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Actualité
16.05.2019
Temps fort de la campagne pour les élections européennes : les chefs de file (Spitzenkandidaten) des principaux partis européens se sont retrouvés, mercredi 15 mai, pour un débat animé au Parlement de Bruxelles. 6 candidats, 6 thèmes et 90 minutes pour se faire connaître, convaincre et faire vivre l’encore jeune démocratie européenne.
Débat entre Spitzenkandidaten à Bruxelles le 15 mai 2019
Les moyens de l’Eurovision étaient déployés, mercredi 15 mai à Bruxelles, pour le principal débat entre les têtes d’affiche européennes de ces élections 2019. Remplacé pour l’occasion en plateau de télévision géant, l’hémicycle était plein à craquer, rempli de militants, personnels politiques et journalistes des 28 Etats membres. Comme toujours au niveau européen, l’événement est savamment orchestré et impeccablement ponctuel. Prévu pour durer 90 minutes, le débat n’aura pas débordé d’une seconde avec le concours des candidats à la discipline parfaite.
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Spitzenkandidaten
Tout au long de la journée, la tension est tranquillement montée, sans évidemment s’approcher de l’effervescence d’une fin de campagne législative ou présidentielle. Les élections européennes (23-26 mai), qui commenceront dans une semaine, sont un moment important, mais le regard des électeurs reste distancié, à plus forte raison concernant ce processus des têtes de liste européennes qu’ils connaissent (très) mal.
Le système des Spitzenkandidaten, pour reprendre le jargon bruxellois emprunté de l’allemand, signifie que le candidat de la famille politique européenne arrivée en tête doit normalement être prioritaire pour briguer le poste de président de la Commission européenne. Les traités indiquent en effet que le chef de l’exécutif européen est sélectionné par les dirigeants européens en « prenant en compte » le résultat des élections, le candidat devant ensuite être approuvé par les parlementaires européens tout juste élus. Si le principe, qui a fonctionné lors des élections européennes 2014, est reconduit – le doute subsiste car certains pays comme la France contestent son bienfondé – cela implique que l’une des personnalités présentes le 15 mai à Bruxelles sera le successeur de Jean-Claude Juncker.
Comment est « élu » le président de la Commission européenne ?
Tous n’ont évidemment pas les mêmes chances. Nico Cué (Belgique), représentant de la gauche radicale, Jan Zahradil (République tchèque), candidat de la droite souverainiste et Ska Keller (Allemagne), cheffe de file des Verts, ne devraient en effet pas être en mesure d’obtenir le poste de président de la Commission. En revanche, Manfred Weber (Allemagne), qui défend les couleurs des conservateurs, Frans Timmermans (Pays-Bas), candidat des sociaux-démocrates, voire Margrethe Vestager (Danemark), représentante des libéraux, ont leurs chances. Car il faudra être en mesure d’à la fois obtenir un grand nombre de sièges et de recueillir une majorité de voix au Conseil et au Parlement.
Qui sont les candidats à la présidence de la Commission européennes ?
Migrations et emploi
Sur scène, les six candidats ont offert une confrontation animée, souvent offensive et en définitive plutôt éloignée du caractère plus que feutré des habituels débats européens. Tout juste le premier thème abordé, qui concernait pourtant l’immigration, aura-t-il servi de tour d’observation. Les deux femmes et quatre hommes déclinent le discours de leurs partis, Nico Cué parlant de l’immigration comme d’un « drame humain » et refusant le terme « d’invasion » pour caractériser les flux à destination de l’Europe, ou Frans Timmermans estimant qu’à « chaque mort en Méditerranée, l’UE perd une partie de son âme« . A l’autre bout du spectre, Jan Zahradil rappelle pour sa part que la proposition de la Commission Juncker d’établir des quotas pour la répartition des réfugiés était une « erreur » et que la priorité doit être donnée à la lutte contre les passeurs et au traitement des demandes d’asile « en dehors de l’UE« .
