À l’initiative de Jessica Larsson, représentante de la Commission européenne en France et marraine de la filière Affaires européennes de l’ESSEC, une matinée exceptionnelle s’est tenue à Paris autour du discours sur l’état de l’Union (SOTEU) d’Ursula von der Leyen devant le Parlement européen. Organisé dans le cadre d’une campagne de démocratisation des sujets européens, l’événement a combiné retransmission en direct, analyse par des experts et échanges avec le public. Dans cet article, retrouvez la tribune de Jessica Larsson, une synthèse des principales annonces du discours et un regard d’étudiant sur cette expérience unique de démocratie européenne vécue au cœur de Paris.
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Introduction : une matinée au cœur de l’Europe à Paris
Le 10 septembre 2025, Jessica Larsson avait choisi un lieu hautement symbolique : Europa Experience Paris, espace immersif situé place de la Madeleine (lien svp et dédié à la pédagogie européenne. Sa vocation – rapprocher l’Europe de ses citoyens et susciter le débat – en faisait un cadre idéal pour cette retransmission en direct.
La matinée a débuté par un petit-déjeuner convivial, propice aux échanges informels entre participants, avant la diffusion intégrale du discours de la présidente de la Commission depuis Strasbourg. Sous l’impulsion de Jessica Larsson, trois tables rondes d’experts ont ensuite permis de décrypter à chaud les grands thèmes abordés par Ursula von der Leyen :
- la défense et la sécurité européenne avec ;
- les enjeux commerciaux et de compétitivité ;
- la démocratie et la protection des libertés fondamentales à l’ère numérique.
Ces débats, menés dans l’auditorium d’Europa Experience, ont offert un véritable approfondissement des annonces et permis au public d’interagir directement avec les intervenants.
1. Tribune de Jessica Larsson – « Le discours sur l’état de l’Union européenne : une urgence démocratique pour les médias français » parue dans Toute l’Europe
Alors que l’Union européenne façonne nos vies à travers ses décisions, elle reste largement absente de l’espace médiatique français. Dans cette tribune, Jessica Larsson, cheffe de la Représentation faisant fonction de la Commission européenne en France, appelle les médias à mieux informer les citoyens sur l’Europe, afin de renforcer le débat démocratique et de contrer la désinformation.

Dans un monde en mutation, les choix européens façonnent notre quotidien. Alors que l’Union européenne influence profondément nos vies, elle demeure encore largement absente de l’espace médiatique. Face aux défis démocratiques, il est essentiel que les médias offrent une information exigeante et accessible sur l’Union européenne.
Crise financière, Covid, Ukraine, tensions commerciales… On le constate encore plus clairement ces dernières années, dans de nombreux domaines, l’Union européenne est un acteur décisif. L’Union a su faire face à l’adversité et surmonter chacune de ces crises en trouvant des solutions communes (plan de relance, stratégie vaccinale, réponse à la crise énergétique, soutien à l’Ukraine, sanctions contre la Russie, accueil des réfugiés ukrainiens, progression de la défense européenne) et en donnant du sens à la solidarité entre les États membres. Faisant sienne la doctrine du père fondateur de l’Union européenne, Jean Monnet : « L’Europe se fera dans les crises et elle sera la somme des solutions apportées à ces crises », l’Union européenne a pris les sujets à bras-le-corps et fait bouger les lignes, attestant toujours de son rôle central.
Paradoxalement, elle reste marginalisée dans le paysage médiatique français. Cette quasi-invisibilité est dangereuse car elle fragilise notre démocratie. Le déficit d’information constitue un terreau fertile pour les manipulations et les entreprises d’influence.
C’est pourquoi, il est essentiel que les médias français s’intéressent davantage à l’Union européenne, car l’UE façonne la vie quotidienne et les droits des citoyens français, souvent sans que ceux-ci en aient pleinement conscience.
