Le socle du marché unique européen et ses insuffisances 

Marché unique

Le marché intérieur de l’Union européenne, aussi appelé marché unique (anciennement “marché commun”), est l’espace “sans frontières” au sein duquel les biens, les personnes, les services et les capitaux doivent pouvoir circuler librement. 

Mentionnées dès le traité de Rome de 1957, ces “quatre libertés” ont été peu à peu concrétisées. Elles doivent permettre le développement économique de tous ses membres. Elles s’accompagnent de règles et de politiques communes visant à favoriser une concurrence équitable, à assurer de bonnes conditions sociales aux travailleurs ou encore à réduire les inégalités entre régions européennes.

Officiellement, le marché unique européen est créé le 1er janvier 1993.

Le marché unique relie les 27 Etats membres de l’Union européenne, les 3 autres Etats membres de l’Espace économique européen (Norvège, l’Islande et le Liechtenstein) et la Suisse, qui bénéficie d’un accès partiel par le biais d’accords bilatéraux. 

L’ancien Premier ministre italien Enrico Letta présente ses propositions aux Vingt-Sept pour éviter le « décrochage » de l’économie européenne

C’est l’un des deux rapports les plus attendus par les Vingt-Sept cette année”, commentent Les Echos. Enrico Letta a présenté jeudi 18 avril au matin “son rapport sur le marché intérieur” aux 27 chefs d’Etat et de gouvernement réunis lors d’un Conseil extraordinaire de deux jours (17 et 18 avril) à Bruxelles, indique Le Monde dans un entretien avec l’ancien Premier ministre italien. L’ex-président de la Banque centrale européenne (BCE) Mario Draghi doit quant à lui dévoiler un rapport sur la compétitivité de l’UE avant l’été, rappellent par ailleurs Les Echos.

Dans ce document de 150 pages, Enrico Letta “explore les pistes pour réformer le marché unique européen, qui assure en théorie depuis 1993 la libre circulation des biens, des services, des personnes et des capitaux au sein de l’Union européenne”, et dont on a fêté les 30 ans l’an dernier, note le quotidien économique.

Aujourd’hui, c’est le décrochage du décrochage, on ne peut plus attendre”, déclare ainsi l’ancien chef du gouvernement italien en référence à l’écart qui ne cesse de se creuser entre l’économie de l’UE et celle des Etats-Unis depuis le début des années 2000 [Le Monde].

Unir les marchés de capitaux

Nous devons créer une union de l’investissement, une union des marchés financiers européens, un grand marché qui mobilise à la fois ressources publiques et capitaux” pour financer les besoins nouveaux de l’économie européenne, affirme Enrico Letta dans un entretien au Figaro. Il appelle donc à une “union de l’épargne et des investissements” afin de retenir “les flux de capitaux qui partent aujourd’hui massivement vers les Etats-Unis”, expliquent Les Echos.

Outre l’union des marchés de capitaux, l’ancien Premier ministre italien propose “une forme de mutualisation avec des aides à l’échelle de l’UE” afin de faire face à la “distorsion de concurrence” des subventions d’Etat dont bénéficient les entreprises américaines et chinoises [Le Temps]. “L’Europe ne peut pas, ne doit pas, céder son rôle de leader manufacturier à d’autres”, ajoute-t-il, rapporte le quotidien suisse.

Pour ce faire, Enrico Letta propose “un plan de relance, avec une capacité budgétaire commune, sur le modèle de ce qu’on a fait après la crise liée au Covid-19, mais plus petit et plus ciblé” [Le Monde]. Et d’ajouter qu’il “permettrait […] de déployer une politique industrielle européenne, en conditionnant le versement des aides”.

De plus, le rapport traite de l’approfondissement du marché unique dans les secteurs des télécoms et de l’énergie, que l’ancien Premier ministre juge “morcelés par des réglementations nationales divergentes qui empêchent ou freinent les effets d’échelle”, cite La Tribune. Par exemple, “un opérateur télécoms européen – il y en a plus de 100 – compte en moyenne seulement 5 millions d’abonnés, contre 107 millions aux Etats-Unis et 467 millions en Chine”, explique Enrico Letta [Les Echos]. Il estime que cette “fragmentation” gêne la croissance des opérateurs paneuropéens, limitant leur capacité à investir et à se battre contre leurs concurrents mondiaux, note le quotidien économique.

