DEFENSE autonomie stratégique dépendance à l’égard des USA – EURACTIV.fr

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La défaite des États-Unis et de l’OTAN en Afghanistan ainsi que l’évacuation précipitée de Kaboul ont relancé les discussions sur les différents concepts d’autonomie stratégique de l’UE. La crise afghane doit-elle inciter l’Union européenne à renforcer ses structures de défense ou à en créer de nouvelles ?

L’idée d’une coopération militaire renforcée au sein de l’Union européenne resurgit régulièrement et, dernièrement, c’est avec la situation en Afghanistan qu’elle réapparaît. « Il y a des événements qui deviennent des catalyseurs de l’histoire et qui peuvent conduire à une sorte de rupture. L’Afghanistan en est un exemple », a souligné Josep Borrell, le Haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.

L’UE ne peut pas se passer des États-Unis sur le plan militaire

Selon de nombreux observateurs, le retrait de l’OTAN d’Afghanistan, accompagné d’une évacuation précipitée et chaotique des citoyens européens et américains et de leurs collaborateurs afghans, a démontré la nécessité pour l’Union européenne de disposer d’une force militaire, fût-elle de taille modeste.

Dave Keating, journaliste travaillant notamment pour le Conseil Atlantique, a récemment déclaré dans un article pour le « Internationale Politik Quaterly » que les événements en Afghanistan ont démontré l’incapacité de l’Europe à mener à bien ne serait-ce qu’une mission de stabilisation à l’étranger de faible envergure sans l’aide des États-Unis.

Le général Richard Barrons, commandant des forces armées britanniques jusqu’en 2016, a employé des termes encore plus forts. Dans une interview publiée par Foreign Policy, il a estimé que « l’Europe pourrait devenir une victime stratégique mondiale » de ce qui s’est passé à Kaboul. Il souligne que, face au scepticisme suscité par la décision des États-Unis de retirer leurs forces d’Afghanistan, certains pays européens ont même envisagé de rester dans la région malgré le retrait américain.

Cependant, les Européens ont rapidement réalisé que sans les Américains, « même s’ils étaient capables de trouver suffisamment d’infanterie, ils n’avaient tout simplement pas les moyens de renseignement, de reconnaissance, de commandement et de contrôle, de logistique et de formation (…), ils ne pourraient même pas entrer en Afghanistan et s’y maintenir, et encore moins financer une armée afghane de 300 000 hommes », a souligné M. Barrons.

« Nous avons laissé notre sécurité, notre prospérité et nos intérêts se dégrader en les rendant dépendants de la politique intérieure américaine. Pendant la majeure partie de l’après-guerre froide, en l’absence de menaces, cette attitude était rationnelle. À l’avenir, cependant, les risques seront différents et notre capacité à compter sur les États-Unis sera moindre, ce qui signifie que nous devons restaurer notre capacité à protéger nos propres intérêts », a déclaré l’officier militaire à la retraite.

Les efforts de coopération en matière de défense européenne

Dès 1950, l’idée de créer un système de défense commun sous la forme d’une armée européenne, subordonnée à des institutions politiques européennes communes, a été avancée par l’homme politique français René Pleven. Initialement, l’idée suscita beaucoup d’intérêt, mais elle fut abandonnée en 1954, lorsque l’Assemblée nationale française refusa de ratifier la Communauté européenne de défense (CED), qui devait être une mise en œuvre du projet de Pleven.

Le débat sur une armée commune de l’UE a ensuite pris de l’ampleur après les attaques du 11 septembre 2001 contre les États-Unis, et les plans visant à renforcer la politique de sécurité et de défense commune de l’UE se sont reflétés dans la stratégie européenne de sécurité publiée en 2003 par Javier Solana, alors chef de la diplomatie européenne.

Au tournant des années 2004 et 2005, les groupements tactiques de l’UE (GT UE) ont été mis en place. Ils devaient servir, entre autres, de forces de réaction rapide et sont l’équivalent pour l’UE de ce que l’on appelle la force de réaction de l’OTAN. Les groupements tactiques, qui sont devenus pleinement opérationnels en 2007, impliquent 24 États membres de l’UE ainsi que la Norvège et la Turquie, toutes deux membres de l’OTAN.

