Libre-échange : l’accord UE-Mercosur suscite autant d’enthousiasme que d’inquiétude

Un article publié par notre partenaire Toute l’Europe.


L’Union européenne a signé, vendredi 28 juin, un nouvel accord de libre-échange avec les quatre Etats du Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay). Si les négociateurs se sont réjouis de l’aboutissement de 20 ans de négociations, militants écologistes et agriculteurs craignent les répercussions de ce traité. Sa ratification pourrait ainsi être délicate.


90 % des droits de douane éliminés

« L’Union européenne et les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay et Paraguay) ont annoncé vendredi s’être entendu sur un vaste traité de libre-échange« , relate Libération. L’accord était en discussion depuis 20 ans, souligne le quotidien. Pour Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, il s’agit d’un « accord historique« .

De fait, sur le plan économique, le deal a de quoi séduire, avec « plus de 90 % des droits de douane [qui seront] éliminés de part et d’autre« , expliquent Les Echos. Il ouvre l’accès à un marché de plus de « 770 millions de consommateurs » et de plus de « 18 000 millions d’euros de PIB » [Libération] – soit « un quart du PIB mondial » [La Croix].

Le Mercosur va ainsi « progressivement éliminer ses taxes sur des produits industriels comme les voitures, les équipements industriels ou encore les produits pharmaceutiques. Même chose pour les produits agricoles, notamment le vin, les chocolats ou les olives« , détaille la RTBF. En retour, « une quantité inédite de produits agricoles sud-américains va arriver sur le marché européen, via des quotas« , concernant notamment le bœuf, le sucre et les volailles, poursuit le média.

Craintes environnementales

Ce qui ne va pas sans inquiéter agriculteurs et militants écologistes [Libération]. Même si « le Mercosur s’engage à respecter et à protéger 357 indications géographiques européennes comme le jambon de Parme, le champagne, le porto ou le whisky irlandais« , les normes de sécurité alimentaire ainsi que l’accord de Paris sur le climat [RTBF], l’accord suscite de vives inquiétudes.

« 340 ONG européennes et sud-américaines, dont Greenpeace » ont ainsi publié une lettre ouverte dénonçant le traité, craignant notamment qu’il « n’encourage la déforestation« , explique La Croix. Nicolas Hulot, jusque-là en retrait, s’est également exprimé à trois reprises dans les médias dimanche 30 juin, relève le Huffington Post.

Dans une tribune publiée dans les pages du Monde, l’ancien ministre de la Transition écologique a jugé l’accord entre l’UE et le Mercosur « incohérent » avec les ambitions climatiques européennes. Et n’a pas manqué de fustiger la coopération avec le Brésil de Jair Bolsonaro, qui « saccage la forêt amazonienne » et participe par-là aux « exactions […] contre les Indiens d’Amazonie« . Pour RFI, malgré des « compromis« , l’accord est de fait une « victoire » pour le gouvernement d’extrême droite brésilien, qui se voit ainsi légitimé.

Des agriculteurs en colère

« La pression monte« , note ainsi La Croix, qui cite Christiane Lambert, présidente de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA). Opposée à l’accord, elle parle « d’un coup dur pour l’agriculture« , et d’une « tromperie » pour les consommateurs.

Même son de cloche du côté du premier syndicat agricole allemand, Deutscher Bauernverband et de la Copa Cogeca, « l’organisation professionnelle des agriculteurs de l’UE » [La Croix].  L’accord pourrait fragiliser « un peu plus » les éleveurs, « déjà très touchés par la guerre des prix dans la distribution en France« , décrypte L’Express.

Sur LCI, la porte-parole du gouvernement français, Sibeth Ndiaye, a de son côté rappelé les « exigences environnementales et sanitaires » de la France, rapporte Le Figaro. Emmanuel Macron s’est quant à lui déclaré « vigilant« . « La semaine passée, le président français et ses homologues irlandais, polonais et belge ont en effet exprimé à la Commission leur ‘profonde préoccupation’ sur les conséquences de cet accord sur leur agriculture« , pointe Libération.

Contexte troublé

De fait, la ratification du traité pourrait donc s’avérer difficile. « Le compromis négocié par la Commission doit maintenant être approuvé par les 28 Etats membres. Si tel est le cas, le texte devra alors être validé par un vote en plénière du Parlement européen« , rappelle Libération. Un processus « qui promet d’être compliqué dans le contexte actuel« , prévoit La Croix. Par ailleurs, si la gauche populiste remportait les élections présidentielles en Argentine en octobre, le pays pourrait aussi décider de sortir de l’accord, analyse le Financial Times.

Citée par le Financial Times, Cecilia Malmström, commissaire européenne au Commerce, voit au contraire dans cette signature un message positif envoyé dans un contexte troublé et « la preuve que le commerce international résiste malgré les tensions commerciales entre les Etats-Unis et la Chine« .

En outre, l’accord avec le Mercosur intervient alors que le Parlement français est appelé à ratifier le traité de libre-échange avec le Canada (CETA) le 17 juillet prochain. Tandis que l’accord sur le climat « a minima« , difficilement arraché lors du G20 à Osaka des 28 et 29 juin, n’a pas satisfait les observateurs [Huffington Post].


Crédits : Georges Boulougouris / Union européenne