Crypto-monnaie : régulation de l’UE, risques et opportunités

Qu’est-ce qu’une crypto-monnaie ? 

Les crypto-monnaies, comme le Bitcoin, sont des monnaies virtuelles basées sur la technologie de la blockchain, qui permettent de créer et de transférer des unités de valeur de manière sécurisée et décentralisée. Les crypto-actifs, quant à eux, sont des actifs digitaux qui peuvent être utilisés pour représenter une valeur ou un droit, comme les titres de propriété ou les obligations.

L’une des principales raisons de l’importance croissante des crypto-monnaies et des crypto-actifs est leur potentiel à révolutionner les systèmes financiers traditionnels en offrant une alternative plus efficace et plus sécurisée.

Par exemple, les transactions en crypto-monnaies sont généralement plus rapides et moins coûteuses que celles effectuées via les systèmes bancaires traditionnels, en particulier dans les pays où les frais bancaires sont élevés et où l’accès aux services financiers est limité. En outre, la technologie de la blockchain qui sous-tend les crypto-monnaies et les crypto-actifs offre une transparence et une sécurité accrues par rapport aux systèmes financiers traditionnels, ce qui en fait une option attrayante pour de nombreuses personnes. 

Cependant la qualité décentralisée de ces échanges peut aussi être vue comme une possibilité pour des groupes criminels de financer des activités illégales en restant sous le radar des autorités. 

Un début de la régulation de la crypto-monnaie des États

Du fait de la nouveauté de cette innovation, chaque État a cherché à prendre des mesures afin de réguler ce secteur en pleine expansion. De nombreux Etats membres de l’Union européenne ont également mis en place des réglementations spécifiques pour encadrer l’utilisation des crypto-monnaies dans leur pays, comme la réglementation des ICO (Initial Coin Offerings) ou la taxation des gains en crypto-monnaies.

La France et l’Allemagne ont rapidement affiché une ambition commune de réguler ces crypto-actifs, notamment à la veille du G20 Finances de 2018. Cela s’est notamment concrétisé en France via la loi PASTE en mai 2019 avec la création d’un statut de Prestataire de Services sur Actifs Numériques. 

Un besoin de régulation de la crypto-monnaie confirmé par l’actualité

Le danger qu’un manque de régulations de ce secteur pouvait apporter a été parfaitement mis en lumière par la chute de FTX, la 2ème plateforme d’échange de crypto-monnaies du monde. En effet le 11 novembre 2022 la société américaine basée aux Bahamas a dû déclarer la banqueroute ne pouvant faire face aux demandes de retraits de leurs clients souhaitant récupérer leurs investissements en crypto-monnaies sur la plateforme. Cela a finalement résulté en une perte du capital de leur client estimée entre 1 et 2 milliards de dollars. 

L’implosion soudaine de la plateforme populaire d’échange de cryptomonnaies FTX a intensifié la guerre politique qui faisait déjà rage au sujet de l’essence de la monnaie virtuelle. En 2023, aux Etats-Unis, nous sommes susceptibles de voir ce combat atteindre son paroxysme dans des salles d’audience et au Congrès. L’avenir de la finance est dans la balance.

Les lignes de bataille sont compliquées mais on peut distinguer deux camps principaux : le premier est composé d’une foule bruyante de sceptiques de la cryptomonnaie. Composé de politiciens et de régulateurs de premier plan, il veut mettre un frein à un secteur qu’il considère comme envahi par la fraude et nuisible pour les consommateurs. La faillite de FTX a enhardi ce camp.

De l’autre côté, il y a les champions de la « décentralisation ». Les membres de ce camp pensent que les réseaux de cryptomonnaies comme le Bitcoin et l’Ethereum – puisqu’ils sont accessibles à toute personne disposant d’une connexion Internet et sont contrôlés par des réseaux publics plutôt que par des entreprises, des gouvernements ou des banques – sont essentiels pour l’avenir de la vie privée et de la liberté financière. Les membres de ce groupe craignent que des tentatives de réglementation malavisées ne mettent en péril ces libertés.

