L’immigration, exutoire au mal-être économique européen – EURACTIV.fr

Alors que l’actualité migratoire continue de déchainer les politiques, l’OCDE appelle à une meilleure intégration des immigrés.

Après deux semaines à se faire balloter en mer Méditerranée dans l’attente d’un accord européen, les 49 migrants du Sea Watch ont débarqué à Malte. Premier pas sur le sol européen…Commence désormais la longue traversée à travers les méandres des procédures de demande d’asile et surtout, de l’intégration.

Malte profite de l’urgence pour se délester de 220 migrants

Le Premier ministre maltais a annoncé un accord pour le débarquement des 49 migrants bloqués sur deux navires d’ONG allemandes et leur répartition dans huit pays européens. Il se débarrasse en passant de 220 migrants déjà accueillis à Malte.

C’est sur ce dernier point que l’OCDE s’est concentré avec la publication d’un rapport intitulé « Mieux intégrer les migrants les plus vulnérables », afin de tirer les leçons des défis nés de l’afflux de réfugiés auquel a été confrontée l’Europe

Une « crise » imaginaire

L’immigration est un phénomène mondial. Chaque année, environ 5 millions de nouveaux immigrés arrivent dans les pays de l’OCDE.

Entre 2014 et 2017, les demandeurs d’asile ont représenté 0,5 % de la population française. Ces deux dernières années, l’hexagone a enregistré 100 000 demandes d’asile, dont seulement 35 % ont été acceptées.

En 2018, l’UE a connu 139 000 arrivées sur son territoire dont 65 000 en Espagne (arrivées aussi du Venezuela et de la Colombie), et 23 000 en Italie. « Ce n’est donc plus une affaire italienne », affirme Christophe Dumont, chef de la division des Migrations internationales à l’OCDE. « À elle seule, l’Espagne a reçu autant de migrants par la route de la Méditerranée que la Grèce et l’Italie réunies. »

Des chiffres qui doivent être mis en perspective. Ces 16 derniers mois, la Colombie a enregistré à elle seule plus d’un million de réfugiés vénézuéliens, dont plus de 800 000 ont déjà été régularisés.

Mais l’afflux de migrants en Europe, qu’on ne peut plus qualifier de crise, a ouvert un boulevard dans lequel les partis populistes se sont engouffrés.

Marine Le Pen en France, Matteo Salvini en Italie, Viktor Orbán en Hongrie, Theo Francken en Belgique, tous ont choisi de diaboliser l’immigration à des fins électorales alors que, depuis 2015, les économistes s’accordent à dire que les flux migratoires sont positifs pour l’économie.

Le Pacte sur les migrations déchire le gouvernement belge

Le Premier ministre belge a pris la tête d’un gouvernement minoritaire, après la démission des ministres nationalistes flamands de la coalition gouvernementale, en raison d’une divergence profonde sur le Pacte de l’ONU sur les migrations.

« Avec un migrant sur 1 000 habitants, le PIB augmente en moyenne de 0,17 % par habitant immédiatement et cela monte jusqu’à 0,32 % en année 2. Le taux de chômage, lui, baisse de 0,14 points », explique Hippolyte d’Albis, directeur de recherche au CNRS lors d’un entretien àl’OBS .

Malgré les coûts que peuvent représenter leur arrivée à court terme, les réfugiés ont un impact neutre ou positif sur l’économie. « La main d’œuvre supplémentaire que représente les réfugiés est dans certains cas perçu comme un moyen de réduire la pénurie de travailleurs dans le contexte d’une main d’œuvre européenne vieillissante », assure l’OCDE.

L’immigration, le bouc émissaire 

L’afflux récent de réfugiés a néanmoins eu lieu alors que de nombreux pays européens se relevaient d’une profonde crise économique et faisaient face à des taux de chômage encore très élevés. Dans ce contexte, la perception du public n’a pas toujours été positive, certains craignant des effets néfastes sur les salaires ou l’emploi, notamment chez les travailleurs peu qualifiés.

« Il ne faut pas oublier qu’on sort d’une crise économique majeure, et que l’on cherche des exutoires pour la situation dans laquelle on se trouve. L’immigration en est un. Mais les facteurs de malaise sont plus généralisés que ceux attribués à l’immigration », explique Christophe Dumont.

