Il y a un an, lors de la réunion des ministres des affaires économiques et financières qui s’est tenue en septembre 2017 à Tallinn, la majorité des ministres présents a clairement appelé l’Union européenne (UE) à agir pour faire face aux nouvelles problématiques en matière de fiscalité internationale soulevées par l’économie numérique.
Bruno Le Maire, Ministre français de l’Économie et des Finances
Cette demande reflète la préoccupation croissante des citoyens et des gouvernements européens face à la difficulté à taxer de manière adéquate les revenus des grandes entreprises de l’internet opérant en Europe.
Ces entreprises fournissent des services indispensables et ouvrent de multiples possibilités nouvelles à des millions de citoyens. Nous ne contestons pas le rôle essentiel et bénéfique que jouent ces entreprises. Au contraire, nous continuerons à encourager l’investissement en faveur de l’innovation, en particulier dans le domaine de l’économie numérique, en France et dans toute l’Europe. Les entreprises du numérique connaissent par ailleurs une croissance très rapide : la croissance annuelle du chiffre d’affaires des plus grandes entreprises de ce secteur est de 14 % en moyenne, contre 3 % pour les autres types de multinationales. Malgré cela, elles sont imposées à un taux de 14 points inférieur à celui auquel sont soumises les entreprises similaires d’autres secteurs, soit 9 % en moyenne contre 23 % pour les entreprises comparables fonctionnant selon un modèle économique classique.
Cette situation est profondément injuste, pour les autres grandes entreprises comme pour les PME. Elle est également source d’inefficacité et prive les États de recettes dont auraient légitimement dû bénéficier leurs citoyens et qui auraient pu couvrir des dépenses publiques essentielles, par exemple dans les domaines de la santé et de l’éducation. Les entreprises du numérique profitent par ailleurs des investissements publics, notamment de ceux effectués dans la formation et les réseaux d’infrastructure. Si les plus grandes multinationales du numérique ne s’acquittent pas de leur juste part d’impôts, c’est nous tous qui finissons par payer plus.
C’est pourquoi la France, travaillant en étroite collaboration avec de nombreux autres États européens, pense qu’il faut trouver une solution pour restaurer une situation juste et des conditions de concurrence équitables entre tous les secteurs de l’économie.
Pour répondre à cette demande, la Commission européenne a soumis en mars 2018 deux propositions de directive : l’une prévoyant une solution à long terme liée aux travaux en cours à l’OCDE pour résoudre ces problèmes, et l’autre prévoyant une solution à court terme au niveau européen dans l’attente d’une solution globale de l’OCDE, à savoir l’instauration d’une taxe sur les services numériques (TSN), consistant en une imposition temporaire du chiffre d’affaires découlant de certaines activités menées par les plus grandes entreprises de l’internet.
La France soutient pleinement une solution globale à long terme. Il faudra du temps pour y parvenir, car elle devra être adoptée à l’échelon international et parce qu’elle touche à des questions plus larges liées à la fiscalité internationale. D’ici là, nous pensons qu’il est nécessaire d’apporter une réponse rapide, efficace et immédiate afin de restaurer l’équité et l’efficience de notre système fiscal européen. Comme une majorité de pays de l’UE, la France est convaincue que la directive provisoire établissant une taxe sur les services numériques devrait être adoptée d’ici à la fin de l’année.
Des discussions ont actuellement lieu au Conseil entre les ministres des finances et la présidence autrichienne de l’UE a fait de cette question une priorité de premier plan pour ses travaux. De nombreux pays soutiennent désormais la proposition de la Commission et presque tous conviennent que la situation actuelle pose un réel problème. Nous souhaiterions que le soutien aux négociations en cours visant à parvenir à une solution rapide et efficace d’ici à la fin de l’année mobilise le plus grand nombre. Les citoyens européens ont besoin de constater que l’UE peut apporter des réponses aux questions qui les concernent et qui suscitent leur colère : je suis convaincu que notre devoir collectif est de répondre à cette attente.
L’argumentaire, issu de mes services, présente de manière plus détaillée les raisons pour lesquelles nous pensons que l’action dans ce domaine est essentielle et il répond aux critiques formulées dans diverses enceintes.
Une étude de notre partenaire la Fondation Robert Schuman.
Étude à lire en intégralité sur Question d’Europe, n°490, 29 Octobre 2018.