Pour ce camp, l’effondrement de FTX est une preuve supplémentaire que le contrôle centralisé est dangereux et un rappel de la raison d’être de la cryptomonnaie en premier lieu. Leur objectif est d’avoir un système financier basé sur la blockchain qui soit plus accessible et plus privé que le système traditionnel. Ils considèrent ce dernier comme étant miné par la surveillance et les intermédiaires à la recherche de rente.

Sam Bankman-Fried, le PDG de FTX, a été inculpé pour fraude et blanchiment d’argent

Les décideurs politiques, eux, avaient la crypto dans le collimateur bien avant la débâcle de FTX. Les combats devant les tribunaux et les débats au Congrès auxquels nous assisterons en 2023 allaient se produire de toute façon. Et compte tenu du rôle démesuré que joue l’Amérique dans le système financier mondial, l’issue de ces combats aura des implications au niveau mondial.

Pour ceux qui considèrent les blockchains ouvertes comme un élément crucial pour l’avenir de la finance, les enjeux n’ont jamais été aussi élevés. Pourront-ils tenir bon et maintenir les systèmes financiers décentralisés à l’abri des cadres réglementaires traditionnels ? Ou les décideurs parviendront-ils à dompter ces plateformes en imposant un certain degré de centralisation ? Ces questions planent sur la crypto depuis des années. Aujourd’hui, nous sommes sur le point d’obtenir des réponses.

Les raisons de la faillite de FTX sont complexes et de nouveaux éléments continuent d’être révélés. Son fondateur et PDG, Sam Bankman-Fried, a été inculpé aux Etats-Unis pour fraude et blanchiment d’argent. Il est difficile de savoir dans quelle mesure la crypto elle-même est à blâmer dans cette affaire.

Bien que les adeptes de cryptomonnaies soient désormais enclin à prendre leurs distances avec FTX, cet épisode reflète « la crypto que nous avons créée », déclare Neha Narula, directrice de la Digital Currency Initiative au MIT.

« Pour commencer, dit-elle, l’industrie est trop dépendante des plateformes d’échanges centralisés comme FTX ». Cependant, la centralisation n’est pas le seul élément à prendre en compte. « Il s’agit également de cette économie de casino avec token (jetons, en français) », souligne-t-elle.

Les raisons de la faillite de FTX sont complexes

Comme de nombreuses sociétés du secteur, FTX a créé sa propre cryptomonnaie. Ce qui a déclenché la réaction en chaîne qui a démantelé l’échange, c’est la publication début novembre d’un rapport de CoinDesk. Selon celui-ci, la société de négociation affiliée à FTX, Alameda Research, avait une partie importante de son argent libellé dans cette monnaie baptisée FTT. Comme l’indique CoinDesk : Alameda Research, qui aurait plus de 10 milliards de dollars d’actifs, reposait sur « une fondation largement constituée d’une pièce de monnaie inventée par une société soeur et non sur un actif indépendant comme une monnaie fiduciaire ou une autre crypto ». Cette révélation a déclenché une série d’évènements qui ont fini par faire chuter la valeur de la FTT.

En fait, l’ensemble de l’industrie a construit un « écosystème autoréférentiel » sur des « token ambigus » créés de « nulle part » avec « des arguments très lâches pour expliquer pourquoi ils devraient avoir une quelconque valeur », explique Neha Narula. Le jeton FTT n’est qu’une cryptomonnaie parmi des milliers d’autres.

L’ambiguïté de ces token est l’une des principales raisons pour lesquelles les régulateurs s’intéressent désormais à un domaine émergent du monde des cryptomonnaies connu sous le nom de finance décentralisé ou « DeFi ».

Chaque jour, le volume des échanges se chiffre à plus d’un milliard de dollars

Prenons l’exemple de la FTT. Aux Etats-Unis, il n’est pas possible d’acheter cette monnaie virtuelle sur une bourse centralisée. En effet, si une bourse la proposait, elle risquerait d’avoir des ennuis avec la Securities and Exchange Commission (SEC).

La mission de la SEC est de protéger les investisseurs qui participent aux marchés d’actifs financiers. Pour ce faire, elle exige des sociétés qui vendent des actifs qu’elles s’enregistrent auprès d’elle et qu’elles présentent des informations complètes sur leurs finances.

