Le Brexit a européanisé la politique britannique – EURACTIV.fr

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Le Brexit a beau avoir paralysé et humilié le gouvernement, le parlement et les partis britanniques, Anand Menon, directeur d’un groupe de réflexion sur l’Europe, est fasciné par son impact sur la politique du pays.

Le Brexit « est une expérience unique. On peut considérer que c’est le scénario test ultime de l’européanisation », estime Anand Menon, professeur de politique européenne et d’affaires étrangères à l’université King’s College. « Comment pouvez-vous vraiment connaître l’ampleur de l’européanisation ? Détricoter tout cela, c’est la seule façon de le savoir. »

Observateur de la scène politique, Anand Menon est aussi directeur d’un groupe de réflexion britannique sur l’Europe, The UK in a Changing Europe (le Royaume-Uni dans une Europe en mutation). La plupart des groupes de réflexion dépendent de dons privés – l’un d’entre eux, Taxpayers’ Alliance, politiquement de droite, est ainsi en difficulté après avoir refusé à plusieurs reprises de déclarer qui sont ses donateurs. Ce n’est cependant pas le cas de The UK in a Changing Europe, dont l’équipe composée d’universitaires est soutenue par le Conseil de recherche économique et social britannique (ESRC), qui exige l’impartialité.

Les financements de l’ESRC permettent à environ 25 équipes de faire des recherches dans le domaine nébuleux du Brexit au sein d’université dans tout le pays. Plus de 100 scientifiques ont déjà contribué à ces projets de recherche.

« Nous sommes un réseau de chercheurs. Nous interprétons les recherches pour faire comprendre aux gens ce qu’elles révèlent », explique Anand Menon. « Il est stipulé dans les conditions pour recevoir un financement que nous ne devons pas avoir d’opinion. Nous ne présentons pas nos résultats avec l’objectif sous-jacent de promouvoir ou d’arrêter le Brexit, ou quoi que ce soit d’autre. »

« Nous, nous expliquons que si une telle décision est prise, il faut savoir quelles conséquences sont à prévoir. »

Après une campagne de référendum où la vérité et l’impartialité ont été largement éclipsées, c’est la volonté nouvelle d’avoir des informations impartiales sur l’UE qui a permis au groupe de réflexion, créé en 2015, d’avancer dans ses projets.

« Les médias ont tout à coup dû récolter beaucoup d’informations sur l’UE, et ils se sont méfiés des groupes de réflexion existants, souvent associés à une faction ou l’autre, et donc peu fiables », estime Anand Menon.

C’est le cas d’Open Europe, lié aux tentatives de renégociation ratées de David Cameron sur les conditions d’appartenance à l’UE. Dans son côté, le Centre for European Reform, pro-européen, est considéré comme proche du gouvernement de Tony Blair. Idem pour l’Institute for Economic Affairs, jusque récemment dirigé par Shanker Singham, doyens des Brexiteers les plus durs, comme David Davis, Liam Fox et Boris Johnson.

Le manque de confiance en ces structures a créé un espace que The UK in a Changing Europe, basé à l’université King’s cross, à Londres, s’est empressé de combler.

Pour lui, les Brexiteers doivent être « honnêtes » sur la perturbation économique majeure que représente un Brexit sans accord. Cette transparence doit aussi s’étendre au camp pro-UE quant aux divisions que créerait l’organisation d’un nouveau référendum. Sa position ne plait pas à tout le monde : les défenseurs du Brexit l’accusent d’être pro-UE, et ses détracteurs pro-Brexit.

« Dans l’ensemble, je suis plutôt satisfait que nous soyons parvenus à nous imposer comme source d’information digne de confiance pour une portion étonnamment large du public », conclut-il.

Aujourd’hui, les Britanniques se demandent surtout ce qui va se passer à présent. Le spécialiste souligne que « nous sommes face à une série d’alternatives peu plausibles, et nous devons choisir ».

Cela dit, si Anand Menon estime qu’une sortie effective de l’Union est « beaucoup moins probable » qu’il y a un an, les chances de rester dans l’UE ne s’élèvent selon lui qu’à 10 ou 15 % environ. Un deuxième référendum reste par ailleurs le résultat le plus improbable.

Il n’est pas non plus convaincu qu’un vote des députés puisse forcer une sortie sans accord. « Le Brexit dur est le résultat légalement prévu de notre départ le 29 mars. Le fait que les députés n’aiment pas cette idée n’a rien à voir là-dedans ».

Alors, quelle est l’issue la plus probable ?

« Je dirais qu’une version de l’accord négocié avec Bruxelles est toujours le scénario le plus probable », juge-t-il. « Tout ce que Jeremy Corbyn dit indique qu’il y a un certain degré de flexibilité dans la position travailliste. Il me semble que l’accord est loin d’être mort. »

L’une des nombreuses ironies du processus Brexit est que le Royaume-Uni ne découvre vraiment ce que signifie être membre de l’UE qu’alors qu’il cherche à partir, ajoute-t-il. La communauté des sciences sociales des universités britanniques a donc un rôle vital à jouer dans le débat public.

« Il y a un vrai travail à faire sur la négociation des relations futures, les mécanismes de transition, les relations futures entre l’UE et le Royaume-Uni, puis il y a tout ce qui concerne les relations intérieures, comme ce que signifie le fait de quitter l’UE pour le système réglementaire du Royaume-Uni – ce qui est très important. Comment un pays peut-il prétendre contrôler des parties de son économie et de son système qu’il n’a jamais pris en charge ? »

Anand Menon se dit aujourd’hui « plus intéressé par la scène politique britannique post-Brexit que par les négociations de Brexit avec l’UE ».

L’un des effets du référendum de 2016 a été d’ouvrir le débat politique en Grande-Bretagne. « Le vote a élargi cette culture politique technocratique, centriste et étroite que nous avions avant le référendum, où l’éventail des politiques était très limité. »

« Les groupes de réflexion parlent de la ‘fenêtre d’Overton’, c’est-à-dire l’éventail des politiques politiquement plausibles disponibles à un moment donné. La fenêtre Overton est maintenant devenue un ensemble de porte-fenêtres. Personnellement et professionnellement, je trouve cela très excitant, ce qui ne veut pas dire que je pense que Brexit est une bonne ou une mauvaise chose », conclut-il.

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