Investir dans l’industrie européenne de la défense

Au cours d’une conférence de presse, jeudi 18 avril, aux côtés du président du Conseil européen Charles Michel, l’ancien chef du gouvernement transalpin a par ailleurs invité les dirigeants européens à “financer les besoins” de l’UE en matière de défense, cite Il Sole 24 Ore. Si “nous ne sommes pas capables de nous développer, nous continuerons avec cette honte de […] 78 % des fournitures militaires non européennes que nous avons achetées en tant qu’Européens”, avertit Enrico Letta. Des équipements pour soutenir l’effort de guerre ukrainien face à la Russie depuis le début du conflit en février 2022.

Nous devons être moins naïfs”, lance aussi l’ancien Premier ministre italien, expliquant être un “grand supporter” des idées du commissaire au Marché intérieur Thierry Breton pour promouvoir la filière européenne de défense, fait remarquer La Tribune. En effet, le commissaire français à l’Industrie a défendu en janvier “la création d’un fonds de 100 milliards d’euros pour augmenter les capacités de production d’armes dans l’Union européenne afin de soutenir l’Ukraine face à la Russie”, poursuit le média.

Si Thierry Breton est resté évasif sur le financement d’un tel fonds, la Süddeutsche Zeitung rappelle toutefois que “de nombreux Etats de l’UE n’ont plus aucune marge de manœuvre pour de nouveaux investissements gouvernementaux”. Le quotidien allemand cite l’exemple de la France qui a “récemment surpris en annonçant un déficit public de plus de 5 % pour cette année et l’année prochaine, et sera contraint de faire des économies selon les règles de l’UE en matière de dette [dans le cadre du Pacte de stabilité et de croissance, NDLR]”.

De fait, une fois que les dirigeants auront discuté du rapport, “ils donneront des indications sur le contenu qu’ils souhaitent voir la Commission et le Parlement européen reprendre après les élections européennes de juin et la formation du nouvel exécutif à la fin de l’année”, note Politico. Si de nombreux rapports similaires à celui-ci ont déjà été enterrés, l’objectif de l’ancien Premier ministre est d’éviter que ce texte ne “finisse dans un tiroir”, selon ses propres mots. “C’est pour cela aussi que tout ce que je propose est certes ambitieux, mais surtout faisable”, conclut Enrico Letta [Le Monde].

L’histoire de l’établissement du marché commun

En 1951, le traité de Paris instaurant la CECA prévoit la mise en commun, sous l’autorité des institutions supranationales, de la production de charbon et d’acier de l’Allemagne, du Benelux (Belgique, Pays-Bas, Luxembourg), de la France et de l’Italie. 

Quelques années plus tard, en 1957, les six Etats lancent la Communauté économique européenne (CEE). L’un de ses principaux objectifs, énoncés dès l’article 2 du traité de Rome (TCE), est l’établissement d’un marché commun : “La Communauté a pour mission, par l’établissement d’un marché commun et par le rapprochement progressif des politiques économiques des Etats membres, de promouvoir un développement harmonieux des activités économiques dans l’ensemble de la Communauté, une expansion continue et équilibrée, une stabilité accrue, un relèvement accéléré du niveau de vie et des relations plus étroites entre les Etats qu’elle réunit”.

Diffusé en janvier 1957, le reportage suivant présente le projet de marché commun et célèbre sa naissance (Source : INA).

A l’origine, l’établissement du marché commun repose en priorité sur la libre circulation des marchandises. La suppression des droits de douane et des restrictions quantitatives (quotas) sur les marchandises échangées entre pays de la CEE s’effectue alors par paliers, de 1958 à 1968, jusqu’à l’achèvement de l’union douanière.

Les Etats s’accordent également en 1969 pour définir un tarif douanier commun à l’égard des pays tiers (à l’exception des produits agricoles importés, pour lesquels un compromis n’arrivera qu’en 1974). Celui-ci constitue alors l’ébauche d’une future politique commerciale commune. 

En 1979 (arrêt Cassis de Dijon), la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) fait franchir un pas supplémentaire au marché commun. Elle consacre le principe de reconnaissance mutuelle : les produits qui sont sur le marché d’un Etat membre peuvent aussi être mis sur le marché des autres Etats membres.

