Electricité : comment les pays européens sont-ils connectés entre eux ?

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Les Etats membres de l’Union européenne échangent de l’électricité au sein d’un marché de plus en plus intégré, dans lequel les réseaux nationaux sont interconnectés. Un fonctionnement qui vise à réduire les coûts et à sécuriser l’approvisionnement du continent, tout en avantageant les énergies propres.

Les liaisons entre les pays permettent un échange quotidien d'électricité (image d'illustration)
Les liaisons entre les pays permettent un échange quotidien d’électricité (image d’illustration) – Crédits : Ville Heikkinen / iStock

Le 18 novembre à midi, la France importait plus de 2 000 mégawatts (MW) d’électricité depuis l’Angleterre et 1 400 MW depuis l’Espagne. Un an auparavant, le 18 novembre 2020 à la même heure, elle en exportait plus de 1 900 vers l’Angleterre et 2 900 vers l’Espagne. Comment de tels échanges sont-ils possibles ? Grâce aux 51 points d’interconnexion du réseau électrique aux frontières françaises.

Qu’est-ce que l’interconnexion ?

Une interconnexion est définie par la Commission de régulation de l’énergie (CRE) comme une “ligne de transport qui traverse ou enjambe une frontière entre des Etats membres et qui relie les réseaux de transport nationaux des Etats membres de l’Union européenne”. Concrètement, ce sont des câbles qui connectent entre eux les différents pays européens et qui permettent d’échanger de l’énergie.

Aujourd’hui, plus de 400 interconnexions relient les pays européens entre eux dans le réseau électrique. C’est le cas par exemple de la ligne souterraine entre l’Espagne et la France, reliant Santa Llogaia à Baixas. 43 gestionnaires de réseaux de transport d’électricité (comme RTE en France ou Terna en Italie) sont ainsi connectés à l’échelle européenne. Ils ont une capacité annuelle d’échange de 450 TWh, ce qui représente environ la consommation française chaque année.

Le développement d’une solidarité européenne dans le domaine de l’électricité est passée par un couplage des marchés, ce qui signifie que différentes zones de marché ont été reliées entre elles. Des bourses européennes de l’électricité ont ainsi été créées : elles organisent les offres d’achat et de vente de l’énergie.

Les flèches sur la carte "electricitymap" permettent de voir les exportations d'électricité en temps réel. Les couleurs désignent la quantité de gaz à effet de serre émise pour chaque unité d’électricité consommée : c'est l'intensité carbone - Capture d'écran
Les flèches sur la carte “electricitymap” permettent de voir les exportations d’électricité en temps réel. Les couleurs désignent la quantité de gaz à effet de serre émise pour chaque unité d’électricité consommée : c’est l’intensité carbone – Capture d’écran

Pourquoi connecter les réseaux européens d’électricité ?

Pour l’ancienne Communauté européenne, l’un des objectifs initiaux de ces interconnexions était de faire baisser les prix de l’électricité, en développant la concurrence sur les marchés nationaux. En l’occurrence, l’électricité produite dans une région où les coûts de production sont bas peut, à n’importe quel moment, être distribuée vers une autre où ils sont plus élevés.

Sur le plan technique, l’interconnexion permet aux pays européens d’échanger l’énergie en fonction de leurs besoins. L’électricité se stockant très difficilement, la quantité d’électricité injectée sur le réseau doit à chaque instant être égale à la quantité d’électricité consommée. Au gré de l’évolution de la consommation ou des éventuels incidents techniques sur un lieu de production, chaque pays peut vendre à ses voisins l’électricité produite chez lui, sur un marché européen. La France a ainsi exporté 77,8 TWh dans les autres pays de l’UE en 2020, un chiffre comparable à la consommation électrique annuelle de l’Ile-de-France.

Les interconnexions entre les pays permettent également d’augmenter la part des énergies renouvelables dans la production d’électricité. De fait, la plupart d’entre elles sont en effet intermittentes, puisqu’il n’est pas possible de piloter le soleil ou le vent : en fonction de la météo, elles peuvent donc parfois produire beaucoup d’électricité alors que la consommation nationale reste peu importante. “Quand l’éolien du nord de l’Allemagne est à pleine puissance, les clients allemands ne peuvent pas absorber toute la production donc ils utilisent les interconnexions avec les Pays-Bas, la Belgique ou la Pologne pour écouler ce surplus énergétique”, détaille Rémy Garaude-Verdier, responsable des affaires européennes chez Enedis, le premier distributeur français. “Plus le réseau est interconnecté, plus il est possible d’absorber les pointes de production en envoyant l’électricité vers les voisins”, résume-t-il.

