Formation professionnelle, apprentissage et compétences : quelle politique européenne ?



Actualité


05.11.2018

Alors que la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel vient d’être promulguée en France, la Semaine européenne des compétences professionnelles (du 5 au 9 novembre) s’ouvre partout en Europe. Organisé par la Commission européenne pour la troisième année consécutive, cet événement a été créé pour promouvoir la formation professionnelle et l’apprentissage, bien que l’UE ne dispose que de compétences limitées dans ce domaine. Une occasion de poser un regard sur les politiques européennes dans ce domaine.

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Crédits : iStock

Les jeunes surexposés au chômage

« Toute personne a droit à une éducation, une formation et un apprentissage tout au long de la vie, inclusifs et de qualité, afin de maintenir ou d’acquérir des compétences lui permettant de participer pleinement à la société et de gérer avec succès les transitions sur le marché du travail« . Il s’agit du premier principe du Socle européen des droits sociaux signé par les institutions européennes et les chefs d’État et de gouvernement, le 17 novembre 2017 à Göteborg (Suède).

Socle européen des droits sociaux, une avancée pour l’Europe sociale ?

Et pour cause : plus le niveau de diplôme et de compétences des personnes est élevé, moins elles risquent le chômage. Soutenir l’acquisition de compétences est donc fondamental, alors que les taux de chômage des jeunes atteignent aujourd’hui des niveaux importants bien qu’en légère baisse. Autrement dit, « le taux de chômage est décroissant avec la classe d’âge, le diplôme constituant par ailleurs une protection relative contre le risque de chômage« , résument Florence Lefresne et Yann Fournier dans L’Europe de l’éducation en chiffres (2016).

A l’échelle de l’Union européenne, les jeunes sont plus exposés au chômage que l’ensemble de la population active. Le taux de chômage des 15-24 ans a atteint 15,1% en mai 2018 selon Eurostat (contre 19% en 2016), soit presque deux fois plus que le taux global qui s’arrête à 8,4%. En France, ce sont 20,4% des jeunes de 16 à 25 ans qui étaient au chômage en mai 2018, un chiffre auquel ajouter les jeunes inactifs et sans formation (8,1% des 15-34 ans en France et 9,1% dans l’UE), explique Bruno Ducoudré, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).

La stratégie européenne pour les compétences

Par conséquent, promouvoir l’acquisition de compétences, la formation professionnelle (tout au long de la vie) et l’apprentissage (formation initiale) pour lutter contre le chômage, en particulier celui des jeunes, compte parmi les chantiers les plus importants de l’Union européenne. Il est toutefois important de noter qu’il ne s’agit pas d’une compétence exclusive de l’UE. L’Union dispose tout de même d’une compétence non négligeable pour appuyer, coordonner ou compléter l’action des États membres. La plupart des mesures adoptées dans ce domaine ne sont par ailleurs pas contraignantes pour les États membres. Leur rôle dans la mise en œuvre de ces politiques est donc déterminant.

Si la question prioritaire est de donner des compétences aux personnes sans emploi, sans diplôme et sans formation, un second enjeu est à considérer : une part importante des demandeurs d’emplois disposent déjà de nombreuses aptitudes, mais qui ne correspondent pas aux besoins du marché du travail. Ainsi, la Commission européenne indique que 30% des plus diplômés ont un travail qui ne nécessite pas de diplôme universitaire. De même, de nombreux employeurs peineraient à rencontrer un demandeur d’emploi correspondant à leur fiche de poste. C’est le cas par exemple dans certains secteurs industriels comme la métallurgie.

Emploi des jeunes

Depuis 2016, la stratégie européenne pour l’emploi s’axe en conséquence sur les compétences professionnelles. Les conclusions de Riga, adoptées en 2015, présentent notamment le rôle de l’enseignement et de la formation  professionnels  (EFP)  dans  le  contexte  de  la  stratégie européenne  pour  la  croissance  et  l’emploi, et énumère des objectifs : promouvoir l’apprentissage, développer les mécanismes d’assurance de la qualité de la formation professionnelle, améliorer l’accès à la formation professionnelle et aux qualifications, et développer la formation des enseignants.

En juin 2016, la Commission européenne a ainsi adopté son Agenda des compétences pour l’Europe, une série de dix objectifs pour améliorer la rencontre entre la demande et l’offre d’emplois en « dot[ant] les personnes de meilleures compétences« . L’un des préalables, explique Marianne Thyssen, commissaire européenne pour l’Emploi et les Affaires sociales, est à cet égard de démontrer « que la formation professionnelle et l’apprentissage constituent un excellent premier choix« . C’est l’une des raisons d’être de la Semaine européenne des compétences professionnelles.

