L’autorisation du glyphosate, la molécule vedette dans la catégorie des herbicides, vient à expiration en décembre au sein de l’Union européenne. Sa ré-homologation va franchir des étapes cruciales dans les prochaines semaines
Le vendredi 22 septembre, un comité technique dans le giron de la Commission européenne, le Scopaff, devrait plancher sur le renouvellement de l’autorisation de mise sur le marché du glyphosate, la substance active la plus célèbre dans le vaste monde des pesticides. Parfaitement inconnu du grand public, ledit Scopaff est ainsi appelé à trancher une controverse qui l’est, publique. Synthétisée et commercialisée depuis 1974 par Monsanto, la molécule lève des vagues d’opposition aussi sûrement qu’elle met à plat les adventices. Peu importe que le géant américain de la chimie ait été absorbé il y a cinq ans par l’Allemand Bayer, les termes de l’équation restent à l’identique. À l’échelon européen comme dans le débat franco-français.
En décembre 2017, l’herbicide avait été réautorisé pour cinq ans sur les cultures des 28 États membres (à l’époque). Une durée courte, qui illustrait bien les déchirements sur le sujet au sein de l’Union européenne. Certains États membres voulaient alors en reprendre pour dix ou quinze ans. Fraîchement élu, à la tête d’une majorité qui comprenait une composante écologiste – Nicolas Hulot était ministre – Emmanuel Macron plaidait au contraire pour une sortie du glyphosate et son interdiction en France « au plus tard dans trois ans ».
J’ai demandé au gouvernement de prendre les dispositions nécessaires pour que l’utilisation du glyphosate soit interdite en France dès que des alternatives auront été trouvées, et au plus tard dans 3 ans. #MakeOurPlanetGreatAgain— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) November 27, 2017
On sait ce qu’il est advenu. Dès janvier 2019, le chef de l’État a enterré sa promesse. Sa main tendue vers la puissante FNSEA, le premier syndicat agricole français, et la succession au poste de ministre de l’Agriculture de personnalités très à l’aise avec l’agro-industrie (Stéphane Travert, Didier Guillaume, Julien Denormandie et Marc Fesneau) l’ont reléguée aux oubliettes. Dans les allées du pouvoir, l’heure n’est plus aux grandes déclarations. Comme si, sur l’environnement au sens large, le dossier du glyphosate cristallisait le glissement des deux mandats macronistes, du discours volontariste des débuts à la « realpolitik ».
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Glyphosate : la science contre la science
Par rapport à 2017, le profil bas de la France est un atout de plus pour la ré-autorisation de la molécule. Pour aller en ce sens, les services de la Commission de Bruxelles s’appuient sur les expertises des deux agences réglementaires européennes : l’ECHA, compétente pour les produits chimiques, et l’EFSA, pour la sécurité des aliments. La première nommée a rendu un avis favorable l’an passé en excluant le glyphosate du champ des « CMR » – cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques. Le 6 juillet, l’EFSA lui a emboîté le pas. Elle n’a identifié aucun « élément de préoccupation critique » dans son évaluation des risques pour le consommateur. L’Agence a toutefois nuancé son analyse en évoquant « un risque élevé à long terme pour les mammifères » pour la moitié des usages de l’herbicide.
Ces deux documents n’apportent pas un point final à la bataille menée par les associations de protection de l’environnement, comme Générations Futures en France. Car il y a science et science. Celle qui, schématiquement, repose sur les données standardisées, exigées des industriels fabricants par les agences réglementaires européennes. Et celle qui procède des nombreuses études académiques sur les effets du glyphosate sur le monde vivant.
La légitimité des secondes n’est pas plus légère que la première. Les opposants à l’herbicide ont beau jeu de rappeler que le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) – une émanation de l’Organisation mondiale de la santé – l’a classé « cancérogène probable » pour les humains en 2015. Il y a deux ans, la réactualisation de l’expertise collective « pesticides et santé » pilotée par l’Inserm – l’Institut national de la santé et de la recherche médicale – a également conclu à la possibilité de risques sérieux pour l’homme. Le 12 septembre, Générations Futures a publié un rapport qui compare les avis des agences européennes avec celui de l’Inserm. « Les différences sont majeures », s’exclame l’association. Pas sûr que cela fasse trembler le bras de l’UE.
« L’appel de La Rochelle »
La « convergence des luttes » s’est opérée, ce samedi après-midi, à La Rochelle, où l’association Avenir Santé Environnement de Saint-Rogatien, dans l’agglomération rochelaise, appelait à une « marche pour une véritable transition agricole et une sortie des pesticides ». Plus de 600 personnes ont ainsi défilé en ville via le Vieux-Port sous différentes bannières (Confédération paysanne, Bassines Non Merci, Les Écologistes, La France insoumise, Greenpeace, Climate…) pour dénoncer un modèle économique aussi néfaste pour la santé humaine que la planète, exigeant « une véritable transition agricole » assortie d’un « plan de sortie des pesticides de synthèse avant 2030 ».