Table of Contents
Grain de sel
En cette rentrée du 10 septembre 2025, la présidente de la Commission européenne a livré devant les eurodéputés à Strasbourg, le traditionnel discours de rentrée sur « l’Etat de l’Union » (Européenne). Moment clé pour la démocratie de l’UE — c’est une occasion : de réfléchir à l’année écoulée, définir les priorités de l’UE; annoncer des initiatives. Le discours est suivi d’un débat avec les députés au Parlement européen qui renforce le respect de l’obligation de rendre compte.
Et cette année, ce discours étant donné les enjeux a extrêmement suivi, avec un dispositif de relais « en live » dans les Etats Membres (voir l’évènement organisé par Jessica Larsson : Vivre l’Europe en direct : retour sur le SOTEU 2025 à Europa Experience Paris, mais aussi quelque chahut au Parlement européen (voir ci-après).
En cette année exceptionnelle bien souvent déroutante, les députés européens comme les hauts fonctionnaires ont peu levé le pied, pendant l’été. Et la présidente de la Commission européenne a livré sa vision de l’état de l’UE à l’instant T. et les ambitions de la Commission dans un climat particulier (n’oublions pas les motions de censure plurielles assez rares en ce milieu diplomatique en général plutôt modéré).
Ses propos ont largement évoqué sans surprise: le contexte de guerre, les crises sécuritaires, les tensions commerciales, les défis économiques. Elle a peu parlé des aspects internes de l’UE, mais davantage des menaces géopolitiques, appellant à une Europe unie (et évoquant d’éventuelles réformes institutionnelles afin de redonner une capacité décisionnelle plus rapide à l’UE ). Les notions d’indépendance mais aussi d’avenir étaient très présentes dans e long discours. A cet égard un travail d’analyse sémantique réalise montre l’évolution des priorisations dans le vocabulaire lui même.
Tableau d’analyse sémantique
Si il est tout à fait important de lire en entier ce discours, son caractère fleuve amène a tenter de le structurer pour une lecture plus parlante. Nous avons donc utilisé l’outil chat Gpt et voilà le résultat afin d’aider à suivre le propos :
Les (très nombreux) thèmes évoqués, voire balayés
- Priorités géopolitiques et sécuritaires
– Ukraine
Soutien militaire et financier accru (près de 170 Mds € déjà engagés).
Nouveau sommet international pour le retour des enfants ukrainiens enlevés.
Financement via avoirs russes gelés et programme « Avantage militaire
qualitatif ».
19ᵉ paquet de sanctions contre la Russie.
– Défense européenne
Plan « Préparation 2030 » (jusqu’à 800 Mds €).
Programme SAFE (150 Mds € pour achats communs).
Eastern Flank Watch, mur de drones, surveillance spatiale en temps réel.
– Vers une Union européenne de la défense crédible et autonome.
Proche-Orient (Gaza/Israël)
Condamnation de l’usage de la famine comme arme de guerre.
Soutien à une solution à deux États.
Mesures envisagées : suspension d’aides bilatérales à Israël, sanctions contre colons violents, fonds pour la reconstruction de Gaza. - Économie et compétitivité
– Innovation & technologies
Doublement du budget Horizon Europe.
Fonds « Scale-up Europe » pour start-up technologiques.
Développement IA, quantique, gigafabriques d’IA.
Pacte industrie propre, « Battery Booster » (1,8 Mds €).
– Marché unique
Feuille de route 2028 : capitaux, énergie, télécoms, cinquième liberté (connaissance/innovation). - Relations extérieures: Accord commercial stabilisateur avec les États-Unis – Diversification des échanges (Inde, Mercosur, Mexique) pour réduire les dépendances.
- Transition écologique et énergie
70 % d’électricité à faibles émissions déjà atteints.
Objectif : –55 % d’émissions d’ici 2030, objectifs 2040 en cours.
Accélération de l’économie circulaire.