En 1986, l’Acte unique européen consacre les “quatre libertés” constitutives du marché commun, rebaptisé “marché unique” : la libre circulation des marchandises, des personnes, des capitaux et des services. Initiées par la Commission Delors, 282 directives visent à éliminer les différents obstacles non-tarifaires (techniques, physiques ou fiscaux) à ces libertés. 

Pour les adopter (262 le seront avant fin 1994), le Conseil de l’UE délibère désormais à la majorité qualifiée dans les domaines liés au développement du marché intérieur (à l’exclusion de la fiscalité et de la libre circulation des personnes) : politique commerciale, libre prestation de services, transports maritimes et aérien… Pour contrebalancer les éventuels effets négatifs de ces mesures, la Communauté approuve également des directives visant à améliorer le droit du travail et la protection de l’environnement. Le marché unique européen voit officiellement le jour le 1er janvier 1993 pour 12 pays de l’UE. 

Sur le long terme, la réalisation du marché intérieur va de pair avec l’établissement de règles de concurrence communes, d’un début d’harmonisation fiscale, d’une politique de cohésion visant à réduire les disparités entre régions d’Europe et, plus largement, d’un rapprochement des législations nationales dans de nombreux secteurs, allant de la santé aux transports en passant par le numérique. La suppression des obstacles au libre-échange a notamment donné lieu, à partir des années 2000, à l’ouverture des marchés des transports, des télécommunications, de l’électricité, du gaz et des services postaux. 

Depuis 2015, l’Union vise également à établir un “marché unique numérique” pour faire face à la fragmentation de l’espace européen en la matière. La circulation des données non personnelles au sein de l’Union est d’ailleurs qualifiée, parfois, de “cinquième liberté” du marché unique. 

En 1994, l’Espace économique européen inclut les Etats tiers de l’AELE au sein du marché unique. Aujourd’hui, la Norvège, l’Islande et le Liechtenstein appliquent les dispositions prises par l’UE en matière de marché intérieur (sauf politique fiscale, politique agricole et politique de la pêche) sans les voter mais en ayant la possibilité de faire entendre leur voix lors de leur préparation. Membres de l’espace Schengen, ils ne font en revanche pas partie de l’union douanière européenne (même si leurs droits de douane vis-à-vis de l’UE sont faibles). 

La Suisse est également très liée au marché unique de l’UE via des accords bilatéraux. Elle bénéficie d’un “accès partiel”.

Avec le Brexit, le Royaume-Uni est sorti du marché unique et de l’union douanière le 1er janvier 2021. Dans le cadre d’un accord de commerce et de coopération toutefois, il commerce sans droits de douane ni quotas avec le reste de l’Union européenne.

La libre circulation des marchandises

Aujourd’hui, la libre circulation des marchandises (ou des “biens”) est la plus aboutie des quatre libertés. Son succès passe essentiellement, pour les 27 membres de l’Union européenne, par la suppression des droits de douane et l’interdiction de restrictions quantitatives aux échanges. Les taxes et les mesures considérées équivalentes aux droits de douane sont également interdites, tandis que le principe de reconnaissance mutuelle empêche aux Etats (sauf exception) de refuser la vente d’un produit issu d’un pays voisin pour non-conformité à ses règles nationales, lorsque le producteur peut prouver que sa marchandise respecte des normes techniques et sanitaires équivalentes à celles du pays de destination. 

La protection de la santé, de l’environnement et des consommateurs peut toutefois être avancée par un Etat pour rétablir des barrières aux échanges de marchandises. Tandis qu’aux frontières externes de l’union, l’activité douanière se poursuit, en fonction des accords de libre-échange que l’UE conclut avec les pays tiers. 

La libre circulation des personnes

Le droit des personnes à la libre circulation comprend le droit de circuler, de séjourner et de travailler dans un autre Etat membre. Le premier permet de sortir et entrer librement dans un autre pays sans visa. Le second autorise les séjours de courte durée (3 mois maximum) sans restriction, les séjours de longue durée (plus de 3 mois) avec certaines conditions propres à chaque Etat (par exemple avoir des ressources financières suffisantes), ainsi que les séjours permanents (sans conditions pour les citoyens européens ayant séjourné sans interruption dans un autre Etat membre pendant cinq ans). Enfin, le droit au travail permet d’exercer une activité professionnelle dans un autre pays sans discrimination en raison de la nationalité.

