement sur des échantillons aléatoires.

Ce système suffira-t-il à contrôler les importations d’un pays friand en pesticides comme le Brésil, dont le président a autorisé l’utilisation de 239 nouvelles molécules ces derniers mois ? L’eurodéputé macroniste Pascal Durand en doute, objectant que l’« on a déjà du mal à contrôler les fraudes intra-européennes et la viande qui arrive de Pologne ou de Roumanie ».

Une ferme bovine dans l’Etat d’Ipameri, au Brésil, en novembre 2013.
Une ferme bovine dans l’Etat d’Ipameri, au Brésil, en novembre 2013. EVARISTO SA / AFP

Lire aussi Article réservé à nos abonnés Nicolas Hulot : « L’accord avec le Mercosur est complètement antinomique avec nos ambitions climatiques » Ajouter à vos sélections

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Pourquoi l’accord inquiète les agriculteurs ?

Si les agriculteurs européens sont vent debout contre l’accord UE-Mercosur, c’est principalement à cause de l’ouverture d’un quota annuel de 160 000 tonnes de bœuf que le Mercosur pourra exporter vers l’UE avec des droits de douane réduits. Une concession de taille qui pourrait, selon eux, déstabiliser le marché agricole européen.

Si cela peut sembler dérisoire par rapport aux 7,8 millions de tonnes de bœuf produites chaque année dans l’UE, ce quota n’en demeure pas moins substantiel, quand on le compare à l’ensemble des importations en Europe : 340 000 tonnes. Les éleveurs craignent avant tout la concurrence déloyale d’une viande brésilienne beaucoup moins chère, car produite avec des normes environnementales et sanitaires moins strictes.

« Il fallait faire des concessions »

Cette menace, relayée par les lobbys agricoles, est loin d’être illusoire : elle a été reprise à son compte par Didier Guillaume, qui refuse d’être « le ministre de l’agriculture qui aura sacrifié l’agriculture française sur l’autel d’un accord international ».

Une réticence que ne partage pas le commissaire européen à l’agriculture, Phil Hogan, qui assume « avoir concédé un peu de bœuf parce qu’il fallait faire des concessions » pour obtenir en retour des baisses de droits de douane pour l’industrie européenne. La Commission européenne a déjà provisionné un milliard d’euros d’aides pour aider les éleveurs à faire face à cette nouvelle donne. En cas de crise, elle pourra également activer une clause de sauvegarde et réduire temporairement les quotas d’importation afin de protéger les agriculteurs.

L’exécutif bruxellois se félicite également d’avoir négocié la reconnaissance de 357 indications géographiques protégées, comme le champagne français ou le jambon de Parme, qui ne pourront plus être usurpées au sein du Mercosur. Un lot de consolation, qui profitera avant tout aux plus gros producteurs agricoles européens, capables d’exporter leurs produits vers l’Amérique du Sud. Ceux-ci font figure de grands gagnants de l’accord : l’étude d’impact de 2011 anticipe une hausse de 20 à 30 % des exportations agroalimentaires européennes vers l’Amérique du Sud.