« Autoroutes de l’énergie » pour supprimer 8 goulets d’étranglement du réseau.
Indépendance énergétique : fin de la dépendance aux fossiles russes, développement
renouvelables et nucléaire. - Politique sociale
Coût de la vie : plan européen pour des logements abordables, aides ciblées sur
énergie.
Emploi et pauvreté : règlement pour des emplois de qualité, stratégie pour éradiquer
la pauvreté d’ici 2050, garantie pour l’enfance. - Secteurs clés
o Automobile : initiative pour voitures électriques européennes abordables.
o Agriculture : simplification PAC, campagne « Acheter des denrées
alimentaires européennes ». - Démocratie, État de droit et société
Renforcement de l’état de droit : condition pour l’accès aux fonds UE.
Bouclier européen de la démocratie : détection de la désinformation, création d’un
Centre européen de résilience démocratique.
– Soutien aux médias : programme pour la résilience médiatique et lutte contre les «
déserts d’information ».
– Protection des enfants : réflexion sur restrictions d’accès aux réseaux sociaux. - Migration
Triplement du budget pour la gestion des frontières.
Pacte migration & asile : retour des déboutés, lutte contre les passeurs (nouveau
régime de sanctions). - Crises climatiques et solidarité
Intensification de l’adaptation climatique (incendies, sécheresses).
Création d’une plateforme européenne de lutte contre les incendies basée à Chypre.
Hommage aux pompiers et à la coopération européenne. - Conclusion: Une Europe en lutte qui doit défendre sa liberté, son intégrité et son avenir face aux crise géopolitiques et économiques. Une Europe unie, indépendante et forte: Défendre sa sécurité, Conduire la transition écologique et numérique, Protéger la démocratie et le bien-être des citoyens, Demeurer un acteur géopolitique majeur sur la scène mondiale.
Quelles réactions au Parlement européen ?
La déclaration de la Présidente du PE – Roberta Metsola
Roberta Metsola avait accueilli ainsi la présidente de la Commission : « Il nous faut une Europe qui assume la responsabilité de sa sécurité, une Europe qui facilite la tâche aux entreprises et qui protège les emplois en simplifiant les procédures et en supprimant les formalités inutiles, une Europe plus juste pour les familles, pour les travailleurs et pour les femmes, qui s’attache à rendre les rues plus sûres pour nos enfants, une Europe qui porte haut les valeurs démocratiques que nous incarnons sur la scène mondiale », etc. Elle publié une déclaration après le débat du SOTEU 2025 dans laquelle elle salue le discours d’Ursula von der Leyen et la priorité donnée à l’unité européenne, à la sécurité, et à la compétitivité. Elle y insiste sur le rôle du Parlement comme contrepoids essentiel, rappelant que les propositions de la Commission doivent être discutées, amendées, et évaluées au regard des attentes des citoyens européens et mentionne aussi l’importance de la transparence, notamment dans les domaines numériques et de la liberté d’expression, des sujets qui — selon elle — requièrent un dialogue constant entre Commission, Parlement et société civile.
Comment les euro-députés ont il réagi ?

Les différentes familles politiques du Parlement européen ont exprimé des réactions nuancées — applaudissements pour certaines annonces, critiques sur d’autres, et nombreuses demandes de clarifications. Nous détaillons celles de groupes les plus importants en nombre
PPE (Parti Populaire Européen)
Le groupe PPE, auquel appartient Ursula von der Leyen, a salué la clarté des priorités dans les domaines de la sécurité, de la défense et de la compétitivité. Manfred Weber a décrit l’année à venir comme un « autumn of truth », signalant que les défis économiques, migratoires et géopolitiques sont désormais flagrants et requièrent des décisions fermes. Verbatim de M. WEBER – Wednesday, 10 September 2025 – Strasbourg
Socialistes et Démocrates (S&D)
- Satisfaction sur les engagements en matière de climat, d’État de droit et de démocratie, mais des manques importants: peu de propos concrets sur la fiscalité numérique, des mentions trop vagues du commerce transatlantique, et une absence de références à certaines tensions internationales spécifiques.