La libre circulation des personnes remonte également au traité de Rome de 1957 : celui-ci prévoit “l’abolition, entre les Etats membres, des obstacles à la libre circulation des personnes, des services et des capitaux”, mais aussi que “la libre circulation des travailleurs est assurée à l’intérieur de la Communauté”. A l’origine, le principe vaut d’abord pour les travailleurs

Dans les années 1990, ce droit est étendu à d’autres ressortissants de l’UE : retraités, étudiants et inactifs. Il est ensuite progressivement généralisé à l’ensemble des citoyens. Les travailleurs font toujours l’objet d’un chapitre à part entière, notamment en ce qui concerne le respect des principes de non-discrimination et d’égalité de traitement, ou les limites imposées, par exemple, aux emplois dans l’administration publique.

Le droit d’établissement est l’autre volet de cette liberté (tout en étant étroitement lié à la circulation des services). Il concerne ceux qui se déplacent dans un autre Etat membre pour y travailler en tant qu’indépendants, monter une entreprise ou encore étudier ou vivre en tant que retraités. Les Etats peuvent le restreindre, par exemple en limitant l’accès à leurs prestations sociales. 

La liberté de circulation des personnes a été facilitée par les accords de Schengen, signés en 1985, concrétisés en 1990, puis intégrés dans l’acquis communautaire en 1999. Ces derniers suppriment les contrôles aux frontières intérieures et permettent donc de voyager sans passeport. L’espace Schengen ne recouvre pas toutefois le même espace que le marché unique : 25 Etats membres de l’UE sur 27 y participent aujourd’hui, aux côtés de la Norvège, de la Suisse, de l’Islande et du Liechtenstein.

La libre circulation des services

La libre circulation des services englobe la liberté d’établissement pour un prestataire de service dans un autre pays ainsi que la libre prestation des services. 

Les prestataires de services peuvent exercer leurs activités dans n’importe quel Etat membre de l’UE sans subir de discrimination. Dans ce cas, le prestataire est établi dans son propre pays et ce sont les prestations qui passent la frontière. Il existe des limitations : les activités participant à l’exercice de l’autorité publique sont exclues du champ d’application.

Dans le cas où l’entreprise décide de s’installer de façon permanente dans un autre pays, elle bénéficie alors de la liberté d’établissement, qui concerne à la fois les professions libérales et les personnes morales.

La libre circulation des capitaux

La libre circulation des capitaux est quant à elle la plus récente des quatre libertés et la plus large. Elle interdit toute restriction aux mouvements de capitaux non seulement entre les Etats membres, mais également entre les Etats membres et les pays tiers (sauf exceptions). Ces mouvements ont été totalement libéralisés en 1990 au sein de l’UE. 

Pour faciliter l’accès aux financements des petites entreprises et stimuler l’investissement au sein de l’Union européenne, la Commission a présenté en novembre 2021 et en décembre 2022 deux trains de mesures sur l’union des marchés des capitaux

Débats et perspectives

La libre circulation des biens, services, capitaux et personnes reste un processus en construction permanente. Ainsi, la Commission européenne fait régulièrement état des nombreuses barrières linguistiques, normatives, administratives ou culturelles qui subsistent au sein du marché intérieur. 

Dans son paquet sur la politique industrielle de mars 2020, elle a ainsi identifié 13 barrières réglementaires, administratives et pratiques mises en avant par les entreprises et notamment les PME européennes. Celles-ci vont de la difficulté à obtenir des informations sur la réglementation d’un autre Etat membre, à l’accès inégal aux marchés publics, en passant par le manque de confiance des consommateurs vis-à-vis des achats en ligne transfrontières. 

La Commission a notamment mis l’accent sur la mauvaise application – parfois volontaire – du droit européen relatif au marché unique par les Etats membres, notamment en matière de libre circulation des services (directive Services de 2006, également connue sous le nom de “directive Bolkestein”). En septembre 2020, les Etats de l’UE se sont engagés à mieux mettre en œuvre et faire respecter les règles du marché unique, ainsi qu’à supprimer les obstacles au commerce transfrontière dans l’UE. 

En outre, si le marché unique contribue au développement économique de ses membres, le manque d’harmonisation en matière sociale ou fiscale conduit à des pratiques de dumping. Certains Etats membres attirent des entreprises grâce à des coûts du travail ou des taux d’imposition sur les sociétés particulièrement faibles, renforçant la fragmentation du marché européen. Le socle européen des droits sociaux, la réforme de la directive sur les travailleurs détachés, la directive concernant les déclarations pays par pays ou encore l’impôt mondial sur les multinationales comptent parmi les principales mesures visant à limiter ces effets négatifs.