La faiblesse de la couverture européenne dans les médias nourrit l’indifférence, voire la défiance, envers l’UE. Les citoyens, mal informés, peinent à comprendre l’origine des décisions qui les concernent et à exercer leur pouvoir démocratique, notamment lors des élections européennes.
Une étude de Confrontations Europe et de la Fondation Jean Jaurès, à propos des dernières élections européennes, soulignait que la couverture médiatique des élections de 2024 avait reculé de 30 % par rapport à 2019. Toutes les études les plus récentes confirment la faible présence du sujet européen au sein des rédactions françaises, mettant en lumière l’absence récurrente de thématiques européennes au sein des tranches d’information.
Ce paradoxe est d’autant plus saisissant que trois Français sur quatre estiment être mal informés sur les questions européennes, plaçant la France à l’avant-dernière position sur ce sujet parmi les 27 États membres de l’Union européenne.
Notre responsabilité collective est de ne pas laisser le champ libre à ceux qui se nourrissent de la mésinformation pour attiser les inquiétudes et renforcer les clivages.
Le 10 septembre 2025 au matin, pour la première fois de son second mandat, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, prononcera un discours sur l’état de l’Union devant les membres du Parlement européen réunis en session plénière à Strasbourg. Au cours de ce moment emblématique de la démocratie européenne, la présidente rendra compte du bilan de l’année écoulée et dessinera ses orientations pour les mois à venir, avant de débattre avec les députés européens. Ce discours incarne, de manière solennelle, la responsabilité politique qu’assume la Commission à l’égard du Parlement européen et, au-delà, envers l’ensemble des citoyens de l’Union.
En assurer la retransmission et la couverture médiatique, c’est offrir aux Français les clés de lecture indispensables à une compréhension éclairée des enjeux européens. C’est aussi permettre l’émergence d’un débat démocratique riche et argumenté, affranchi des raccourcis réducteurs et des stéréotypes persistants. À l’heure où l’Europe est plus que jamais notre avenir commun, il est impératif qu’elle devienne aussi notre présent médiatique.
2. Regard étudiants : une expérience riche et inspirante mais un regard critique
William Ouensanga et Alessandro Paris représentaient la filière Affaires européennes de l’ESSEC. Cette filière codirigée par Viviane de Beaufort et Aurélien Colson, professeurs à l’ESSEC et dont Jessica Larsson a fait l’honneur d’être marraine a été lancée en novembre 2024
William Ouensanga
« J’ai trouvé le format de cet évènement particulièrement stimulant. Le fait d’assister au discours en direct puis d’assister immédiatement à des tables rondes thématiques a permis de décrypter les annonces et d’aller au-delà d’une simple écoute passive. La présence d’experts reconnus a donné un éclairage précieux, en contextualisant certaines décisions et en répondant aux questions du public. Le buffet qui a suivi a été un moment privilégié pour rencontrer des participants d’horizons très divers — experts, journalistes, représentants institutionnels, retraités, mais aussi de nombreux étudiants d’autres universités et lycées avec qui nous avons gardé des liens. L’atmosphère était véritablement européenne, animée par une passion commune pour les enjeux de l’UE.
Sur le fond, l’exercice d’équilibre recherché par Ursula von der Leyen a été plutôt réussi. Son discours se voulait mobilisateur, ancré dans l’idée d’une Europe résiliente et capable de prendre son destin en main, notamment sur les volets défense et autonomie stratégique. Elle a clairement affiché la volonté de bâtir une Union plus robuste face aux menaces extérieures, de poursuivre le soutien à l’Ukraine et de renforcer la coopération industrielle dans l’armement. Ce passage était sans doute le plus attendu et a été livré avec force.
Cependant, on observer certaines absences révélatrices. L’absence de mention directe de Donald Trump ou de Xi Jinping, alors même que le contexte géopolitique est dominé par leurs décisions et leur rhétorique, m’a interpellé. La présidente a préféré employer des termes plus neutres de : « relations transatlantiques » ou « partenaires stratégiques ». Une prudence qui peut se lire comme de la diplomatie mais qui a laissé certains sur leur faim.