S’agissant spécifiquement de l’apprentissage, l’Union européenne agit à plusieurs niveaux. Elle a adopté le 15 mars 2018 une recommandation du Conseil « relative à un cadre européen pour un apprentissage efficace et de qualité« . Non contraignante, cette dernière établit des critères communs sur la définition d’un apprentissage de qualité afin de favoriser la mobilité et les conditions de formation et de travail des apprentis au sein de l’UE. Il s’agirait notamment pour les États d’indemniser obligatoirement les apprentis, de leur donner droit à la protection sociale, mais également de l’obligation de déboucher sur des certifications reconnues. Car il existe une multitude de modèles différents, en termes d’apprentissage, selon les pays européens.

Initiative pour l’emploi des jeunes

L’Union européenne dispose également d’un portefeuille pour soutenir l’accès à l’emploi des jeunes. Avec un budget de 8,8 milliards d’euros pour la période 2014-2020, l’initiative pour l’emploi des jeunes (IEJ) est destinée aux jeunes sans emploi, ni en étude ni en formation (NEET) et aux jeunes chômeurs de longue durée dans les régions où le taux de chômage des jeunes était supérieur à 25% en 2016. Les États membres utilisent cette enveloppe pour financer une partie de l’apprentissage, des stages, des placements professionnels et des formations qualifiantes. L’IEJ soutient la Garantie européenne pour la jeunesse, également mise en oeuvre par les États membres et qui vise à éviter que les jeunes de moins de 25 ans s’éloignent du marché du travail.

Une partie des financements de l’IEJ est issue du Fonds social européen. Plus largement, le FSE cofinance avec les États membres de nombreux projets pour améliorer la situation de l’emploi et de l’éducation au de l’UE. Son enveloppe de 80 milliards d’euros est notamment utilisée pour le volet Éducation, formation et formation professionnelle pour l’apprentissage tout au long de la vie.

Le Fonds social européen – FSE

Encourager la mobilité européenne

Afin que les compétences acquises soient reconnues partout en Europe, certains jugent nécessaire de mettre en place un système d’équivalence des compétences pour la formation professionnelle et l’apprentissage, facilitant la mobilité européenne. En 2008, un cadre européen de comparaison des compétences a ainsi été développé. Bien qu’appliqué dans l’ensemble, tous les États membres n’ont pas mis en correspondance la totalité de leurs systèmes de certification. Une autre proposition de recommandation a donc été adoptée par le Conseil en mai 2017, dans le cadre de l’Agenda des compétences pour l’Europe, afin d’élargir ce système de comparaison des compétences à l’échelle européenne.

Pour valider des compétences acquises à l’étranger dans le cadre d’un cursus, une autre recommandation a été adoptée en juin 2009 pour établir un système européen de crédits d’apprentissage pour l’enseignement et la formation professionnels (ECVET).

Mobilité européenne des apprentis : des obstacles encore nombreux

Parmi les différents programmes européens qui s’inscrivent dans cette volonté d’améliorer la qualité et l’image de l’apprentissage, on trouve aussi l’Alliance européenne pour l’apprentissage. Cette plateforme permet de mettre en relation entreprises, partenaires sociaux, chambres de commerce, régions et autres acteurs clés de la formation professionnelle. Selon la direction générale de l’Emploi à la Commission européenne, cet outil aurait permis de créer 700 000 places d’apprentissage à travers l’UE.

Plus globalement, le fonds Erasmus + est également un programme phare de la Commission européenne dans le domaine de la formation professionnelle. En 2017, 5 millions de personnes ont ainsi effectué un séjour de mobilité à l’étranger par ce biais, dont 6 800 apprentis français. Les crédits alloués à Erasmus pourraient être doublés voire triplés pour le prochain cadre financier pluriannuel 2021-2027, ce qui permettrait de développer la mobilité européenne des apprentis et des personnes en formation continue.

Le programme Erasmus+ et la mobilité en Europe

70 millions d’adultes en manque de compétences de base

Lire, écrire ou encore faire des calculs simples et utiliser un ordinateur sont des compétences de base dont tous les Européens ne disposent pas. Dans le cadre de l’Agenda des compétences pour l’Europe, la Commission européenne a adopté une révision de la recommandation sur l’acquisition des compétences clés en janvier 2018 afin d’améliorer l’action des États membres à ce sujet.

Elle consiste en « une stratégie de coordination sur l’accès à la formation et aux compétences de base pour les adultes les moins qualifiés sur le marché du travail« , soit 70 millions d’Européens qui ont des difficultés pour lire, écrire et calculer, explique Thiébault Weber, Secrétaire confédéral à la Confédération européenne des syndicats (CES).

Qu’est-ce que le dialogue social européen ?



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