- Iratxe García, president of the Socialists and Democrats in the European Parliament, criticised president von der Leyen for leaving Europe and its citizens behind and called for a set of game-changing external and internal policy initiatives for 2026. In response to the ongoing genocide in Gaza, García asked for the suspension of the association agreement with Israel, an arms embargo, sanctions, and the creation of a real reconstruction plan – the Gaza Facility. On the EU-US trade agreement, García confirmed that the S&Ds will amend the agreement, and regarding Ukraine she calls for a stronger position and the confiscation of the €200 billion in Russian assets. The Socialists and Democrats have called on president von der Leyen to deliver concrete proposals such as an affordable Housing Plan with a dedicated budget to guarantee decent housing for all, measures to regulate short-term rentals and reform state aid rules to support affordable housing, an Anti-Poverty Strategy, a Just Transition Directive to protect worker’s rights and social dialogue, the full implementation of the Green Deal, and new own resources to support a strong and ambitious Multiannual Financial Framework. Ecouter la présidente du groupe Iratxe García,
Les Verts : Terry Reintke et Bas Eickhout assurent une co-presidence en duo mixte
- Un extrait assez révélateur de la posture du groupe : « There are inconsistencies that we have to address, because if we are going to step up as a leader and step up in the ring to work on our own independence on security, economy and digital services, we need to be consistent. On security: you made a lot of proposals for the security of us and Ukraine, and we will support them. But security is more than weapons alone. This is about moral leadership, and here we have to talk about Gaza. Our credibility is at stake. Security also means acting on climate change, and you mentioned the forest fires and you showed the fire fighters. This is really towards the EPP: that you think you can slow down on climate action shows how disconnected you are from reality. We need a thriving economy that stays within our planetary boundaries, and that’s what we need to work on. If we go to economic independence, we have to talk about energy. You sign a Trump deal that delivers and promises a USD 750 billion investment in American energy. This is a crazy part of the deal with the US: we should invest this money in European renewables, in European industry…That brings me to competitiveness: we should fight on our own investments – investing in our workforce, our education, our infrastructure, our green innovation. On digital dependence – You are saying that we want to invest in our own digital sovereignty, but what will this omnibus then do? To conclude, we need to step up our security, economic and digital policies. We do not need deregulation, we need a confident European leadership and ambitious plans… La réaction au discours est à lire ici.
Renew Europe et autres centristes
- La présidente est Valerie HAYER
Le groupe centriste a accueilli positivement l’accent mis sur l’unité européenne et les initiatives comme l’innovation, la feuille de route pour le marché unique 2028, ou les stratégies pour la mobilité et l’emploi. Cependant, certains parlementaires ont demandé plus de précision sur la manière dont ces priorités se traduiront légalement, et sur les financements des projets annoncés. - Un extrait de la réaction au discours : » On perd les Européens parce que l’Europe qui devait les protéger leur semble faible. Faible face à Trump. Faible face à Poutine. Faible face à la Chine. Faible sur le climat… Il est temps de passer à l’Europe d’après: une Europe plus intégrée, plus souveraine, plus fédérale, une Europe qui protège. Nous sommes aujourd’hui face à une menace existentielle. Le monde se réorganise devant nos yeux et des puissances mondiales veulent nous marginaliser… C’est une guerre culturelle à laquelle nous devons faire face qui menace notre mode de vie, nos valeurs, nos libertés et notre indépendance… Nous attendons aussi des actions concrètes sur le bouclier démocratique… Personne ne doit laisser la moindre place et le moindre espace au Hamas. Mais personne n’est aveugle sur la guerre inhumaine que mène Benyamin Netanyahou à Gaza… 2026 doit être l’année du rapport Draghi. Oui au 28ᵉ régime, à la préférence européenne, à l’union des marchés des capitaux et à votre calendrier… On a des institutions immatures au service d’un projet politique inabouti. Ce qu’il faut, c’est un big bang institutionnel: fin de l’unanimité au Conseil sur les sanctions et les questions fiscales; listes transnationales; plus de pouvoirs pour le Parlement européen, plus de pouvoirs pour le ou la président(e) de la Commission européenne élu(e) au suffrage universel direct par les citoyens européens.