L’interconnexion est enfin un enjeu stratégique pour les Etats membres et leur sécurité d’approvisionnement. “Il y a encore quelques années, par exemple, les Etats baltes étaient autonomes énergétiquement – ils produisaient assez d’électricité pour leurs propres besoins – sans pour autant être interconnectés avec le reste de l’Europe”, fait savoir M. Garaude-Verdier. Historiquement intégrés au système russe, les réseaux estonien, letton et lituanien fonctionnent avec des normes similaires (notamment la fréquence) à leur voisin. Malgré leur production d’énergie importante, “au titre du système, ils n’étaient pas indépendants”. La construction de lignes entre la Pologne ou la Suède et ces trois Etats membres les a reliés à la plaque européenne, tandis que la synchronisation complète avec l’ouest du continent devrait aboutir en 2025.

Le rôle de l’Union européenne

Relevant que certains pays manquent de connexions avec leurs voisins, le commissaire européen au Marché intérieur Thierry Breton considère ce sujet comme “absolument majeur, notamment pour l’électricité”, et notamment “plus important que le problème de régulation du marché”. Selon lui, “l’interconnexion est la base de tout”. En 2020, la Commission estimait que huit pays étaient insuffisamment reliés à leurs voisins : l’Irlande, l’Espagne, la France, l’Italie, Chypre, la Pologne, le Portugal et la Roumanie.

Le problème n’est pas nouveau. Dès 2009, l’Union européenne a délégué aux gestionnaires des réseaux de transport d’électricité (GRT) le développement d’un réseau européen intégré, pour faciliter les échanges entre Etats membres. Au niveau technique, des codes de réseau européen ont été rédigés pour assurer une interopérabilité des différents systèmes nationaux. Aujourd’hui, ce sont ainsi plus de 300 000 kilomètres de lignes électriques qui fonctionnent sur la même fréquence (50 Hz).

A l’horizon 2030, chaque pays de l’UE doit avoir mis en place des interconnexions permettant de transférer au moins 15 % de l’électricité produite au niveau national vers ses voisins. Dans son rapport d’octobre 2021 sur l’état de l’Union de l’énergie, la Commission estimait que la plupart avaient déjà atteint ce but, rappelant toutefois qu’un Etat produisant plus d’électricité à partir d’énergies renouvelables devait ainsi augmenter ses infrastructures transfrontalières.

Un règlement européen adopté en juin 2019 s’applique par ailleurs : les gestionnaires de réseaux de transport doivent désormais mettre à disposition des échanges au moins 70 % des capacités transfrontalières. L’objectif est de parfaire le marché intérieur de l’énergie, en passant par une intégration toujours plus importante de celui de l’électricité.

En termes de financements, le Mécanisme pour l’interconnexion en Europe (MIE) soutient les initiatives visant une meilleure interopérabilité transfrontière, notamment dans le domaine de l’énergie. A ce titre, la Commission européenne a identifié des Projets d’intérêt commun (PIC) afin de mettre l’accent sur les grands réseaux qui permettent de transporter l’électricité sur de longues distances. Une carte interactive permet de voir ces infrastructures considérées comme de la plus haute importance par l’exécutif européen. COBRAcable, un lien entre le Danemark et les Pays-Bas de 325 km de long, assure par exemple un pont énergétique entre les deux pays depuis 2019. Il permet en particulier de relier la production éolienne danoise au reste du continent.

Et en France ?

La France est le pays le plus exportateur d’électricité d’Europe. Son solde des échanges s’est établi à 43,2 TWh en 2020. A titre d’exemple, les points d’interconnexion avec l’Italie ont été utilisés 90 % du temps pour exporter de l’électricité de l’autre côté des Alpes et 10 % du temps dans le sens inverse, de l’Italie vers la France cette année-là.

En France, c’est l’entreprise RTE, gestionnaire de réseaux de transport, qui est à la tête des infrastructures à haute et très haute tension. Elle est chargée des liaisons transfrontalières d’électricité. Son objectif est aujourd’hui de doubler les capacités d’échanges aux portes de l’Hexagone à l’horizon 2035, pour atteindre une trentaine de gigawatts.

Plusieurs projets sont ainsi en cours de réalisation. Porté par RTE et son homologue irlandais EirGrid, Celtic Interconnector vise à créer la première interconnexion électrique entre la France et l’Irlande. Avec environ 575 kilomètres de câbles, il faciliterait notamment le développement des énergies renouvelables en Irlande, qui vise 70 % de ces énergies propres dans son mix de production d’ici à 2030. Ce projet a reçu 530 millions d’euros au titre du Mécanisme pour l’interconnexion en Europe en 2019 et devrait être pleinement opérationnel en 2026.

RTE a publié en octobre 2021 un rapport sur la manière avec laquelle la France pourrait produire une électricité bas-carbone à l’horizon 2050. Intitulé “Futurs énergétiques”, il présente six scénarios assurant la sécurité d’approvisionnement et qui incluent plus ou moins d’énergies renouvelables ou nucléaire. Dans tous les cas, écrivent les auteurs, “renforcer les interconnexions entre la France et ses voisins représente un fort levier d’économie”.

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