Le président de la SEC, Gary Gensler, a déclaré qu’il pensait que de nombreuses cryptomonnaies en circulation étaient des valeurs mobilières et devaient être réglementées comme telles. Cela implique que les organisations proposant ces actifs aux clients américains le font de manière illégale. Comme la FTT ressemble à l’action FTX sur des points importants, elle entre probablement dans cette catégorie.

Cependant, si le gouvernement peut empêcher les bourses centralisées de coter des titres non-enregistrés, il ne peut pas empêcher les bourses fonctionnant entièrement sur une blockchain de laisser les gens négocier ces titres.

Les plateformes permettant les échanges décentralisés, ou DEX, sont au coeur de l’univers en pleine expansion de la DeFi. Le DEX le plus connu est Uniswap. Ce dernier enregistre un volume d’échanges quotidien de plus d’un milliard de dollars. Uniswap est un ensemble de contrats intelligents – essentiellement des programmes informatiques stockés et exécutés sur la blockchain Ethereum – qui permettent à toute personne disposant d’une connexion Internet d’acheter et de vendre un large éventail de cryptomonnaies et ce quelle que soit leur classification par les autorités de réglementation.

Les front-end, un dossier brûlant

Les partisans de la DeFi considèrent FTX comme la preuve la plus récente que nous avons besoin d’un système financier alternatif, « ouvert » et décentralisé. Les applications DeFi vérifient les transactions de manière cryptographique et tout est enregistré sur la blockchain. Il n’y a pas d’intermédiaires corruptibles.

Mais c’est là que réside le problème des applications financières décentralisées, du moins aux yeux des responsables politiques : s’il n’y a pas vraiment pas d’intermédiaire au milieu, cela veut dire qu’il n’y a personne pour réguler les transactions. Comment les régulateurs peuvent-ils contrôler les opérations sur titres sur les plateformes décentralisées ? Comment s’assurer que des fonds illicites ne sont pas utilisés lors des transactions ?

Ce challenge explique pourquoi le sujet brûlant des « front-end » de la DeFi est sur le point d’exploser à Washington en 2023.

Ce terme, « front-end », est utilisé dans l’industrie pour désigner les interfaces utilisateur basées sur le Web par lesquelles la plupart des gens accèdent aux protocoles DeFi car cela nécessite un savoir-faire technique spécialisé. Dans le cas d’Uniswap, une start-up baptisée Uniswap Labs a construit et maintient le front-end.

Selon Stephen Palley, associé du cabinet d’avocats Brown Rudnick et co-président du groupe de commerce numérique du cabinet, la grande question à se poser maintenant est de savoir si une DeFi front-end doit obtenir une licence du gouvernement. Il ne le pense pas, du moins pas dans tous les cas :

« Si je crée un site Web et que tout ce qu’il fait est de donner aux gens la possibilité d’interagir avec un logiciel que quelqu’un d’autre a développé et qui existe sur une base de données distribuée au niveau mondial, en quoi ai-je créé une bourse de valeurs mobilières ? »

Tornado Cash a été utilisé pour « blanchir » des millions de dollars volés par des hackers nord-coréens

La DeFi a explosé en popularité ces deux dernières années mais elle reste une niche utilisée surtout par les traders. Elle n’a pas encore tenu ses promesses les plus idéalistes. Ses partisans affirment que la réglementation des front-end pourrait être fatale à la DeFi car elle ajouterait le type de barrière à l’entrée que les blockchains étaient censées éliminer.

On peut affirmer sans risque de se tromper que le fait que les régulateurs prennent le contrôle de cet important point d’accès à la DeFi aura une profonde influence sur l’évolution de la technologie sous-jacente. « Ne soyez pas surpris de voir les régulateurs prendre des mesures prochainement », dit Stephen Palley. D’après lui, cette bataille risque de se jouer devant les tribunaux d’ici aux deux prochaines années. Le Congrès pourraient également s’impliquer.