Dans le volet commercial, la mention rapide de l’accord (le citer et lien avec article avec les États-Unis était formulée comme un fait acquis, sans détails sur son contenu ni réponse aux critiques qu’il suscite en Europe ces temps ci. Un sujet explosif ?! Certes une prise de position plus claire sur les conséquences économiques pour les entreprises européennes eût été appréciable.
Même constat sur les sujets numériques : si la présidente a évoqué la nécessité de lutter contre la désinformation, les ingérences, et de protéger la liberté de la presse à tout prix, elle n’a pas cité les Etats-Unis, ni les grandes plateformes américaines comme une des sources du problème. De plus, la fiscalité, étant l’un des rares leviers de politique commerciale dont dispose l’Union pour rééquilibrer les rapports de force avec les géants de la tech, a été écartée du discours.
Un moment marquant, pour moi comme pour d’autres participants, a été le retentissement des huées dans l’hémicycle à Strasbourg lors de l’évocation de la liberté de la presse – chose inimaginable il y a encore quelques années. Les experts sur place ont interprété cet épisode comme le symptôme de fractures profondes sur la conception même de la démocratie et du rôle des médias au sein de l’Union.
Ce discours m’a semblé à la fois solide sur les priorités stratégiques de l’UE et révélateur des zones de tensions qui traversent le projet européen. Les tables rondes ont parfaitement joué leur rôle en ouvrant ces zones grises à la discussion tout en permettant, à nous étudiants, de poser des questions et de recevoir des réponses argumentées. Ce format a créé une expérience de réflexion collective, où nous avons pu mesurer toute la complexité des choix auxquels l’Union est confrontée.«
Alessandro PARIS
Pendant son heure et demie de discours prononcé face aux députés européens, Madame Ursula von der Leyen nous invite dans son salon, abritant des tableaux de guerre(s) et de crises multiples, extérieures et intérieures . Martiale, et sur un ton d’urgence, elle semble vouloir nous ouvrir les yeux sur des horreurs (qu’on dénonce déjà dans les rues depuis deux ans et plus). Elle passe d’un sujet à l’autre avec une telle rapidité que je ne me suis pas senti très à l’aise. Je me suis demandé comment l’oratrice elle-même pouvait justifier auprès des auditeurs son brusque passage d’un sujet lié au massacre d’êtres humains à des considérations purement économiques?
Une chose est claire, la présidente de la Commission Européenne nous plonge dans le champ sémantique de la guerre, en peignant des crises multiples qui semblent sans issue. Il m’est apparu qu’elle préparait l’opinion publique à la possibilité d’un futur belliqueux. Les financements très importants attribués au secteur de l’armement semblent cibler (en adoptant des lunettes keynésiennes) une crise de l’automotive qui touche depuis quelques années l’Union : notamment l’Allemagne, la locomotive industrielle de l’Europe. Mais comment rester sourds, à celles et ceux qui déplorent ces 800 milliards qui auraient pu financer
l’éducation et la santé publique, lutter contre les disparités sociales? Les dés sont ils ainsi jetés?Parmi les élites européennes, on croit qu’il faut réarmer une Europe faible, qui croit pouvoir encore faire partie des grands joueurs sur l’échiquier international. Pourtant, au lycée n’ont-ils pas appris que la course aux armements ne peut avoir qu’une seule issue ? 1914, etc ? Et ceux qui ont étudié les bases de la théorie des jeux, à la mode dans tant de facultés ), n’ont jamais pensé à appliquer le dilemme du prisonnier à notre scénario ? A Strasbourg, le paradigme de la sécurité semble avoir été oublié.
