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Washington envisage de délocaliser des troupes américaines d’Allemagne, car Berlin n’accorde pas assez d’argent à la défense. La visite de Donald Trump en Pologne prévue en septembre réserve peut-être une surprise.
L’Allemagne compte le plus de troupes américaines de toute l’Europe, avec un effectifs de 35 000 militaires. Mais des diplomates américains ont mentionné l’idée d’en délocaliser certaines en Europe de l’Est, alimentant l’inquiétude de Berlin concernant la détérioration des relations transatlantiques .
« La présence des forces américaines en Allemagne est dans l’intérêt de la sécurité mutuelle. Je ne pense pas qu’aux États-Unis, cela soit perçu différemment », a déclaré la ministre fédérale allemande de la Défense, Annegret Kramp-Karrenbauer (AKK).
Lors du sommet de l’OTAN Newport 2014, qui a eu lieu les 4 et 5 septembre 2014 au pays de Galles, les membres de l’OTAN s’étaient engagés à atteindre un niveau de dépenses dans la défense de 2 % du produit intérieur brut (PIB) d’ici à 2024. Néanmoins, en mai 2018, l’ancienne ministre allemande de la Défense, Ursula von der Leyen avait annoncé que l’Allemagne n’allouerait que 1,5 % de son PIB aux dépenses militaires d’ici à 2024.
Même si AKK promet de respecter les objectifs fixés par l’OTAN, un projet de proposition de budget à moyen terme, élaboré il y a peu par le ministre des Finances Olaf Scholz (SPD), joue les douches froides : il ne prévoit au mieux que 1,26 % d’ici à 2023.
Cette problématique divise le Parti social-démocrate (SPD) et les Chrétiens démocrates (CDU), qui forment la coalition au pouvoir en Allemagne, car Olaf Scholz ne veut pas augmenter le budget de la Bundeswehr (l’armée allemande).
« Les Américains ont raison — l’Allemagne devrait dépenser plus. En réalité, nous devrions payer pour que la Bundeswehr soit mieux armée, car nous ne lui avons pas assez alloué d’argent pendant trop longtemps. Notre budget croît et nous avons fait énormément de choses pour augmenter les dépenses dans la défense », a confié Henning Riecke, directeur du programme transatlantique de l’Institut allemand de politique étrangère (DGAP).
Il s’agit pour lui d’une « bataille ardue puisque l’armée et les dépenses dans la défense ne sont pas très populaires auprès de l’opinion publique allemande, qui préférerait que des efforts soient déployés dans l’éducation et les questions sociales. »
« En particulier maintenant, car le SPD et les autres opposants à l’augmentation des dépenses peuvent toujours lier la problématique aux exigences de Donald Trump et se demander “sommes-nous le toutou de ce président ?” »
Par le passé, d’anciennes administrations américaines critiquaient déjà les dépenses allemandes, mais l’idée de délocaliser (partiellement) les troupes américaines vers la Pologne est devenue plus concrète depuis que Donald Trump est entré en fonction.
Plus tôt ce mois-ci, l’ambassadrice des États-Unis à Varsovie, Georgette Mosbacher, a ravivé le débat sur la délocalisation.
Les présidents américain et polonais, Donald Trump et Andrzej Duda, ont signé une déclaration conjointe en juin et Varsovie attend désormais que la Maison-Blanche augmente sa présence militaire dans le pays, passant ainsi de 4 500 à 5 500 effectifs.
Lors de la visite d’Andrzej Duda à Washington, ce dernier avait proposé de baptiser « Fort Trump » la base qu’il se propose de construire en Pologne pour héberger les soldats américains.
L’administration Trump n’enverra toutefois pas davantage de soldats en Europe, mais elle envisage le transfert de troupes se trouvant déjà sur le continent européen.
L’ambassadeur des États-Unis en Allemagne, Richard Grenell, a réaffirmé la semaine dernière que leurs exigences étaient tout à fait légitimes. « C’est extrêmement insultant d’attendre du contribuable américain qu’il paie pour maintenir 50 000 soldats en Allemagne, alors que Berlin utilise l’argent du surplus commercial à des fins personnelles », a-t-il ajouté.
Pour Henning Riecke, ces déclarations sont « une gifle en plein visage » et visent à inciter les Allemands à dépenser plus dans la défense.
« Trump tentait de montrer à l’Europe de l’Est et en particulier aux Polonais que son administration prenait leur sécurité très au sérieux. Mais, par la sorte, il signalait aussi aux Allemands que rien ne l’empêche de délocaliser ses troupes », a affirmé Henning Riecke.
Varsovie marche sur des œufs
Varsovie a récemment redoublé d’efforts pour tisser des liens plus forts avec Washington et pour promouvoir la Pologne comme une solution alternative aux troupes américaines déployées en Allemagne, et ce, en incluant des plans de commander 32 F-35 Lockheed et en conviant Donald Trump à la commémoration du 80e anniversaire de l’invasion de la Pologne par les troupes nazies.
Le gouvernement polonais reste toutefois prudent. « Nous ne sommes pas en train de retirer les soldats déployés en Allemagne », a tenu à souligner le ministre des Affaires étrangères, Jacek Czaputowicz. « Ce sont les Américains qui décident. À nos yeux, les troupes en Allemagne jouent un rôle important. Leur présence renforce notre défense commune », a-t-il dit.
Les détails techniques concernant le nouveau déploiement américain en Pologne, notamment le type d’armées et le lieu, devraient être abordés lors de la visite de Donald Trump en Pologne.
« Bien entendu, la Pologne accueille ces nouvelles troupes à bras ouverts et se range derrière les États-Unis en ce qui concerne les dépenses militaires au sein de l’OTAN, mais le gouvernement polonais agit avec précaution », a affirmé Artur Kacprzyk, chercheur au Polish Institute of International Affairs (PISM).
Selon lui, la Pologne estime que les troupes déployées sur son territoire et dans les pays baltes sont un moyen de dissuasion essentiel et les troupes en Allemagne sont également très importantes, car elles peuvent renforcer le flanc Est en cas de conflits.
« Si les États-Unis décident de transférer 1 000 soldats de façon permanente en Pologne, il y aurait encore plus de 30 000 soldats américains en Allemagne, et cela n’aurait pas réellement un impact sur l’empreinte américaine en Allemagne », soutient Artur Kacprzyk.
« En revanche, cela ne serait pas réaliste de relocaliser la majeure partie des troupes en Pologne, du moins de le faire hâtivement, car il faut du temps et de l’argent », a-t-il ajouté.
Après le Japon, c’est en Allemagne que se trouvent le plus de troupes américaines et un transfert total ne pourrait pas être compensé rapidement.
« Étant donné que la présence de troupes est nécessaire en Europe de l’Est, des troupes y seront sans doute envoyées, ce ne serait pas une mauvaise chose pour Berlin, mais cela aura un effet néfaste sur les municipalités allemandes qui reposent sur la présence des Américains », a affirmé Henning Riecke.
Il estime toutefois que l’idée d’une relocalisation majeure des troupes américaines est « une menace assez vide ». « Il est dans l’intérêt des Etats-Unis d’utiliser les infrastructures et installations allemandes pour leurs deux QG. »
Outre les 35 000 soldats, 17 000 Américains et 12 000 Allemands sont employés par l’armée américaine. D’autres emplois encore dépendent des forces américaines avec Commandement des États-Unis pour l’Afrique basé à Stuttgart et la base aérienne de Ramstein dans le Land de Rhénanie-Palatinat.