Les défenseurs de la technologie DeFi sont également confrontés aux régulateurs sur un autre front où la question principale est la vie privée. Les enjeux pour l’avenir des systèmes financiers décentralisés ne sont nulle part aussi élevés que dans le cas de Tornado Cash.

Comme Uniswap, Tornado Cash est un ensemble de contrats intelligents sur la blockchain Ethereum. Il permet aux utilisateurs de déposer des cryptomonnaies dans un pool de monnaie numérique d’autres personnes puis de les retirer à une adresse différente tout en utilisant des techniques cryptographiques avancées appelées « preuves à divulgation nulle de connaissance » pour garantir qu’il n’existe aucun lien public entre l’adresse de dépôt et l’adresse de retrait. Cela signifie que l’argent n’est plus lié sur la blockchain aux transactions passées de l’utilisateur, ce qui le rend plus difficile à tracer et offre une couche de confidentialité.

En août, l’Office of Foreign Assets Control (OFAC) du Trésor américain a sanctionné 45 adresses Ethereum associées à la plateforme, interdisant de fait aux Américains de l’utiliser et décimant sa base d’utilisateurs. L’agence a déclaré avoir pris cette mesure parce que Tornado Cash avait été utilisé pour « blanchir » des milliards de dollars dont des centaines de millions volés par des hackers parrainés par l’Etat nord-coréen.

Le Trésor américain bientôt visé par une plainte de la plateforme Coinbase ?

Par le passé, l’OFAC a déjà sanctionné des adresses blockchain associées à des personnes étrangères mais il n’a jamais sanctionné un contrat intelligent. « Il n’a pas non plus l’autorité pour le faire », soutient Peter Van Valkenburgh, directeur de la recherche au Coin Center, un groupe de défense des politiques à Washington. Comme le souligne le Coin Center, bon nombre de contrats sanctionnés par l’OFAC ne peuvent être modifiés, bloqués ou désactivés par aucun des développeurs de Tornado Cash. Ils existent indépendamment de toute intervention humaine.

Bien que l’OFAC ait le pouvoir légal de sanctionner des personnes et certaines entités étrangères, il ne peut pas interdire aux Américains d’utiliser un outil comme Tornado Cash, souligne Peter Van Valkenburgh : « La loi qui donne ce pouvoir à l’OFAC n’a jamais été conçue par le Congrès pour être utilisée afin de dire aux Américains quels outils logiciels ils peuvent ou ne peuvent pas utiliser ».

Le Coin Center a intenté un procès contre le département du Trésor américain visant à annuler les sanctions et à empêcher le Trésor de « faire respecter contre les ordinateurs leurs droits évidents et fondamentaux à la vie privée ». En plus d’affirmer que l’OFAC n’a pas le pouvoir d’interdire des outils logiciels, le Coin Center soutient également que les sanctions violent la Constitution. La bourse américaine populaire de cryptomonnaies Coinbase finance une action en justice similaire contre le Trésor.

Après l’adoption des sanctions, GitHub a supprimé le code source du projet et le site Internet tornado.cash a été retiré. Indépendamment des actions de l’OFAC, les autorités néerlandaises ont arrêté l’un des développeurs de Tornado Cash, Alexey Pertsev, et un procureur a accusé ce dernier de faciliter le blanchiment d’argent.

La situation de Tornado Cash est surveillée de près par l’industrie des cryptomonnaies

Alexey Pertsev était l’un des fondateurs de Tornado Cash. Comme la plupart des projets de cryptomonnaie, Tornado Cash est un logiciel libre et repose sur un collectif de contributeurs faiblement affiliés. Contacté, Roman Semenov, un autre cofondateur, n’a pas répondu aux sollicitations de la MIT Technology Review.

L’ensemble de l’industrie de la cryptomonnaie suit de près la saga Tornado Cash car ce qui va se passer avec celle-ci va façonner l’avenir de la finance en ligne. « Un développeur ne devrait pas être traité comme un intermédiaire financier simplement parce qu’il a écrit du code et l’a mis en ligne sur Internet », estime Neha Narula. Et d’ajouter : « Il y a de nombreuses étapes entre ce geste et l’exploitation d’un service ».