Quant au volet Moyen Orient, Flash mob des gauches européennes: les députés se sont habillés en rouge, « Ligne rouge » symbolique, pour dénoncer le manque d’initiative de l’Union européenne. On a assiste d’ailleurs à une prise de position sur le sujet, même très tardive. Sans jamais prononcer le mot génocide, la présidente von der Leyen propose des mesures partielles sur le plan du commerce et contre les figures les plus extrêmes du gouvernement israélien et contre les « colons violents ». Des mesures timides pour affaiblir un régime qui viole constamment les droits humains des Palestiniens.Quant aux Etats-Unis, alors qu’en juillet dernier, la présidente » capitulait » face à Trump, en s’accordant sur des droits de douane de 15% , un engagement à acheter 640 milliards d’euros de GNL , énergie fortement carbonée à l’ horizon de trois ans et que les entreprises européennes investissent 600 milliards ( selon la Commission correspond à une anticipation rationnelle d’investissements privés d’acteurs européens mais Trump dit :« Les 600 milliards ? Je peux en faire absolument n’importe quoi. ». J’avoue estimer l »accord comme clairement défavorable à l’Europe, qui se lie les poignets à un pseudo partenaire américain agressif .
Quant aux députés présents lors du discours, on remarque de nombreux absents à la droite de l’hémicycle, des interruptions des discours sur des sujets tendus comme la lutte aux fake news) non seulement de l’extrême droite, mais aussi du PPE (l’eurodéputée de la CDU Christine Schmerz rappelée à l’ordre et menacée d’expulsion de la salle par Roberta Metsola).
Oui, vraiment voila mon ressenti: Von der Leyen peine à convaincre.
Tableau Synthèse du discours d’Ursula Von der Leyen
(Merci Chat GPT 🙂 : Tableau des Points clés & Mesures annoncées
Sécurité & Géopolitique Soutien accru à l’Ukraine : 170 Mds €, sommet pour le retour des enfants, financement via avoirs russes gelés. 19ᵉ paquet de sanctions contre la Russie. Défense européenne : plan « Préparation 2030 » (800 Mds €), programme SAFE (150 Mds €), Eastern Flank Watch, mur de drones, surveillance spatiale. |
Proche-Orient (Gaza/Israël) Condamnation de l’usage de la famine comme arme. Soutien à la solution à deux États. Suspension d’aides bilatérales à Israël, sanctions contre colons violents, fonds pour la reconstruction de Gaza. |
Économie & Compétitivité Doublement du budget Horizon Europe, Fonds « Scale-up Europe ». IA, quantique, gigafabriques d’IA. Pacte industrie propre, « Battery Booster » (1,8 Mds €). Feuille de route Marché unique 2028 (capitaux, énergie, télécoms). Diversification commerciale (Inde, Mercosur, Mexique). |
Transition écologique & énergie Objectif –55 % d’émissions d’ici 2030, nouveaux objectifs 2040. 70 % d’électricité déjà bas carbone. « Autoroutes de l’énergie » pour lever 8 goulets d’étranglement. Fin dépendance fossiles russes, + renouvelables & nucléaire. |
Politique sociale Stratégie contre la pauvreté (éradication d’ici 2050), garantie pour l’enfance. Plan européen pour des logements abordables. Initiative pour voitures électriques européennes abordables. Campagne « Acheter des denrées alimentaires européennes ». |
Démocratie & Société Conditionnalité stricte des fonds UE au respect de l’État de droit. Bouclier européen de la démocratie, Centre de résilience démocratique. Programme de soutien aux médias indépendants. Réflexion sur restrictions d’accès des mineurs aux réseaux sociaux. |
Migration Triplement du budget pour la gestion des frontières. Pacte migration & asile : retour effectif des déboutés, sanctions contre les passeurs, coopération avec compagnies aériennes et plateformes. |
Climat & Solidarité Intensification de l’adaptation climatique (incendies, sécheresses). Nouvelle plateforme européenne de lutte contre les incendies basée à Chypre. |
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