Juncker ou la plus-value européenne. Le bilan positif de la Commission européenne (2014-2019)

Un analyse de Ramono Bloj et Sylvie Schweitzer pour la Fondation Robert Schuman.

Question d’Europe n°520 – 17 juin 2019.


La Commission, dont le rôle est crucial dans l’élaboration des politiques de l’UE, est souvent perçue comme étant obscure, technocratique et trop éloignée des citoyens. Pour lui donner une plus grande légitimité démocratique, Jean-Claude Juncker avait déclaré en 2014 qu’il voulait la rendre « plus politique ». Incontestablement, son bilan est positif.


La Commission, gardienne de l’intérêt général, dont le rôle est crucial dans l’élaboration des politiques de l’Union de par les traités, est souvent perçue comme étant obscure, technocratique et trop éloignée des citoyens. Pour lui donner une plus grande légitimité démocratique, Jean-Claude Juncker avait déclaré en 2014 qu’il voulait la rendre « plus politique ». Poussé par son parcours professionnel (Premier ministre du Luxembourg de 1995 à 2013, ayant siégé à la fois au Conseil européen et au sein de l’Eurogroupe en tant que Président) et légitimé par le Parlement (procédure du Spitzenkandidat), il a réussi à concrétiser cette vision à travers l’élaboration de priorités politiques et une participation plus active au débat (Livre blanc publié en 2017, Rapport des cinq présidents, publié en 2015, etc.). Incontestablement, son bilan est positif.

Dans ce contexte, nous rappelons la réorganisation du Collège des commissaires. Celle-ci a impliqué notamment la nomination d’un premier vice-président, Frans Timmermans, présenté en 2014 par Jean-Claude Juncker comme son « bras droit ». En plus de la Haute Représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, la Commission comprend 6 vice-présidents, ce qui s’est traduit par une répartition des commissaires par équipes de projet et par la « supervision » par des vice-présidents qui avaient souvent été Premiers ministres dans leur pays (Jyrki Katainen, Valdis Dombrovskis, Andrus Ansip), ainsi que la Fondation Robert Schuman l’avait recommandé avant les élections de 2014. A partir du 1er novembre 2014, la communication a de plus été directement rattachée au Président de la Commission.

Politiquement, la Commission est responsable devant le Parlement européen : c’est lui qui approuve le collège des commissaires (article 17, paragraphe 7, TFUE) et qui les auditionne (article 230 du TFUE). De plus, selon les traités, le Parlement a le pouvoir d’émettre un vote de défiance à l’encontre de la Commission (article 17 TUE et article 234 TFUE). Si la procédure du Spitzenkandidat a renforcé les liens entre les deux institutions, la Commission Juncker a dû trouver une manière d’être plus « politique » dans ses relations avec le Conseil européen, et prendre ses distances avec la tendance visant à la qualifier de « secrétariat général bis ».

Car, si officiellement le Conseil européen donne à l’Union des impulsions, des orientations politiques générales et établit ses priorités tout en étant juridiquement exclu de toute fonction législative (article 15, paragraphe 1, TUE), il a vu son poids augmenter suite à la gestion des multiples crises auxquelles les États membres ont été confrontés.

Selon les traités, la Commission peut formuler ses propositions de sa propre initiative indépendamment du Conseil européen. Elle s’est affranchie petit à petit du cadre de ses compétences strictes sous couvert des principes de subsidiarité en respectant toutefois le principe de proportionnalité. Ainsi, même si le nombre d’actes législatifs a diminué sous la dernière mandature, on assiste à une production qui prend différentes formes : communications, objectifs, décisions, consultations citoyennes. Il faut rappeler que la Commission est, à la fois l’organe exécutif de l’Union mais également une véritable administration qui peut s’appuyer sur 75% des effectifs européens de fonctionnaires à elle seule. Cette capacité, à relativiser par rapport aux effectifs nationaux de fonctionnaires[1], lui confère une « force de frappe » qui, à défaut de proposer de légiférer sur toutes les politiques publiques, lui permet d’intervenir à des degrés différents sur plusieurs thématiques, d’autant plus qu’elle n’est pas en charge de la mise en œuvre sur le terrain des décisions européennes, qui reste de la compétence des administrations nationales.

Sous la précédente mandature, la Commission avait su s’adapter et réagir à la crise bancaire et financière qui avait affecté les États membres. L’ère Juncker a connu d’autres crises et mutations internationales. La Commission a dû faire preuve de résilience tout en maintenant le cap des mesures définies en réponse aux 10 priorités arrêtées en début de mandat. Jean-Claude Juncker ne pouvait pas faire abstraction de la situation économique lors de sa prise de fonction. En 2014, le chômage concernait encore 10,4% des citoyens européens notamment 21,7% des jeunes. Le niveau des investissements était encore très en retrait par rapport à la situation d’avant-crise (-10% en 2008). Enfin, la dette publique représentait 88,3% du PIB total de l’Union.

Le bilan du mandat de la présidence Juncker reste positif : pendant les nombreuses crises et mutations géopolitiques qui se sont succédées depuis 2014, l’Europe a continué à avancer, à adopter des textes difficiles sur des sujets majeurs. On constate que les propositions de la Commission ont gagné au fil des années en ingéniosité en ce qui concerne la définition de la base juridique : on peut rappeler les propositions concernant les quotas de migrants, de création d’un « Ministre » européen de l’économie et des finances, ou bien l’habilité avec laquelle elle a su traiter les questions de défense, allant jusqu’aux limites de ses pouvoirs.

Une analyse à lire en intégralité sur le site de la Fondation Robert Schuman.