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Arrière-petit-fils de juifs allemands assassinés pendant l’holocauste, le Britannique Simon Wallfisch a décidé de devenir allemand à cause du Brexit.
Une fois par mois depuis plus d’un an et demi, ce musicien manifeste son opposition à la sortie de l’Union européenne devant le parlement britannique, à Londres. Au lieu d’agiter un drapeau européen ou une pancarte comme d’autres, c’est violoncelle en main, coiffé d’une perruque blanche à la Mozart, qu’il se fait entendre.
« Les musiciens dépendent de la liberté de mouvement », peut-on lire sur la pancarte brandie par l’une de ses acolytes, tandis que le petit groupe de musiciens entonne l’Ode à la joie de Beethoven, hymne de l’Union européenne. En face, des manifestants pro-Brexit leur répondent par un « God Save the Queen » énergique.
Chanteur d’opéra et violoncelliste, Simon Wallfisch a choisi d’avoir recours à une loi allemande l’autorisant à récupérer sa nationalité perdue, en réparation pour les crimes commis par les nazis. Une démarche qui lui permet de conserver sa citoyenneté européenne malgré le Brexit.
« J’ai dû me servir d’une tragédie familiale pour assurer l’avenir de ma famille », dit l’homme de 36 ans, père de deux enfants, à l’AFP.
« Victoire contre les nationalistes »
Environ 70 000 juifs ont fui les régions d’Europe occupées par les nazis en direction du Royaume-Uni, à l’aube de la Seconde Guerre mondiale.
Aujourd’hui, un nombre croissant de leurs descendants fait appel à une clause de la constitution allemande qui leur permet de récupérer la nationalité dont les a dépouillé le Troisième Reich.
Selon les chiffres de Berlin, seuls 43 Britanniques ont soumis une demande en 2015. En 2016, année du vote en faveur du Brexit, ce nombre a bondi à 684 demandes.
En 2017, ils étaient 1 667 à faire la même démarche et, pour les neuf premiers mois de 2018, 1 229 candidatures ont été déposées.
Ces chiffres reflètent le succès des efforts déployés par l’Allemagne pour assumer son passé, mais aussi l’inquiétude de nombreux Britanniques quant au risque de perdre leur citoyenneté européenne.
« D’un côté, je me sens comme si je trahissais mes arrière-grands-parents », explique Simon Wallfisch. « De l’autre, j’y vois une victoire. Devenir Allemand et rester le citoyen européen que j’ai toujours été, est une victoire contre les nationalistes, les nazis. »
Crise identitaire
Le référendum de 2016 et l’âpre bataille qui l’a précédé ont révélé au grand jour les frustrations d’un pan entier de la population britannique: les laissés-pour-compte de la croissance économique.
Parallèlement, le débat a fait émerger des tendances inquiétantes. On a ainsi vu le nombre de crimes antisémites passer de 52 465 en Angleterre et au Pays de Galles pour l’année 2014-15, à 80 393 pour 2016-17.
Parmi les potentiels nouveaux Allemands, beaucoup sont issus de familles non-pratiquantes.
Amelia Hill, reporter pour le quotidien The Guardian, raconte ainsi avoir grandi dans une famille non religieuse et avoir décidé de devenir allemande alors qu’elle découvrait, « stupéfaite », les résultats du référendum sur l’appartenance à l’UE à la télévision.
« J’étais très contente de dire aux gens : ma famille va devenir allemande », se souvient-elle. « Pourtant, quand ma demande a été acceptée et que j’ai dû aller récupérer mon passeport avec mes enfants et mon mari, je repoussais cette étape. Je me suis dit tout à coup ça n’est pas moi, ça n’est pas la personne que je suis, ça doit être un coup de folie. »
Ce moment de doute passé, elle a décidé qu’elle se sentait surtout européenne, après londonienne. « Pourquoi mes enfants ne pourraient-ils pas être européens ? », s’interroge-t-elle. « Je refuse de laisser mon identité et celle de mes enfants changer à cause d’une minorité » de la population qui a voté Brexit.
« Message à l’Allemagne »
L’ancien présentateur de télévision, Nick Ross, a affirmé avoir demandé un passeport allemand « pour envoyer un message à l’Allemagne », et reconnaître ses efforts visant à surmonter son passé.
Sa décision était prise avant le référendum, il refuse aujourd’hui de reprocher à ses concitoyens une décision qu’il n’approuve pas. Il y voit une conséquence de la récession mondiale de 2008-2009 qui a, à terme, porté au pouvoir des populistes en Europe et Donald Trump aux États-Unis.
« Il y a eu une rébellion contre ces gens si suffisants, qui semblaient s’en sortir encore très bien », avance-t-il.
Pour lui, quitter Londres est cependant hors de question. « Je suis un ardent patriote britannique », insiste-t-il. « Nous sommes toujours dans une société très libre et, tant qu’il en sera ainsi, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour défendre cela. »