- La réaction au discours est à lire ici
Partis souverainistes
Les partis souverainistes ou plus à droite ont mis l’accent sur les préoccupations de sécurité et d’immigration, ainsi que sur la nécessité de protéger les citoyens européens face aux « ingérences extérieures » et à la désinformation. Certains ont salué la fermeté du propos sur l’indépendance stratégique, mais regretté que les mesures concrètes restent à définir, notamment sur la gouvernance numérique ou les politiques commerciales avec des pays tiers.
- Un extrait de la réaction au discours : « Quels intérêts défendez-vous, Madame, lorsque vous imposez, un accord de libre-échange avec le Mercosur qui va aggraver la concurrence déloyale envers nos agriculteurs, proposez à l’Europe de diminuer ses droits de douane sur les véhicules chinois et interdisez à nos constructeurs la vente de véhicules thermiques et hybrides d’ici 2035, persévérez à défendre les règles européennes du marché de l’énergie, signez un accord commercial avec les États-Unis qui entérine la reddition et la vassalisation économique de l’Europe?
- La réaction au discours est à lire ici
- Le groupe Les Patriotes ont proposé le 16 septembre 2025, une Motion de censure de la Commission européenne par le Parlement européen
Que penser de ce discours ? Avis d’experts
Analyse de Michel Derdevet – Confrontations Europe : un discours inédit par son orientation extérieure et révélateur des fractures internes
Michel Derdevet, président de Confrontations Europe, insiste d’abord sur la portée politique de cet exercice. En livrant son cinquième discours sur l’État de l’Union, Ursula von der Leyen bat un record de longévité et confirme qu’elle a fait de ce rendez-vous annuel un moment clé de la vie institutionnelle européenne. Mais, souligne-t-il, l’édition 2025 rompt avec les codes habituels : près des trois quarts du discours ont été consacrés à la politique étrangère et à la défense, là où les éditions précédentes réservaient une place plus équilibrée aux enjeux internes. Ce choix illustre selon lui un tournant stratégique majeur : l’Union européenne se pense désormais comme un acteur géopolitique à part entière, confronté à des menaces multiples et à une recomposition des rapports de force mondiaux.
Sur le plan diplomatique, Derdevet relève un changement de ton net. La présidente de la Commission a été beaucoup plus ferme qu’à l’accoutumée sur le conflit à Gaza, allant jusqu’à critiquer la désunion persistante des États membres. Elle a proposé des mesures inédites : suspension partielle de l’accord d’association avec Israël, gel de certains programmes européens comme Horizon en faveur d’Israël, sanctions ciblées contre des ministres extrémistes israéliens, et création d’un groupe international de donateurs pour financer la reconstruction de Gaza. Pour Derdevet, ces annonces marquent une rupture par rapport à la prudence passée, notamment celle incarnée par la Haute représentante Kaja Kallas, et traduisent une volonté de doter l’Union d’une voix diplomatique plus audible et assumée.
Sur la défense et la sécurité, l’analyste salue l’ambition affichée : déblocage de 6 milliards d’euros de prêts extraordinaires pour l’Ukraine, nouveau programme « Avantages Militaires Qualitatifs » pour renforcer ses capacités militaires, alliance autour des drones, recours aux intérêts des avoirs russes gelés pour la reconstruction. Il insiste également sur le soutien à des réformes institutionnelles qui pourraient changer l’équilibre européen : droit d’initiative législative pour le Parlement, abandon de l’unanimité dans certains domaines de politique étrangère, et accélération de l’intégration des Balkans, de la Moldavie et de l’Ukraine pour sécuriser les frontières de l’UE. Selon Derdevet, ces propositions dessinent une Europe plus agile et capable de réagir vite, mais elles supposent un consensus politique qui reste loin d’être acquis.
