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Actualité
26.09.2019
Ce jeudi 26 septembre, à l’âge de 86 ans, Jacques Chirac est mort. Maire de Paris, plusieurs fois ministre, deux fois Premier ministre et, surtout, président de la République de 1995 à 2007, il aura été durant ces douze années la voix de la France au niveau européen. Issu du gaullisme, Jacques Chirac peut être décrit davantage en tant qu’Européen pragmatique que comme un Européen convaincu.
Jacques Chirac, ici avec Jacques Santer (président de la Commission européenne), en 1997
Tout sauf fédéraliste, partisan d’une Europe des nations dont le moteur serait le couple franco-allemand, l’ancien chef de l’Etat a, au début de sa carrière politique, fait partie du camp eurosceptique, avant de progressivement tempérer son positionnement au moment de conquérir puis d’exercer le pouvoir.
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L’appel de Cochin, premier contact avec l’Europe
Au cours de sa longue et passionnante carrière, Jacques Chirac aura tout connu sur le plan politique. Diplômé de Sciences Po et de l’ENA, il ne restera pas longtemps à la Cour des comptes, embrassant rapidement une fulgurante carrière politique. Qualifié de « bulldozer » par Georges Pompidou, son père spirituel en politique, ou encore de « jeune loup » dans le documentaire consacré à sa vie réalisé par Patrick Rotman, Jacques Chirac devient secrétaire d’Etat à 34 ans en 1967, ministre à 38 ans en 1971, Premier ministre à 41 ans en 1974. Mais au fond, ce n’est qu’en 1978, alors qu’il a démissionné de Matignon et qu’il est devenu maire de Paris, que le futur chef de l’Etat prend pour la première fois position sur l’Europe.
Jacques Chirac se trouve à cette époque en conflit ouvert avec le président Giscard d’Estaing, qu’il entend concurrencer sur sa droite. Guidé par son ambition de devenir président de la République, ses convictions gaullistes et ses éminences grises – Pierre Juillet et Marie-France Garaud – Jacques Chirac prononce, depuis l’hôpital où il se trouve suite à un accident de la route, ce qui deviendra « l’appel de Cochin ». Un discours conservateur et souverainiste, dans lequel il dénonce « le Parti de l’étranger » de Valéry Giscard d’Estaing qui, avec son projet d’Europe fédérale, prévoirait de mettre fin aux nations. « Comme toujours quand il s’agit de l’abaissement de la France, le Parti de l’étranger est à l’œuvre avec sa voix paisible et rassurante« , déclare-t-il.
A l’approche des premières élections européennes au suffrage universel de 1979, le Rassemblement pour la République (RPR) de Jacques Chirac présente donc sa propre liste, résolument eurosceptique, en opposition à celle du président, conduite par Simone Veil. La tactique sera toutefois un échec, le RPR finissant en quatrième position derrière l’UDF de Valéry Giscard d’Estaing, le Parti socialiste et le Parti communiste.
L’Europe pour conquérir le pouvoir
Au cours des années suivantes, passées principalement dans l’opposition, à l’exception de son retour à Matignon de 1986 à 1988 lors de la première cohabitation, le positionnement européen de Jacques Chirac se révèle moins tranché et clivant. S’éloignant de Pierre Juillet et de Marie-France Garaud, le chef du RPR rompt avec son argumentaire décrivant une « Europe de l’impuissance« , « mollusque« , « où la France serait engluée comme dans un marécage« , et se range même progressivement parmi les partisans de la construction européenne.
Après deux échecs lors des élections présidentielles de 1981 et 1988, Jacques Chirac est convaincu que la conquête du pouvoir passe par un discours pro-européen. C’est pourquoi, lors de la campagne pour le référendum sur le traité de Maastricht, en 1992, Jacques Chirac se place en tête d’affiche pour le « oui », que défend également le président Mitterrand. Il souscrit par conséquent à la création de l’Union européenne et de la monnaie unique.
Un virage à 180 degrés que ne manqueront pas de railler ses détracteurs, qui l’accusent de manquer de convictions, et qui suscitera une fronde d’une partie de son camp. Pourtant anciens très proches collaborateurs, Charles Pasqua et Philippe Séguin font campagne pour le « non » et combattent frontalement Jacques Chirac. Le traité de Maastricht approuvé par les Français d’une courte majorité, 51,04 %, ce dernier en sortira renforcé, ce qui l’aidera à aborder l’élection présidentielle de 1995 en position de force. Il l’emporte cette fois, aux dépens d’Edouard Balladur, ancien allié devenu adversaire, et de Lionel Jospin.