En septembre 2023, l’ancien Premier ministre italien Enrico Letta s’est vu confier la tâche de rédiger ce rapport sur l’avenir du marché unique. Parmi ses objectifs : préparer le marché intérieur de l’UE aux défis futurs dont les prochains élargissements, être en mesure de mieux adapter son fonctionnement en temps de crise, et faire face aux bouleversements géopolitiques récents. Le rapport doit être présenté le 17 avril au Conseil européen. 

Depuis 2021, un “programme de l’UE en faveur du marché unique” soutient les projets contribuant au développement du marché unique au sens large. De 2021 à 2027, 4,2 milliards d’euros sont consacrés à des initiatives allant de la compétitivité des entreprises à l’élaboration de normes, en passant par la protection des consommateurs, la santé et les statistiques.

En avril 2021, alors que sévissait la pandémie de Covid-19, la Commission a proposé un instrument visant à garantir la libre circulation des biens et des services en cas de crises futures. Cet instrument d’urgence pour le marché unique, proposé en septembre 2022, doit inciter les Etats membres à ne pas dresser de barrières en période de crise et à garantir l’approvisionnement dans les secteurs essentiels et stratégiques. 

Parmi les très nombreux projets européens relatifs au marché unique, on peut également citer le chargeur universel pour les appareils électroniques (entrée en application à l’automne 2024), le règlement relatif aux subventions étrangères faussant le marché intérieur (en vigueur depuis le 12 janvier 2023), ou encore l’union bancaire, dont le dernier volet vise à protéger les dépôts des épargnants en cas de faillite de leur banque (en négociation). 

Le bilan de la mandature : renforcer la puissance commerciale de l’Union 

Ces cinq dernières années, l’UE a considérablement élargi son réseau d’accords de libre-échange. Elle a notamment conclu, ou est sur le point de conclure, des accords commerciaux avec le Vietnam (2020), la Nouvelle-Zélande (2023), le Kenya (2024) et le Chili (renouvellement en 2024). Des traités qui visent à stimuler le commerce par la réduction des droits de douane et des barrières non tarifaires, et qui s’accompagnent d’engagements réciproques en matière de développement durable, de droits de l’homme et de bonne gouvernance. Le projet d’accord entre l’UE et le Mercosur, qui réunit quatre pays d’Amérique latine, est quant à lui toujours en cours de négociations.

En 2020, l’Union européenne a également dû faire face au départ d’un de ses membres : le Royaume-Uni. Pour organiser ce retrait de manière ordonnée, les deux parties ont négocié âprement les clauses encadrant leur relation post-Brexit. En vigueur depuis le 1er janvier 2021, l’accord de “commerce et de coopération” (signé le 24 décembre 2020) couvre les échanges de biens et de services (absence de droits de douane et de quotas dans les échanges de marchandises) ainsi qu’un large éventail d’autres domaines : investissement, concurrence, aides d’Etat, fiscalité, transport, énergie, environnement, pêche, protection des données… Il vient compléter un premier accord de retrait, signé en octobre 2019, portant entre autres sur les droits des citoyens européens et britanniques et les engagements financiers mutuels.

Réforme de l’union douanière

En ce qui concerne le marché intérieur, l’Union européenne est également en passe d’adopter une vaste réforme de son union douanière. L’objectif est de simplifier les procédures pour les entreprises à travers une approche reposant sur les données, tout en renforçant la lutte contre la fraude et les marchandises contrefaites. 

Un plan de relance contre l’impact économique de la pandémie

En dévoilant dès 2018 son projet de budget européen pour la période 2021-2027 (CFP), la Commission espérait un accord des Etats membres avant les élections de mai 2019… Mais comme souvent, la bataille des chiffres a pris le dessus, le temps que les Vingt-Sept s’accordent sur le montant de leurs contributions respectives à la caisse commune de l’UE. 