Le versant économique du discours retient aussi son attention. Ursula von der Leyen a largement puisé dans les recommandations du rapport Letta (avril 2024), qui proposait de revitaliser le marché unique autour de nouveaux leviers : la « cinquième liberté » (connaissance et innovation), la création d’un 28ᵉ régime juridique pour faciliter la croissance des start-ups européennes, et l’achèvement de l’Union de l’épargne et de l’investissement. Derdevet note que ces idées, ambitieuses et potentiellement structurantes pour la compétitivité européenne, suscitent néanmoins de fortes résistances dans l’hémicycle, notamment du côté de la gauche et des syndicats, qui craignent une dérégulation accrue ou une concurrence déloyale pour les PME. Il souligne aussi la volonté d’affirmer un « Buy European » assumé, avec des critères « Made in Europe » dans les marchés publics, et de renforcer les instruments de défense commerciale à long terme pour protéger l’acier et les technologies propres.
Au-delà du contenu, Michel Derdevet attire l’attention sur la dimension politique de la séance. Le discours a été ponctué d’interruptions inhabituelles, souvent venues des bancs d’extrême droite, visant des sujets emblématiques : initiative pour les voitures électriques abordables, conditionnalité des fonds européens à l’État de droit, ou mesures sur Israël. Ces réactions révèlent une polarisation croissante. La coalition historique qui soutient traditionnellement la Commission (PPE, S&D, Renew, Verts) apparaît fragilisée. Le PPE demeure le seul soutien solide à la présidente ; Manfred Weber n’a pas hésité à s’opposer frontalement à la présidente des S&D, soutenue par les Verts. Même Valérie Hayer, à la tête de Renew, tout en saluant le souffle fédéral et la proposition d’un « big bang institutionnel », a exprimé ses doutes sur la solidité de cette majorité.
Pour Derdevet, ce SOTEU 2025 est révélateur d’une Europe en mutation : plus stratégique et offensive sur la scène internationale, consciente de ses vulnérabilités économiques et industrielles, mais confrontée à un Parlement fragmenté et à un paysage politique plus conflictuel que jamais. Si la présidente de la Commission a su tracer une vision ambitieuse — souveraineté, défense, compétitivité, innovation — sa mise en œuvre dépendra désormais de sa capacité à reconstruire une coalition solide, dans un contexte où l’extrême droite gagne en influence et où les compromis deviennent plus difficiles.
Source : Michel Derdevet, Analyse du Discours sur l’Etat de l’Union 2025 | Confrontations Europe, 10 septembre 2025.
Autres analyses internationales
L’économiste Simone Tagliapietra (tribune dans Europe Info Hebdo) souligne que le problème de l’Europe n’est pas un manque d’idées mais un fossé croissant entre la rhétorique et l’action. Le discours d’Ursula von der Leyen, marqué par une tonalité combative et la volonté de défendre une « Europe unie et résiliente », reste selon lui « au milieu du gué » : l’UE annonce vouloir s’affirmer face aux États-Unis sur l’énergie et à la Chine sur les batteries et véhicules électriques, mais sans vision stratégique aboutie ni instruments concrets pour rivaliser. La presse européenne partage ce constat :
- en Allemagne et en France, on salue le volontarisme mais on critique un manque de résultats tangibles, notamment sur l’accord commercial avec Washington,
- en Pologne, on apprécie la solidarité affichée face à Moscou, tout en restant prudents sur la défense,
- en Italie, les avis oscillent entre sévérité et satisfaction limitée sur le volet sécuritaire,
- Euractiv pointe les flous persistants sur le Pacte migration & asile,
- en Espagne, on salue les accents sociaux.