Europe des nations, couple franco-allemand et dialogue des cultures
En tant que chef de l’Etat, Jacques Chirac ne déviera plus de cette ligne pro-européenne modérée. Favorable à une Europe des nations dont le couple franco-allemand serait le moteur, il entretient de bonnes relations avec ses homologues, particulièrement Gerhard Schröder, chancelier social-démocrate de 1998 à 2005.
Son intervention, peu après l’inauguration du nouveau Bundestag en juin 2000, sera à cet égard remarquée. Louant « l’audace » et « le courage » des dirigeants français et allemands qui sont parvenus à « parler entre eux le langage de la confiance et de la coopération » au sortir de la Seconde Guerre mondiale, Jacques Chirac rend hommage à ses prédécesseurs ayant su bâtir l’Europe et en « renforcer la cohésion et l’identité« . Une proximité franco-allemande qui atteindra son sommet en 2003 lorsque les deux pays s’opposeront de concert à l’intervention des Etats-Unis et du Royaume-Uni en Irak.
Jacques Chirac, avec Gerhard Schröder, alors chancelier allemand, le 10 juin 2005 à Paris
Toutefois, si l’action de Jacques Chirac à l’international est aujourd’hui plutôt saluée, notamment pour son engagement en faveur de la défense du climat ou encore pour sa promotion du « dialogue des cultures » entre le Nord et le Sud, son bilan européen n’en demeure pas moins contrasté.
Artisan de la coopération franco-britannique en matière de défense, il fut aussi le président du lancement de l’euro en France. Respecter à cet égard les règles du Pacte de stabilité et de croissance est un défi, qui lui coûtera d’ailleurs une lourde politique d’austérité dès son arrivée au pouvoir en 1995. En contradiction avec ses promesses de campagne, le gouvernement essuiera des grèves monstres et une déroute lors des élections législatives anticipées de 1997.
Le traité constitutionnel de 2005 : tache indélébile de son bilan européen
Sur le plan institutionnel enfin, le nom de Jacques Chirac est associé au traité de Nice de 2001, devant préparer le grand élargissement de 2004 dont il vantait les « formidables perspectives d’échanges entre les hommes, les idées et les cultures« , ainsi qu’au traité constitutionnel avorté de 2005. Le premier aura permis, selon l’historienne Françoise de La Serre, de renforcer « les rôles du Parlement et du président de la Commission« , à faire progresser l’Union « en matière de respect des droits fondamentaux, de politique de sécurité et de défense et de coopération renforcée« , sans pour autant améliorer « la capacité de gouvernance d’une Union élargie« .
Jacques Chirac, avec Hubert Védrine (à gauche) alors ministre des Affaires étrangères, et Pierre Moscovici (à droite) alors secrétaire d’Etat aux Affaires européennes, lors d’une visite à la Commission européenne, en 1997
Quant au second, il s’agira ni plus ni moins d’un échec retentissant, aux conséquences durables pour la politique européenne de la France et la construction européenne, renforçant au passage le caractère presque crépusculaire de la fin de son second mandat. Ayant lui-même choisi la voie référendaire pour faire adopter le projet de constitution européenne, faisant personnellement campagne avec son Premier ministre de l’époque Jean-Pierre Raffarin, Jacques Chirac ne parviendra pas à emporter l’adhésion populaire, et ce en dépit du soutien de l’ensemble de son camp, de la plus grande partie des socialistes, et de la majorité des médias. Le 25 mai 2005, le « non » l’emporte avec une large avance – 55 %. Désavoué, tout juste le chef de l’Etat s’excusera, en 2007, de « peut-être, ne pas avoir fait tout ce qu’il aurait fallu pour éviter ce qui a été une mauvaise chose pour l’Europe et pour la France« .
Au niveau européen comme dans d’autres domaines, Jacques Chirac aura donc défendu des prises de position à géométrie variable et avec des fortunes diverses. L’homme de Cochin n’aura eu finalement pour seule véritable constante que le rejet « d’un super Etat européen qui se substituerait à nos Etats nations et marquerait la fin de leur existence comme acteurs de la vie internationale« . Nettement plus pragmatique que passionné, plutôt doué et habile dans les relations diplomatiques, il laisse néanmoins en héritage le « non » au référendum. Un fantôme qui se trouve toujours dans le placard, mais dont les Français ne lui tiennent probablement plus rigueur. En attestent les dernières mesures de son étourdissante cote de popularité (83 % des Français disant conserver « un bon souvenir de ses mandats« , selon un sondage Ifop publié en septembre 2016 !), alimentée par la déception vis-à-vis de ses successeurs, par la reconnaissance a posteriori de son immense culture, ou encore par le souvenir d’une bonhomie qui inspirait la sérénité.
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https://www.touteleurope.eu/actualite/jacques-chirac-un-europeen-de-raison.html