Quelle est l’influence des députés français au Parlement européen ? Quel est leur bilan d’activité pour la mandature qui a pris fin.
L’hémicycle de Strasbourg en 2015 – Crédits : Mehr Demokratie / Wikicommons
La dernière session de la 8e législature (2014-2019) du Parlement européen a eu lieu mi-avril. Lorsque les eurodéputés s’impliquent, ils sont en mesure de façonner des « lois » européennes qui s’appliquent aux 500 millions d’Européens.
Ces cinq dernières années, les frais d’itinérance sur les téléphones portables ont été supprimés. La pêche électrique a été interdite. Le principe « à travail égal, rémunération égale sur un même lieu de travail » a été consacré. Une directive a été adoptée pour mieux rémunérer les auteurs, ainsi qu’un règlement sur la protection des données personnelles…
« Statistiques » de la vingtaine d’eurodéputés français susceptibles d’être réélus le 26 mai, d’après le sondage Ifop au 19 avril 2019 et les listes de candidats officialisées à cette date,.
Les eurodéputés français participent peu aux travaux du Parlement européen ? PLUTÔT FAUX
Selon le groupe de réflexion indépendant Votewatch, les eurodéputés français ont participé, en moyenne, à 89,83 % des votes par appel nominal lors des plénières à Strasbourg et Bruxelles…
Soit la 11e place le podium étant occupé par les Maltais, les Autrichiens et les Belges, tandis que leurs collègues britanniques, grecs et chypriotes ferment le classement.
Lest candidats français sortants susceptibles d’être réélus se situent entre le 4e et le 510e rang, sur 751 eurodéputés.
[Le Rassemblement national n’ayant dévoilé que les 12 premiers noms de sa liste au 19 avril, d’autres eurodéputés sortants pourraient s’ajouter à la liste présentée ci-dessus.]
Mais ce seul indicateur ne prend pas en compte les centaines de votes à main levée qui peuvent porter sur des amendements, des résolutions ou des rapports importants, ne mesure pas la présence des eurodéputés tout au long des sessions plénières ni, aux commissions parlementaires où sont réalisés les travaux de fond.
Le site du Parlement européen permet de compléter le tableau en recensant les rapports rédigés par chaque eurodéputé au nom de sa commission parlementaire.
Toute l’Europe y ajoute le nombre de propositions législatives suivies par les eurodéputés à la demande de leur groupe politique (« rapporteurs fictifs« ). Ainsi que les questions orales et écrites ou encore les propositions de résolution déposées.
Mais ces données ne disent pas tout du travail d’un eurodéputé. Un rapport sur une levée d’immunité ne représente pas le même travail qu’un rapport sur la politique d’asile ou les quotas d’émissions de CO2, par exemple. Certaines interventions écrites peuvent aussi avoir été préparées par des assistants parlementaires, sans le concours de l’élu lui-même.
Enfin, quel que soit leur zèle, les élus des groupes minoritaires sont moins régulièrement mandatés par les commissions parlementaires pour rédiger des rapports que les membres du Parti populaire européen (PPE) ou de l’Alliance progressiste des socialistes et démocrates (S&D). A l’inverse, un élu appartenant à un petit groupe politique a plus de chance d’être nommé « rapporteur fictif » que celui d’un groupe important…
Les députés français sont moins influents que les Italiens et les Allemands ?
PLUTÔT VRAI
Au final, VoteWatch a décidé d’aller plus loin en s’interrogeant sur l’influence effective des parlementaires. Depuis une étude intitulée « Qui tient le pouvoir au Parlement européen ?« , réalisée en septembre 2016, le think-tank utilise un algorithme pour classer les eurodéputés en fonction du leadership qu’ils exercent – notamment dans les commissions du Parlement -, de leur réseau et de leur contribution à l’élaboration des politiques de l’Union européenne.