Disposant de deux « jokers » pour interpeller frontalement un de leurs concurrents, les candidats n’ont commencé à les utiliser qu’à partir de la deuxième séquence du débat, consacrée à l’emploi des jeunes, M. Timmermans attaquant nommément Manfred Weber pour avoir soutenu des politiques d’austérité « punitives » dans des pays comme le Portugal. Et à l’image de la France, le thème des droits sociaux s’est assez largement orienté autour de la création d’un salaire minimum en Europe. Souhaité notamment par Nico Cué et Frans Timmermans, Margrethe Vestager et Manfred Weber se sont montrés plus réservés, se contentant de plaider pour une augmentation des salaires sur le continent.
Climat et fiscalité
La lutte contre le changement climatique, discutée ensuite par les Spitzenkandidaten, a achevé de lancer les débats. Vue comme une « opportunité » pour l’emploi par Margrethe Vestager, la transition écologique nécessite « l’arrêt des subventions » pour les industries polluantes selon Ska Keller, ou encore la hausse de taxation du kérosène pour Frans Timmermans. Défendant pour sa part l’objectif de « neutralité carbone » pour l’horizon 2050, Manfred Weber a été attaqué par plusieurs de ses concurrents pour son manque d’ambition environnementale, le candidat conservateur assumant de vouloir protéger l’activité d’entreprises comme celles du secteur automobile. Une position plutôt proche de celle de Jan Zahradil, selon qui la transition écologique ne peut être mise en œuvre que de manière « graduelle« .
Dans le domaine de la fiscalité également, les chefs de file européens auront eu l’occasion de s’exprimer. L’évasion fiscale en Europe, révélée au grand jour au cours des cinq dernières années, porte atteinte, selon Nico Cué et Ska Keller, à la pérennité des services publics. Pour Frans Timmermans et Margrethe Vestager, aux discours similaires sur ce point, les deux priorités de la prochaine Commission devront être l’établissement d’une « taxe sur l’activité des géants du numérique » et d’un « plancher » pour le taux de l’impôt sur les sociétés. A l’inverse, le candidat de la droite souverainiste Jan Zahradil a rejeté toute idée de « taxe paneuropéenne« , la fiscalité devant rester selon lui une compétence exclusive des Etats membres.
Europe dans le monde et populisme
S’agissant de la place de l’Europe dans le monde, cinquième thème abordé, la nécessité de défendre et relancer « l’unité » des Vingt-Huit est revenue à de nombreuses reprises. Au cœur des discours de Frans Timmermans, Manfred Weber et Margrethe Vestager, l’unité de l’Europe ne recouvre toutefois pas les mêmes propositions. Pour le Néerlandais, l’unité doit aller de pair avec la « fermeté« , notamment à l’égard de Donald Trump et de la Chine. Pour l’Allemand, la solution serait de passer au vote à la « majorité qualifiée » en matière de politique étrangère. Tandis que pour la Danoise, l’unité doit s’accompagner de davantage de « confiance en soi« , entre autres dans le commerce international. Pour leurs parts, Nico Cué et Jan Zahradil auront eu l’occasion d’illustrer leur positionnement radicalement opposé sur l’opportunité de conclure des accords de libre-échange avec des pays étrangers : ces derniers sont sources d’injustice sociale pour le premier, mais de croissance économique pour le second.
Interrogés enfin sur la montée des populismes et des nationalismes, les Spitzenkandidaten ont tous décliné un discours offensif. « Ne leur laissons pas d’espace« , a ainsi scandé Ska Keller. « Nous avons échoué« , a estimé Frans Timmermans, faisant référence au Brexit qui fait selon lui ressembler la politique britannique à un épisode de « Game of Thrones sous stéroïdes« . « Changeons-nous nous-mêmes« , a pour sa part proposé Margrethe Vestager, mettant en avant la nécessité de ne se plus se réfugier derrière un verbiage opaque pour parler d’Europe. Cultivant leur différence, Nico Cué et Jan Zahradil ont respectivement accusé « l’austérité » d’être responsable de la montée de la « radicalité« , et plaidé pour une Europe « décentralisée » et non pas « toujours plus étroite« .
Visionner l’ensemble du débat du 15 mai