Toutefois, ces effectifs ne sont pas utilisés en raison de désaccords sur le financement et de l’hésitation de l’UE quant à la possibilité et à la légitimité de les utiliser dans certaines situations. Depuis plusieurs années, des voix s’élèvent pour réformer ou mieux définir le fonctionnement des groupements tactiques. « Les contribuables ont le droit de demander pourquoi ils doivent dépenser leur argent pour quelque chose qui ne sert à rien », a souligné l’ancien ministre de la Défense Bogdan Klich il y a deux ans dans le quotidien « Gazeta Wyborcza ».

Une autre étape vers le renforcement de la coopération de l’UE en matière de défense a été l’établissement de la Coopération structurée permanente, dite PESCO. Il est aujourd’hui difficile de le croire, mais cette initiative, baptisée « Schengen militaire », même si elle est loin d’être une armée de l’UE, a été très controversée. On craignait surtout une duplication inutile des activités de l’OTAN, et peut-être même une concurrence avec l’Alliance. Des voix sceptiques se sont fait entendre dans les pays nord-américains de l’OTAN (États-Unis et Canada).

Certains ont affirmé qu’il s’agissait d’une réponse à l’arrivée au pouvoir de Donald Trump aux États-Unis, méfiant à l’égard de la coopération transatlantique. Quoi qu’il en soit, l’initiative a été perçue à l’époque comme une véritable avancée. Elle a été présentée comme l’accomplissement des dispositions du traité sur la possibilité d’approfondir la coopération stratégique de l’UE. « C’est un moment historique. Il y a un an, la plupart d’entre nous pensaient que c’était impossible à réaliser », a déclaré la haute représentante de l’UE de l’époque, Federica Mogherini, responsable de la mise en place du PESCO.

La coopération dans le cadre de la PESCO repose sur des projets individuels des États membres dans des domaines spécifiques de la défense, souvent avec le soutien de fonds provenant du nouveau Fonds européen de défense. L’un des objectifs était d’accroître l’efficacité des dépenses de défense en évitant la duplication des investissements.

L’initiative a également reçu la « bénédiction » de l’OTAN dès le départ. Le secrétaire général de l’Alliance, Jens Stoltenberg, a souligné à l’époque qu’il était « un grand partisan d’une défense européenne plus forte », qui, selon lui, est « importante pour l’Europe, mais aussi pour l’OTAN » et devrait « renforcer le pilier européen de l’OTAN ».

Une force européenne de 5 000 hommes pourrait-elle voir le jour ?

Lors de la réunion des ministres de la Défense et des Affaires étrangères de l’UE qui s’est tenue cette semaine à Kranj dans le format Gymnich, l’Allemagne a appelé à la création de petites unités qui seraient opérationnelles et capables de répondre à des situations de crise. Josep Borrell est également convaincu de la nécessité de ces troupes.

Au cours de la réunion, les ministres ont provisoirement convenu que l’UE devrait disposer d’une force de réaction rapide de 5 000 à 20 000 soldats. Toutefois, le ministre slovène de la Défense, Matej Tonin, estime que leur utilisation ne devrait pas nécessiter une décision unanime des États membres. M. Tonin souligne que c’est précisément la condition du consensus entre les États de l’UE qui empêche l’utilisation pratique des groupements tactiques déjà existants.

« La solution serait peut-être un mécanisme où une majorité simple suffirait et où seuls les États volontaires participeraient à l’opération », a suggéré le Slovène. La Slovénie seule pourrait déployer 200 à 300 soldats, selon l’agence de presse slovène STA.

« La situation en Afghanistan, au Moyen-Orient ou au Sahel nous montre que le moment est venu de réagir et de commencer à créer une force de réaction rapide de l’UE capable de démontrer la volonté de l’UE d’agir comme un partenaire stratégique mondial », a déclaré le général Claudio Graziano, président du Comité militaire de l’UE. « Quand, si ce n’est maintenant ? » a-t-il demandé.

Accord UE-Chine : « L’autonomie stratégique, c’est affirmer ses intérêts et ses principes »

Alors que l’Union européenne, Berlin et Paris ont conclu avec le président chinois Xi Jinping un accord d’investissements le 30 décembre dernier, Etats-Unis, Royaume-Uni et Canada ont de leur côté interdit l’importation de produits provenant du travail forcé des Ouïghours. Lundi (18 janvier), la présidence française assurait que les « engagements » pris par Pékin sur la question des droits de l’homme seraient « vérifiés très scrupuleusement ».