C’est donc après d’intenses tractations qu’à l’été 2020, les chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE ont fini par s’entendre sur un montant de 1 074,3 milliards d’euros sur la période 2021-2027. Face à l’arrivée du Covid-19 surtout, ils ont également lancé un plan de relance inédit de 750 milliards d’euros, pour soutenir la reprise économique face aux défis engendrés par la pandémie (chute de 6 % du PIB de l’UE en 2020, augmentation du chômage…). Baptisé “Next Generation EU”, ce plan repose pour la première fois sur un endettement commun des 27 Etats membres. Il finance des réformes et des investissements dans l’ensemble de l’Union européenne, à travers des prêts et des subventions qui doivent être alloués en priorité à l’environnement (37 %) et à la transition numérique (20 %). 

Côté budget, le montant a été revu à la hausse en 2024 pour faire face à de nouveaux défis. En particulier l’aide à l’Ukraine (50 milliards d’euros sur trois ans), la gestion des migrations (+ 2 milliards d’euros) ou encore la production autonome de technologies stratégiques (+ 1,5 milliard d’euros). En comptant le plan de relance, le total atteint désormais 2 020 milliards d’euros sur la période 2021-2027. 

Le programme InvestEU

En mobilisant des investissements privés et publics à travers le programme InvestEU (26,2 milliards d’euros de garanties budgétaires de l’UE sur la période 2021-2027), la Banque européenne d’investissement (BEI) soutient elle aussi des projets stratégiques à dimension environnementale ou numérique dans toute l’UE. Successeur du Plan Juncker (550 milliards d’euros investis entre 2015 et 2020), InvestEU a pour objectif de mobiliser 372 milliards d’euros d’investissements publics et privés d’ici 2027.

Un soutien aux industries européennes

La pandémie de Covid-19, l’invasion russe de l’Ukraine, mais aussi le déploiement en 2022 d’un vaste plan de réformes écologiques et sociales aux Etats-Unis ont conduit l’exécutif européen à assouplir temporairement sa politique de concurrence. Plusieurs secteurs et entreprises ont ainsi pu bénéficier d’un large soutien de leurs Etats à travers un financement exceptionnel. Des aides publiques que l’exécutif européen contrôle habituellement de près, afin d’éviter une course aux subventions entre pays membres.

L’UE s’est également efforcée de renforcer son autonomie dans des secteurs clés. Plusieurs mesures ont ainsi été mises en place afin de diversifier l’approvisionnement et renforcer la production sur le continent européen des semi-conducteurs et des matières critiques, comme le lithium ou le cobalt. Ces matériaux entrent dans la composition de nombreux produits technologiques tels que les smartphones, les ordinateurs et les batteries. Ils sont plus généralement utilisés par de nombreuses industries ainsi que dans des domaines stratégiques comme la défense ou l’espace

Approuvé en février 2024, le Net Zero Industry Act vise de son côté à accélérer la production de technologies vertes au sein de l’UE en facilitant l’octroi de permis et l’accès au financement de 10 filières dont le solaire, l’éolien, les batteries ou encore les pompes à chaleur. 

DMA et DSA

En matière numérique, l’entrée en vigueur du Digital Markets Act (DMA) doit permettre de rétablir une concurrence plus équitable en encadrant les activités des plus grands acteurs du web. Le DMA leur interdit notamment de favoriser leurs propres services et produits par rapport à ceux des entreprises qui les utilisent, une pratique jusque-là courante. 

Autre volet de la régulation européenne du numérique, le DSA vise quant à lui à lutter contre les contenus et produits illicites en ligne. 

Réforme des règles budgétaires 

Permettre aux Etats d’augmenter leurs dépenses face à la crise du Covid-19 : c’est l’objectif de la suspension des règles du Pacte de stabilité et de croissance (PSC), qui a eu lieu de 2020 à 2024. Les pays ont ainsi été autorisés à dépasser temporairement les plafonds de dette publique (60 % du PIB) et de déficit public (3 % du PIB) sans risquer de procédures de la Commission européenne. Une dérogation qui a été prolongée en 2022, afin d’affronter l’augmentation des coûts liés à la guerre en Ukraine. 

Dès 2019, la Commission européenne avait également lancé un débat sur la révision de ces règles. Une réforme qui a fini par aboutir juste à temps en 2024, année de reprise du PSC. Les Etats les plus dépensiers auront désormais plus de flexibilité pour remettre leurs économies en ordre, et leurs investissements dans les priorités européennes telles que l’environnement et le numérique seront prises en compte dans les recommandations de la Commission européenne. 

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