L’Europe sans moyen et sans mandat — un tigre de papier – EURACTIV.fr

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Les institutions européennes sont handicapées par l’incapacité des gouvernements à s’entendre sur une stratégie commune pour lutter contre le COVID-19 et ses répercussions économiques. Aujourd’hui, plus de 70 ans après la fondation de l’UE, elles restent bloquées et dépendantes.

Volt Europa est un mouvement paneuropéen qui souhaite valoriser l’engagement citoyen, soutenir la transition écologique, et garantir des services publics de qualité ainsi qu’un niveau de vie décent à toute la population de l’UE. Véronique Aubin et Sven Franck, les signataires de cette tribune, sont tous deux membres du bureau de Volt France.

Nous n’avons pas attendu de nous pencher sur la récente décision de la cour constitutionnelle allemande remettant en question les achats précédents d’obligations de la BCE pour prendre conscience que les institutions européennes sont handicapées. Elles le sont par l’incapacité des gouvernements nationaux à se rallier, à l’unanimité, sur une stratégie commune pour doter l’Union européenne des moyens et du mandat pour jouer un rôle dans la lutte contre Covid-19 et ses retombées économiques. Cette situation n’est pas inédite. Les négociations sur le cadre financier pluriannuel (le budget de l’UE) avaient commencé en février 2018 et se sont arrêtées à l’équivalent de 1 % du PIB de l’UE — un niveau qui n’a pas été augmenté depuis les années 1990, la Commission proposant 1,11 %, le Parlement demandant 1,3 % et le Conseil prévoyant 1 077 %, soit environ 1090 milliards d’euros sur 6 ans. Même en tenant compte des 540 milliards d’euros déjà alloués au titre du mécanisme européen de stabilité, du programme SURE et de la Banque européenne d’investissement ainsi que de l’initiative franco-allemande de bons de relance d’une valeur de 500 milliards d’euros, le budget de l’UE ne représentera que 2 % du PIB de l’UE pour se remettre de la crise la plus grave dans l’Union européenne. Ces montants supplémentaires seront financés par des dettes à compenser en ultimo par les contributions des États membres. Nous sommes maintenant plus de 70 ans après la fondation de l’Union européenne et tout comme pour le droit d’initiative législative, les institutions européennes restent dépendantes, contrôlées par les États membres et bloquées par leur recherche du plus petit dénominateur commun, faisant ainsi de l’UE un tigre de papier sur la scène internationale.

Si une union politique et un mandat bien défini sont encore loin d’être atteints, le simple fait de fournir aux institutions européennes des moyens de financement indépendants changerait déjà le logiciel. En dépendant moins des États membres pour son budget, les institutions de l’UE pourraient définir leurs priorités et normes d’investissements. La prochaine proposition de Mme von der Leyen, qui vise à débloquer le cadre financier pluriannuel et à apporter une réponse à Covid-19, inclurait déjà des conditions telles que l’obligation d’aligner les investissements sur le semestre européen ou de respecter l’État de droit. Toutefois, la Commission européenne devra mener une bataille difficile pour convaincre les États membres de soutenir et, en fin de compte, de financer ces mesures. Notamment, la proposition de la Commission inclurait une taxe sur les plastiques afin d’apaiser la demande du Parlement européen. C’est cette orientation, qui consiste à fournir des moyens de financement indépendants, qui permettrait aux institutions de l’UE de s’émanciper et d’améliorer le processus décisionnel en passant de la nécessité d’apaiser 27 membres à celle d’être plus rapide et plus efficace. Comme le Covid-19 a remis en question de nombreux dogmes, profitons-en pour trouver des moyens plus innovants de financement des institutions européennes.

  1. Un impôt sur les sociétés européen

Depuis 20 ans, les taux d’impôt sur les sociétés n’ont cessé de décroître. Il convient de relever l’imposition sur les bénéfices des sociétés européennes, et ce, au bénéfice de l’Union européenne. Un impôt européen basé sur l’assiette commune consolidée pour l’impôt des sociétés (ACCIS) pouvait être prélevé sur les multinationales afin d’ajuster leur taux d’imposition effectif à la moyenne de l’Union européenne. Comme la moyenne européenne sert de seuil inférieur pour l’imposition des sociétés, elle réduirait l’incitation des multinationales à transférer leurs bénéfices vers les États membres où la fiscalité est moins élevée et empêcherait ainsi la concurrence sur les niveaux d’imposition des sociétés au détriment de tous. À long terme, une séparation des revenus générés par l’emploi et des revenus générés par le capital pourrait être envisagée, les revenus de l’emploi à faible mobilité étant imposés au niveau national et l’Union européenne étant responsable de l’imposition des revenus du capital afin de se financer.

  1. Une surtaxe de solidarité

Une surtaxe de solidarité a été utilisée pour aider à financer le relèvement de l’Allemagne de l’Est après la réunification allemande. Une idée similaire au niveau européen, imposée sur les gains en capital et les revenus non gagnés pendant la pandémie de Covid-19 et la reprise économique, pourrait servir un objectif similaire et solitaire. Associée à une réduction des exonérations, de la fraude et de l’évasion fiscale, elle permettrait aux institutions européennes de disposer de fonds supplémentaires pour les investissements dans les États membres les plus touchés.

  1. Un système SCEQE élargi et une taxe carbone pour une reprise économique durable

Le système européen d’échanges de quotas d’émission (SCEQE), introduit en 2005, était le premier système de ce type au monde et présente encore de nombreuses lacunes. Compte tenu des circonstances actuelles, un système plus rigide avec une trajectoire de réduction plus ambitieuse, la suppression progressive des quotas gratuits et un corridor de prix basé sur la taxe française sur les émissions de CO2 pourraient également servir comme base de financement pour les institutions européennes. Pendant la mise en œuvre de cette mesure, une taxe carbone au niveau de l’UE peut contribuer à réunir les fonds nécessaires à une reprise économique durable après le Covid-19. Basée sur le modèle français (65,40 € en 2021, 205 € en 2030), elle respecterait l’autorité fiscale nationale (pas de double imposition) et utiliserait les ajustements carbone aux frontières et les déclarations d’empreinte carbone pour maintenir des conditions de concurrence entre les pays de l’UE et les pays tiers.

Quel que soit le mode de financement choisi, il est primordial que les institutions de l’UE disposent d’un budget de fonctionnement si elles veulent être à la hauteur des attentes. Le Covid-19 met la lumière sur les gouvernements du monde. En ce qui concerne l’Europe, il montre clairement les lacunes des politiques nationales et leur réticence à respecter les principes de subsidiarité et à adhérer aux principes de fédéralisme, ce qui impliquerait de permettre aux institutions de l’UE de coordonner au niveau supranational, de faciliter et d’exiger la coopération entre les États membres. À ce titre, le Covid-19 est également un test préalable pour l’avenir. Nous aurons besoin d’une Union européenne beaucoup plus forte, car tout comme cette pandémie, le changement climatique ne se préoccupera pas des frontières nationales et, quelle que soit la quantité de papier toilette que nous gardons en stock, nous ne pourrons pas rester assis dans nos maisons en attendant que ça passe.

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