Au fond, le discours illustre un décalage persistant : entre une Commission qui adopte un ton quasi régalien, les attentes des États membres et des citoyens, et des moyens d’action qui restent essentiellement normatifs plutôt que stratégiques ou financiers.
Malte Zabel (expert en politiques européennes et Co-directeur du programme européen dans le think tank allemand « Bertelsmann Stiftung ») note que von der Leyen a adopté un ton sérieux, conscient des « vents contraires » politiques et géopolitiques de l’été, cherchant à redonner de l’élan à l’UE. Il souligne que, si plusieurs initiatives nouvelles sont annoncées — comme le paquet Battery Booster, le plan pour le logement abordable, ou le renforcement des fonds pour la migration — beaucoup restent vagues, sans échéances précises ou financements clairement établis. Ce contraste entre l’urgence du discours et le manque de détails pratiques est une critique récurrente. Miriam Kosmehl (experte du même think tank) insiste sur le message politique central : unité, ambition et urgence. Selon elle, von der Leyen tente de rallier les États membres derrière une vision forte, notamment en défense, mais que l’unité institutionnelle devra être maintenue pour transformer les mots en actes. Ils saluent également la prise de conscience renforcée autour de la souveraineté technologique et de la dépendance critique de l’Europe vis-à-vis des chaînes d’approvisionnement externes. Néanmoins, il estime que les mesures annoncées forment pour le moment un ensemble de projets isolés plutôt qu’une stratégie systémique cohérente.
Alexandr Burilkov (Directeur assistant à la recherche chez GLOBSEC GeoTech Center), en collaboration avec d’autres experts salue “l’urgence renouvelée” du discours, qui met l’accent sur la nécessité pour l’Europe d’être plus sûre, plus indépendante, plus capable de défendre ses intérêts. Ils estiment que la rhétorique de von der Leyen répond au besoin de repositionner l’UE dans un contexte international instable, notamment face à des menaces externes. Cependant, il souligne que l’ambition doit être suivie de capacités concrètes : capacités militaires renforcées, chaîne d’approvisionnement sécurisée, cohérence entre ambition stratégique et politique économique. L’organisation avertit que sans davantage de clarté sur les moyens, l’UE pourrait rester avec de belles promesses mais peu de résultats tangibles.
Dans une analyse centrée sur le secteur technologique, Hilary Hudson (Directrice chez Access Partnership) met en avant l’idée que le discours de von der Leyen aura été déterminant pour affirmer que l’Europe est en “combat” pour préserver sa capacité à décider de ses propres standards, notamment en matière numérique, énergétique et des matières premières. Le discours promet des régulations fortes, un “28th regime” des sociétés pour faciliter la croissance des entreprises tech européennes, un renforcement du rôle du cloud & IA réglementés par l’UE, et un soutien accru aux initiatives “Made in Europe”.
Toutefois, certains observateurs expriment des doutes : comment l’UE va-t-elle réellement calibrer ces régulations sans freins bureaucratiques, et garantir que les obligations de “nommer ses propres règles” ne se heurtent pas à la complexité des marchés extérieurs ou aux ripostes commerciales ?
A lire aussi :
Vivre l’Europe en direct : retour sur le SOTEU 2025 à Europa Experience Paris
SOTEU 2023 : Ursula von der Leyen maintient son cap
ECAS (European Citizen Action Service), Key takeaways from the 2025 State of the Union, sept. 2025.
Bertelsmann Stiftung, State of the European Union Address 2025: Our Experts React, 10 septembre 2025 BSt Europe
GLOBSEC, Turning Ambition into Power: Reflections SOTEU 2025, 10 septembre 2025 Globsec
Access Partnership, What Is In The State Of the European Union 2025 For The Tech Sector?, 10 septembre 2025 Access Partnership