Marché de l’électricité : les Vingt-Sept trouvent un accord

Après des mois d’âpres négociations, les Etats membres de l’Union européenne sont parvenus à une position commune pour réformer le marché de l’électricité mardi 17 octobre.

Les Etats membres ont adopté cette position commune sur la réforme du marché européen de l'électricité à la quasi-unanimité, seule la Hongrie ayant voté contre - Crédits : deepblue4you / iStock
Les Etats membres ont adopté cette position commune sur la réforme du marché européen de l’électricité à la quasi-unanimité, seule la Hongrie ayant voté contre – Crédits : deepblue4you / iStock

La nouvelle est tombée en fin de journée, ce mardi 17 octobre 2023. Réunis à Luxembourg, les ministres de l’Energie des 27 Etats membres de l’Union européenne ont fini par adopter une position commune sur la réforme du marché européen de l’électricité. Un accord espéré de longue date, mais bloqué depuis des mois en raison notamment des divergences franco-allemandes sur le soutien à la filière nucléaire. Le texte a été approuvé à la quasi-unanimité, seule la Hongrie ayant voté contre.

A l’issue d’une rencontre avec le chancelier allemand Olaf Scholz à Hambourg la semaine précédente, le président français Emmanuel Macron avait salué la volonté des deux puissances européennes de conclure un accord “d’ici la fin du mois”. Il semblerait que les discussions bilatérales “intenses” qui ont eu lieu depuis aient porté leurs fruits. A l’approche de cette réunion avec ses homologues européens, Teresa Ribera, ministre espagnole de l’Energie, avait martelé que leur “engagement [était] de trouver un accord aujourd’hui” et qu’ ”aucune raison ne justifi[ait] un report supplémentaire”.

“C’est fait ! Accord trouvé sur la réforme du marché européen de l’électricité entre les 27 états membres, après une journée d’ultimes discussions. Pour les consommateurs, pour un investissement massif dans les renouvelables et pour la préservation du nucléaire français.”, a twitté mardi soir la ministre française de la Transition énergétique. 

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L’objectif de cette réforme est de répondre à l’envolée des prix de l’électricité de l’an dernier grâce à des contrats de long terme, permettant notamment de lisser l’impact de la volatilité des cours du gaz.

Cette réforme, qui vise à limiter la hausse des factures des ménages et des entreprises européennes, prévoit également que tout soutien public à de nouveaux investissements dans la production d’électricité décarbonée se ferait via des “contrats pour la différence” (CFD) à prix garanti par l’État. Un mécanisme qui permet d’assurer davantage de prévisibilité aux investisseurs. 

Dans sa proposition initiale, la Commission proposait d’étendre ces CFD aux investissements destinés à prolonger la vie des centrales nucléaires existantes. Mais l’Allemagne, qui a abandonné l’atome en avril 2023, en a fait une ligne rouge. Berlin craint la concurrence d’une électricité nucléaire française massivement soutenue par des fonds publics, donc potentiellement déloyale. A contrario, le sujet est crucial pour Paris, qui entend financer la restauration de son parc nucléaire vieillissant pour maintenir des prix d’électricité bas.

Le texte, approuvé par les Etats membres, va désormais faire l’objet de négociations avec les députés européens.

Les réactions de la presse

« Les ministres européens de l’énergie s’accordent sur une réforme controversée du marché de l’électricité« , titre le Berliner Zeitung. Réunis à Luxembourg mardi 17 octobre, les ministres de l’Energie des Vingt-Sept « se sont finalement mis d’accord sur une position commune » pour réformer le marché de l’électricité, « après des mois de négociations« , explique le quotidien allemand.

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Comme l’indique Libération, les débats portaient notamment sur le « soutien public à de nouveaux investissements dans la production d’électricité décarbonée« . Un soutien que la France voulait voir appliquer à son « parc nucléaire existant« , précise le journal. Or, « une telle décision avait été fortement contestée par l’Allemagne, l’Autriche et le Luxembourg, qui sont historiquement opposés à l’énergie nucléaire« , note le Financial Times. L

e quotidien britannique ajoute que ces pays craignaient que l’inclusion du nucléaire ne favorise trop l’électricité française, « lui conférant un avantage concurrentiel« .La semaine dernière, une rencontre a été organisée « à Hambourg entre le chancelier allemand, Olaf Scholz, et le président français, Emmanuel Macron, dans le but de régler leurs différends« , rappelle Euronews.

Et, après bien des discussions, « les deux parties sont parvenues à un compromis« , rapporte le média, la France ayant obtenu que son parc nucléaire soit compris dans les énergies décarbonées visées par le texte.

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Moins de volatilité des prix de l’électricité

Au cœur de l’accord, les « contrats pour la différence » (CFD), passés entre les producteurs d’électricité et les Etats [Libération]. Les CFD « fixent un prix minimum garanti pour les fournisseurs d’électricité, ainsi qu’un plafond au-dessus duquel l’Etat peut récupérer d’éventuelles recettes« , décrypte le Financial Times.

Plus précisément, « l’Etat intervient et comble la différence si le prix du marché tombe en dessous d’un prix convenu. Si le prix est plus élevé, le surplus revient à l’État« , détaille Die Welt.Le Stuttgarter Zeitung explique que si le prix de l’électricité est élevé, les Etats y gagnent et « les investissements dans les énergies renouvelables [devraient] ainsi être stimulés« .

Au contraire, si le prix de l’électricité est bas, ce sont les producteurs qui y gagnent car l’Etat les compense. Les producteurs auront ainsi « des revenus plus stables » d’après le communiqué du Conseil de l’UE, comme le rapporte 

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Cette stabilité des prix permet aussi de « protéger les consommateurs contre la volatilité des prix« , poursuit le média. Ainsi, « en France, les consommateurs pourront bénéficier de prix corrélés à la réalité des coûts de production de son électricité« , et donc de tarifs plus bas [Le Figaro]. Egalement gagnants, les industriels européens verront leur facture énergétique baisser « afin de lutter contre les concurrents chinois et américains, très aidés par leurs Etats » [Libération].

Le Financial Times remarque que l’accord trouvé entre les Vingt-Sept confère par ailleurs plus de pouvoirs à la Commission européenne « pour évaluer les avantages des aides d’Etat« . Interrogée sur le sujet, « Kadri Simson, la commissaire européenne à l’Energie, a déclaré que l’institution appliquerait […] un contrôle ‘rigoureux’ « , rapporte le média canadien Financial Post.

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Au tour du Parlement européen de se prononcerEn France, la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher a salué un accord représentant « une bonne nouvelle pour la facture des Français » [Le Figaro]. Elle a cependant prévenu qu’aujourd’hui « les factures des entreprises sont sur 2024 et souvent 2025 » et que l’impact de l’accord ne serait visible « probablement » qu’à partir des « années 2026 et suivantes« , cite le journal.

De même concernant le charbon polonais, le pays pourra « subventionner ces centrales jusqu’en 2028« , fait savoir le Financial Times. Et une partie de l’ancien système demeure, c’est toujours « la source d’énergie la plus chère utilisée qui détermine en fin de compte le prix du marché« , le gaz notamment, relève le Stuttgarter Zeitung.

Avant de devenir réalité, l’accord doit aussi « encore passer entre les fourches caudines du Parlement européen. Ce devrait être l’affaire de quelques semaines ou mois« , comme le précise Le Figaro

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