Dans son rapport Mieux intégrer les migrants les plus vulnérables, l’OCDE montre qu’en Italie, le taux d’emploi des faiblement qualifiés est plus élevé chez les immigrés que chez les locaux. « On met le doigt sur quelque chose de sensible qui peut créer des tensions mais en réalité ce n’est pas l’immigration le problème, car les Italiens recherchent de meilleurs emplois que les immigrés. C’est le marché du travail qui ne marche pas bien », poursuit l’expert.

Les immigrés peu qualifiés ont un taux d’emploi plus élevé que les travailleurs nés en Italie. En France, le taux d’emploi des immigrés est moins élevé dans les deux cas : tant chez les immigrés peu qualifiés (moins 5 points de pourcentage) que chez les immigrés hautement qualifiés (moins 12 points de pourcentage).

Entrée sur le marché du travail

En France, l’afflux de réfugiés de ces deux dernières années ne représentera une augmentation que de 0,15 % de la force de travail dans le pays. « Pour environ la moitié des pays européens, les arrivées de réfugiés n’auront clairement aucun impact sur la main d’œuvre, et les autres ne connaitront qu’un impact modéré d’ici à la fin 2020 », indique le rapport.

« En améliorant l’employabilité des réfugiés et des migrants vulnérables, les pays hôtes les aident à exprimer leur plein potentiel économique et bénéficient donc de l’impact économique positif. Leur intégration sur le marché du travail améliore aussi l’acceptation et l’inclusion sociale des réfugiés dans la communauté locale. Ne pas intégrer ces personnes a un coût en termes d’exclusion sociale, de tension et de sociétés encore plus inégales. »

L’organisation de coopération et de développement économiques révèle également que dans une grande partie des pays de l’UE, plus les natifs interagissent avec les immigrés, plus ils considèrent l’immigration comme une opportunité pour leur pays plutôt qu’un problème.

« Reconnaître les qualifications des demandeurs d’asile dès leur arrivée est primordiale pour une entrée sur le marché du travail la plus rapide possible. Là-dessus, la France est très, très en retard », regrette Stefano Scarpetta, directeur de l’emploi, du travail et des affaires sociales à l’OCDE.

En moyenne dans les pays européens, les réfugiés mettent 20 ans à atteindre un taux d’employabilité similaire à celui des natifs du pays d’accueil. Cinq ans après leur arrivée, seul un réfugié sur quatre est employé.

En France, trois millions des 15 à 34 ans sont sans emploi, ni études, ni formation (NEET). Au total, 40 % d’entre eux sont des immigrés ou enfants d’immigrés. La France, l’Autriche et la Belgique sont sous surveillance de la Commission européenne à ce sujet.

« Il faut des politiques à court terme pour diriger les réfugiés vers l’emploi », notamment les plus vulnérables, assure Stefano Scarpetta.

Une intégration encore plus difficile pour les plus vulnérables

L’OCDE se concentre surtout sur deux groupes d’immigrés particulièrement vulnérables, pour lesquels l’organisation appelle à renforcer les mesures d’intégration : les femmes réfugiées et les mineurs isolés.

Moins d’une femme réfugiée sur deux à un emploi. Elles représentent pourtant plus de 40 % des réfugiés. « Mais elles arrivent plus tard, souvent grâce au regroupement familial, et ont donc moins accès aux services d’intégration. Cette dernière est donc trop tardive », regrette Christophe Dumont.

Quant aux mineurs isolés, ils sont près de 100 000 à avoir demandé l’asile dans l’UE en 2015. « La grande majorité sont des garçons âgés de 16 ou 17 ans, ayant un faible niveau d’éducation mais très motivés pour travailler », souligne Stefano Scarpetta.

Pour eux, même si l’accès à l’emploi est un pas positif vers l’intégration, un emploi obtenu trop tôt peut les empêcher d’atteindre un niveau d’éducation élémentaire. L’OCDE recommande donc d’adapter les services scolaires à leur arrivée, en repoussant notamment l’âge légal de la scolarité, en donnant plus de souplesse. « C’est coûteux, mais payant sur le long terme », conclut l’Italien.

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