Les entreprises françaises se préparent à un Brexit sans accord


Alors que la date fatidique approche à grands pas, Bercy pousse les entreprises de l’Hexagone à se préparer à un Brexit sans accord.

« Quoi qu’il arrive, il y aura des changements, Il faut donc se préparer à tous les scénarios, y compris à celui d’une sortie sans accord », ont expliqué des fonctionnaires de Bercy avant une réunion entre la secrétaire d’État française Agnès Pannier-Runacher, et les représentants des entreprises le mardi 23 octobre.

Dans un document destiné aux chefs d’entreprise, le ministère français de l’Économie leur rappelle que dans tous les cas, à partir du 30 mars 2019, le Royaume-Uni deviendra un pays tiers.

Pour se préparer, il leur conseille ainsi de procéder à un autodiagnostic en trois étapes : l’analyse des conséquences du Brexit sur leurs activités, l’identification des mesures à prendre, et la préparation en amont avec leurs sous-traitants. Enfin, il les enjoint à mettre en œuvre ces mesures le plus rapidement possible.

Cet appel à la préparation s’inscrit dans une stratégie nationale plus globale de préparation à l’éventualité d’un retrait du Royaume-Uni sans accord. « À cette fin, le Premier ministre a demandé aux différents ministères d’étudier les conséquences d’une absence d’accord et les mesures à prendre, y compris dans le cas où nous aurions très peu de temps », a déclaré Nathalie Loiseau, lors de son audition devant le Sénat, le même jour.

Selon elle, la France et l’UE font tout pour parvenir à un accord avant le 30 mars 2019, mais l’incertitude qui plane sur les négociations avec le Royaume-Uni justifie un besoin de flexibilité. « C’est justement l’objet du projet de loi soumis au Sénat qui habiliterait le gouvernement à prendre par ordonnance les mesures de préparation au départ du Royaume-Uni de l’UE», a-t-elle expliqué.

« Le moins de dégâts possible »

« Nous sommes confrontés à une situation paradoxale, après plus de 40 ans d’imbrication et de convergence, il nous faut travailler désormais à la ‘désimbrication’ et apprendre à gérer la divergence en faisant le moins de dégâts possible », a déclaré Jean Bizet, président du Sénat, en guise de préambule de l’audition Nathalie Loiseau.

Et pour éviter les dégâts, le ministère de l’Économie français met en place des outils pour éclairer et guider les entreprises. Outre le document présenté le 23 octobre, Bercy a mis en place une adresse mail à laquelle les entreprises peuvent poser leurs questions sur le Brexit.

Au total, 30 000 entreprises françaises exportent vers le Royaume-Uni, ce qui représente selon Bercy un quart des entreprises exportatrices françaises. « Pour certaines, les liens avec le Royaume-Uni représentent une part marginale, mais pour d’autres, c’est un marché essentiel », affirment des sources du ministère.

Sans compter toutes les entreprises qui importent des services, aussi concernées par d’autres aspects de nature juridique. Le bilan dépasse donc largement les 30 000 entités.

« Les États et les entreprises doivent se préparer à des procédures plus lourdes et plus coûteuses. Il n’y aura pas d’interruption du commerce, mais un ralentissement dans la première phase », prévoit Bercy.  Le ministère a donné une liste non exhaustive des problèmes pouvant être rencontrés au lendemain du Brexit : retour abrupt aux droits de douane, modifications de l’homologation des produits, réorganisation soudaine des circuits logistiques, et problèmes juridiques liés au transfert des données.

« Il est difficile de passer en revue tout ce qu’il convient de faire pour continuer à exporter, mais une chose est sûre, les délais et les coûts seront plus importants », concluent les fonctionnaires du ministère.

Retour des frictions

« En cas de sortie sans accord, ce sera assez mécanique, il y aura un rétablissement des formalités et des droits de douane, un retour au statut OMC [Organisation mondiale du commerce] », avertit un fonctionnaire de Bercy avant d’ajouter : « quitter le marché intérieur, ça veut dire rétablir des frictions. »

Face à un futur rétablissement des contrôles sanitaires, phytosanitaires et règlementaires, l’État se prépare. Notamment en recrutant 700 douaniers supplémentaires, ainsi que des vétérinaires pour les produits agroalimentaires, et en mettant en place une « hotline » et une autre adresse mail pour les questions concernant la douane.

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« La fluidité viendra de la mise en place d’aires de stationnement et de méthodes technologiques avancées pour contrôler les marchandises », explique l’un des fonctionnaires. Le gouvernement français et la Commission européenne envisagent également de déplacer les points de contrôle ailleurs que sur les points d’entrée sur le territoire national. Une option explorée, mais pas encore résolue.

Frontière irlandaise, un « ventre mou » ?

Si l’incertitude plane autant sur le divorce entre le Royaume-Uni et l’UE, c’est avant tout parce que les négociations achoppent toujours sur la question de la frontière irlandaise.

En cas de sortie sans accord, Bruxelles souhaite mettre en place un filet de sécurité, ou « backstop », afin de maintenir l’Irlande du Nord dans le marché unique et ainsi éviter un retour à une frontière physique, qui menacerait la mise en œuvre des accords du Vendredi Saint.

« Il est hors de question de faire de cette frontière le ventre mou de l’entrée de produits britanniques et du reste du monde, sans contrôle, sans vérification de normes sanitaires et règlementaires, sur lesquelles nous autres Européens nous sommes mis d’accord et que nos entreprises respectent», a martelé Nathalie Loiseau, devant les Sénateurs.

Une option refusée par le Royaume-Uni, qui ne veut pas séparer l’Irlande du Nord du marché interne britannique et propose plutôt un accord douanier global qui prendrait fin en décembre 2021, soit un an après la période de transition.

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