VoteWatch a publié son dernier classement global des « 100 eurodéputés les plus influents » le 23 avril 2019. Et selon cet « instantané de la fin de la législature« , aucun député français ne figure dans le top 15… Alors qu’on y retrouve 3 Allemands, 2 Italiens, 2 Espagnols, 2 Grecs, mais aussi une Roumaine, un Autrichien, une Polonaise, un Belge ou encore un Britannique et un Tchèque.
Les deux premiers Français n’arrivent qu’aux 24e et 25e places : Pervenche Bérès (Parti socialiste, S&D) et Alain Cadec (les Républicains, PPE). Mais la première ne se représente pas et le second n’est pas sûr d’être réélu…
Le podium est occupé par Antonio Tajani (PPE), Manfred Weber qui dirige le groupe PPE et fait figure de favori pour prendre la tête de la future Commission européenne, et l’Italien Roberto Gualtieri (S&D), le président de la commission des affaires économiques et monétaires…
Globalement, les Allemands, qui composent le plus grand contingent au sein du PPE « ont été les plus influents » entre 2014 et 2019. Pas tant par leur implication dans l’élaboration des législations de l’UE que par leur mainmise sur de nombreux postes de direction. Avantagés par leur nombre, les eurodéputés allemands ont plus de chances que les autres de prendre la tête des groupes politiques dans l’hémicycle : Manfred Weber au PPE, Udo Bullmann au S&D, Gabriele Zimmer à GUE/NGL (gauche radicale) ou encore Ska Keller, coprésidente du groupe des Verts/ALE.
Les eurodéputés de Belgique, République tchèque et Finlande peuvent quant à eux se targuer de peser plus que le poids relatif de leurs pays dans l’UE. Plusieurs députés belges ont en effet occupé des postes clés au Parlement européen, et la plupart des eurodéputés de ce pays font partie des groupes les plus influents, où ils font preuve d’une grande activité. En ce domaine, les Finlandais sont les champions et obtiennent le plus de points en tant que rapporteurs. Moins « prolifique » sur le plan législatif, l’influence tchèque découle quant à elle principalement des présidences et vice-présidences occupées par sa délégation au Parlement européen. A cet égard, la Fondation Robert Schuman observe une « montée en puissance des pays d’Europe centrale et orientale issus des élargissements de 2004 et 2007 au détriment des pays du Sud« .
L’influence des eurodéputés italiens, espagnols et polonais est, quant à elle, conforme à la taille de leur pays.
Mais au contraire, parmi les grands pays de l’UE, la France est celle qui pèse le moins le moins lourd au Parlement européen, comparativement à son poids… « La victoire du Front national aux élections européennes de 2014 a été l’une des principales raisons expliquant la faible influence de la France au Parlement« , précise VoteWatch. « Concrètement, la victoire de Marine Le Pen (ENL) a entraîné une diminution de la taille des délégations françaises dans les groupes politiques les plus influents. À l’inverse, le groupe fondé par Marine Le Pen a eu une faible influence au Parlement européen, leurs propositions étant confrontées au rejet des autres groupes politiques. Par exemple, aucun amendement proposé par l’ENL n’a été approuvé en session plénière ! »
Au final, la France dispose de 11 eurodéputés parmi les 100 élus les plus influents du Parlement européen. Parmi eux, cinq se représentent et ont une chance d’être réélus aux élections de mai prochain : Dominique Riquet (du Mouvement radical qui figure sur la liste Renaissance, ALDE, à la 33e place), Karima Delli (EELV, Les Verts/ALE, 50e place), Pascal Durand (actuellement EELV mais qui a rejoint la liste Renaissance, Les Verts/ALE, 61e place), Sylvie Guillaume (Parti socialiste, S&D, 63e place) et Eric Andrieu (PS, S&D, 75e place).
