L’expansion des infrastructures gazières met en péril les ambitions climatiques européennes – EURACTIV.fr

L’Europe agrandit déjà ou planifie d’agrandir ses gazoducs et ses terminaux GNL malgré son engagement de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de moitié d’ici à 2030, selon un nouveau rapport publié jeudi (8 avril). Coûts estimés des travaux : 87 milliards d’euros.

La consommation de gaz naturel doit être réduite de 36 % d’ici à 2030, d’après la Commission européenne, mais les investissements publics et privés prévus entraineraient une augmentation de 35 % de la capacité d’importation actuelle.

Si les plans d’investissement sont introduits, l’UE risque de s’enfermer dans un avenir plus polluant ou de gaspiller des milliards dans des infrastructures, comme des gazoducs, dont la durée de vie est d’une cinquantaine d’années, avertit un rapport rédigé par le groupe de réflexion Global Energy Monitor.

« Les objectifs climatiques ambitieux de l’UE nécessitent une chute vertigineuse de la consommation de gaz d’ici à 2030 et une baisse continue jusqu’à 2050. Il est donc probable que le bloc n’y parvienne pas ou qu’il finisse par investir des milliards dans des infrastructures inutiles », a déclaré Mason Inman, auteur principal du rapport.

Le gaz naturel – ou méthane – est souvent perçu comme énergie de transition pour les nations européennes fortement dépendantes du charbon, mais il produit tout de même du CO2 lors de sa combustion. Sur le court terme, les fuites de méthane sont également bien plus néfastes pour l’atmosphère que le CO2.

Laurence Tubiana, PDG de la Fondation européenne pour le Climat (ECF), a indiqué qu’« avec le Pacte vert pour l’Europe et l’objectif de réduction à 55 %, la demande européenne en gaz naturel devait commencer à baisser dès aujourd’hui. Sinon, nous risquons de gaspiller des milliards dans des actifs échoués ».

 « L’époque des combustibles fossiles est révolue »

Le rapport suit une analyse publiée l’année dernière par Artelys, une entreprise spécialisée en consultance énergétique. Celle-ci avait mis en exergue que l’UE disposait déjà d’infrastructures suffisantes pour garantir la sécurité de l’approvisionnement.

De plus, le document révèle que même si l’hydrogène joue un rôle essentiel dans la décarbonation de secteurs difficiles à électrifier, les démarches pour ce faire ne nécessitaient que des investissements ciblés, à hauteur de 15-25 millions d’euros.

Toutefois, nombreux sont les États membres et les politiques qui soutiennent encore le gaz naturel.

« Lorsque nous examinons l’urgence climatique et les budgets carbone […] il n’y a pas de place pour ce que la filière gazière appellerait une ‘transition énergétique’, une transition douce sur plusieurs dizaines d’années », a fait savoir Claude Turmes, le ministre luxembourgeois de l’Énergie.

Le renouvelable, en particulier l’éolien marin, représente déjà une bonne alternative dans les pays d’Europe centrale et orientale, a-t-il renchéri, avançant qu’il convenait toutefois de faire preuve de volonté politique et de se distancer des lobbies fossiles.

« Il n’est pas ici question d’évaluer ce qui est possible ou pas. Il faut savoir qui est le pilote [vers la transition énergétique] et où se situent les majorités politiques pour trouver une solution. »

L’industrie du gaz continue également d’exercer des pressions pour la construction de nouveaux gazoducs. D’aucuns arguent que ces pipelines pourraient être utilisées à l’avenir pour transporter l’hydrogène. Cependant, à l’heure actuelle, ces dispositifs ne peuvent transporter que jusqu’à 10 % d’hydrogène sans avoir besoin d’être remis à niveau.

https://www.euractiv.fr/section/energie/news/europe-risks-e87-billion-in-stranded-fossil-gas-assets-report-reveals/