Les États-Unis et l’OTAN soutiennent les efforts de défense de l’UE

Lorsque l’on évoque l’élargissement des compétences militaires de l’UE, l’idée de la soi-disant autonomie stratégique de l’Union européenne promue depuis plusieurs années par le président français Emmanuel Macron vient à l’esprit. Cette idée, aussi séduisante soit-elle, reste encore largement à préciser. Chaque pays a une idée différente de ce à quoi devrait ressembler la coopération de l’UE en matière de défense, de ce que l’Europe devrait prendre en charge et de ce qu’elle devrait laisser aux structures transatlantiques.

Les réflexions de l’UE sur l’élargissement de ses compétences en matière de défense sont également jugées positives par Washington. Contrairement à l’administration américaine précédente concernant la PESCO, les autorités actuelles n’ont pas fait part de leurs préoccupations concernant les projets de l’Europe.

Invité à commenter la demande d’amélioration des capacités militaires de l’UE, le porte-parole du département d’État, Ned Price, a déclaré qu’« une Europe plus forte est dans notre intérêt commun ». Il a ajouté que les États-Unis se félicitent du renforcement sans précédent de la coopération entre l’Union européenne et l’OTAN au cours des dernières années.

Jens Stoltenberg, qui s’est déclaré à plusieurs reprises favorable aux initiatives de l’UE en matière de défense, a également déclaré récemment dans une interview accordée au quotidien britannique The Telegraph, que les efforts déployés par l’UE pour renforcer les capacités de défense de l’Union ne devaient pas dupliquer ni saper les compétences de l’OTAN.

Selon l’ancien premier ministre norvégien, « toute tentative de créer des structures parallèles, de dupliquer les structures de commandement, affaiblira la capacité de coopérer » entre les deux organisations, car « ayant des ressources limitées, nous devons éviter la duplication et le chevauchement des efforts » entre l’UE et l’OTAN.

« Je me réjouis de voir le renforcement des efforts de défense européens, mais ils ne peuvent pas remplacer l’OTAN. Nous devons prendre soin des liens solides entre l’Europe et l’Amérique du Nord », a estimé M. Stoltenberg, soulignant que « les tentatives visant à affaiblir ce lien ne diviseront pas seulement l’OTAN, mais affaibliront également l’Europe. »

Une force de réaction rapide européenne serait-elle la bonne solution ?

« Il est inutile de dupliquer les structures de l’OTAN dans une situation où aucun pays ne veut quitter l’Alliance », estime Marek Madej, de l’université de Varsovie. Selon lui, il serait toutefois utile d’envisager de maintenir à la disposition de l’UE des troupes de réaction rapide relativement petites, de la taille proposée par les ministres aujourd’hui.

« Ces forces ne seraient évidemment pas capables de mener des missions complexes à grande échelle, mais elles sont nécessaires pour des opérations à court terme et à petite échelle, par exemple des missions d’évacuation comme celle de Kaboul ou une action rapide dans une situation de crise », ajoute-t-il pour EURACTIV Pologne.

L’ancien ministre de la Défense et des Affaires étrangères, l’eurodéputé PO Radosław Sikorski, partage ce point de vue et milite au Parlement européen pour le remplacement des groupes de combat inefficaces de l’Union européenne par une légion européenne, composée non pas de sous-unités des États membres mais de volontaires des États membres et financée par le budget de défense de l’Union européenne.

« Les pays européens, du fait de leur appartenance à l’OTAN, ont, bien sûr, des garanties conventionnelles de soutien américain beaucoup plus fortes que celles dont bénéficiait l’Afghanistan », admet notre interlocuteur. Selon lui, « on ne peut toutefois pas exclure que les États-Unis, de plus en plus impliqués dans leur rivalité avec la Chine, manquent à un moment donné de volonté politique, et peut-être aussi de ressources, pour remplir leurs obligations envers les pays européens ».

Bogdan Klich, dans l’article précité d’il y a deux ans, a rappelé que l’UE se doit d’être plus active au niveau international, par exemple via la stratégie globale européenne de 2016 élaborée par Mme Mogherini, qui est une mise à jour du document précité présenté par M. Solana en 2003. Selon M. Klich, l’Union dispose déjà d’outils susceptibles de permettre le développement de ses capacités de défense, mais jusqu’à présent, ils n’ont pas été suffisamment utilisés.

« Je crois que dans le cas où de nouvelles menaces apparaîtraient en Europe, il serait nécessaire de s’en tenir aux mécanismes et aux outils dont nous disposons. Ils sont sur la table depuis dix ans, mais personne ne voulait les utiliser », a déclaré l’ancien chef du ministère de la Défense.

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