Le Royaume-Uni a perdu de l’influence tout au long de la législature. Avant même le référendum sur le Brexit en 2016, « la victoire de UKIP en 2014 a considérablement miné l’influence britannique au Parlement européen« , remarque VoteWatch.
methode : Pour bâtir son algorithme et pondérer les « nombreux critères » sur lesquels il repose, VoteWatch s’est adjoint l’aide de 234 experts des affaires européennes.Des points ont été attribués en fonction des postes clés occupés, de l’appartenance à telle ou telle commission parlementaire ou encore des domaines dans lesquels des rapports ont été rédigés (ceux de la justice et de l’économie apparaissent plus forts politiquement que ceux de la culture ou des relations avec les pays tiers). L’appartenance à un groupe parlementaire important ou à un parti majoritaire au niveau national peut également jouer sur l’influence d’un eurodéputé. De même, la participation aux séances de votes mais également le travail en coulisses sont pris en considération..
Le Parlement européen n’a rien fait pendant 5 ans ?
FAUX
La dernière session plénière de l’actuelle législature ayant eu lieu mi-avril, l’institution a déjà publié les statistiques du travail accompli pendant les années 2014-2019.
5 ans – 233 sessions plénières – 1 128 procédures législatives votées en plénière (contre 749 en 2009-2014). Des dizaines de milliers d’amendements ont été déposés et, au total, les eurodéputés ont été amenés à voter 27 657 fois en plénière !
La Fondation Robert Schuman a tiré son bilan : si l’activité législative s’est musclée par rapport aux précédentes législatures, le nombre de résolutions soumises au vote et d’actes législatifs est « inférieur à la législature précédente, signe d’une activité parlementaire plus concentrée sur les actes concrets et des prises de position ciblées« .
1. Une directive pour protéger les droits d’auteur 26 mars 2019
Qu’est-ce que la directive européenne sur le droit d’auteur ?
2. Des travailleurs détachés plus encadrés 29 mai 2018.
Qu’est-ce que la directive sur les travailleurs détachés ?
3. La fin des surcoûts téléphoniques dans l’UE 27 octobre 2015
Itinérance : 7 questions pour comprendre la fin du roaming
4. L’interdiction du plastique à usage unique 27 mars 2019
Déchets : l’UE vent debout contre les plastiques à usage unique
5. L’interdiction de la pêche électrique 17 avril 2019
Le Parlement européen interdit la pêche électrique, une victoire pour l’écologie
6. Réduction des émissions de CO2 des voitures et camions neufs 27 mars 2019
Climat : les camions européens devront aussi réduire leurs émissions de CO2
7. Des traités de libre échange et des outils de défense commerciale
Entre 2014 et 2019, les députés européens ont validé plusieurs accords de libre-échange, notamment le controversé CETA avec le Canada ( 59 % des voix le 15 février 2017) et le JEFTA avec le Japon ( 71 % des voix en décembre 2018).
CETA, JEFTA… qu’est-ce qu’un accord de libre-échange de « nouvelle génération » ?
Parallèlement, en réponse au protectionnisme américain et aux appétits chinois, le Parlement européen a adopté de nouvelles règles pour lutter contre la concurrence déloyale en novembre 2017 et un système d’alerte européen pour mieux filtrer les investissements étrangers en février 2019.
Concurrence déloyale : comment l’Union européenne se défend-elle face aux pays tiers ?
Filtrage des investissements étrangers : à quoi sert le « système d’alerte » de l’UE ?
8. LE RGPD règlement général sur la protection des données personnelles 14 avril 2016
Protection des données (RGPD) : ce qui change
Parallèlement a été créé le PNR – Passenger Name Record – qui oblige les transporteurs aériens à communiquer les données qu’ils possèdent sur leurs passagers aux pays européens concernés par des vols en provenance ou à destination de pays tiers, sur le point d’être adopté par le Parlement européen
9. Sanction contre la Hongrie 12 septembre 2018
Hongrie : le Parlement européen déclenche une procédure pour violation des valeurs de l’UE