À partir de quel moment une application financière passe-t-elle du statut de simple code sur Internet à celui de service ? C’est également la question qui est au coeur du conflit sur les front-end DeFi.

Dans les deux cas, l’enjeu est la liberté d’utiliser un service basé sur la blockchain sans demander l’autorisation du gouvernement. Et on peut s’attendre à ce que ceux qui croient vraiment en la cryptomonnaie se battent avec vigueur pour maintenir cette liberté.

Deux règlements européens – MiCA & TFR

Contrairement aux actifs financiers traditionnels (actions, obligations…), les ‘cryptos’ ne connaissent pas en principe de régulation particulière, par exemple sur la transparence ou les taxes imposées par des autorités.

Plusieurs Etats ont toutefois instauré des mesures pour encadrer leur utilisation. En France par exemple, la loi PACTE du 22 mai 2019 a instauré le statut de Prestataires de services sur actifs numériques (PSAN), ce sont des intermédiaires qui aident à obtenir et stocker des cryptoactifs. Leur enregistrement est obligatoire auprès de l’Autorité des marchés financiers (AMF), qui peut décider de leur délivrer un agrément si la structure comporte suffisamment de garanties de stabilité financière et de transparence. Mais au 7 juillet 2022, aucun des 42 PSAN enregistrés n’avait obtenu d’agrément de l’AMF.

De son côté, la Commission européenne a présenté le 24 septembre 2020 deux textes afin de mieux réguler l’usage, l’échange et le stockage des cryptoactifs. La première proposition de règlement, intitulée MiCA (pour Markets in Crypto-Assets Regulation), cherche, elle aussi, à “créer un cadre réglementaire pour les cryptoactifs et à les faire entrer dans la règlementation financière classique, avec notamment un agrément”, explique Aurore Lalucq, membre de la commission des Affaires économiques et monétaires (ECON) du Parlement européen.

L’objectif est d’obtenir plus de transparence des échanges de cryptoactifs, la surveillance des intermédiaires financiers prestataires par un agrément et la protection des consommateurs. Elle prévoit la création d’un régime d’agrément harmonisé pour les PSAN (comme en France) dans les vingt-sept Etats membres, avec des exigences plus élevées que dans la réglementation française.

Le 14 mars 2022, la commission des Affaires économiques et monétaires du Parlement européen s’est prononcée en faveur du règlement MiCa. Et le 30 juin, le Parlement européen et le Conseil de l’UE ont trouvé un accord concernant le règlement. Désormais, la responsabilité des intermédiaires financiers sera engagée en cas de perte de cryptoactifs appartenant à des investisseurs.

Le deuxième texte vise la création d’un régime pilote pour les marchés des cryptoactifs. Il s’agit en fait de créer un espace légal, pour une durée de 3 ans, afin d’expérimenter l’utilisation de la blockchain dans les structures financières dans l’UE. Rouage essentiel du fonctionnement des cryptomonnaies, la blockchain est un mode de stockage numérique décentralisé sans intermédiaire ou organe de contrôle. Ce règlement a été adopté par le Conseil en décembre 2021 et le Parlement le 24 mars 2022. Le texte a même été publié au Journal officiel de l’UE le 2 juin, pour une entrée en vigueur le 23 mars 2023.

Enfin, le 31 mars, les députés de la commission parlementaire ont également voté en faveur d’une révision du règlement européen sur les transferts de fonds (TFR), proposé par la Commission européenne en juillet 2021, qui fait partie du paquet sur la lutte contre le blanchiment de capitaux. L’objectif est d’ajouter les cryptomonnaies dans les cibles de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Les députés ont notamment décidé de supprimer les seuils minimums et les exemptions pour les transferts de cryptoactifs d’un faible montant.

Concrètement, il s’agira de mieux identifier les transactions en cryptoactifs effectuées via les intermédiaires financiers. Ainsi, une identité sera demandée pour effectuer une transaction en cryptomonnaie via un PSAN tandis que toute transaction en cryptomonnaie avec ces intermédiaires sera automatiquement notifiée aux autorités des Etats membres, par exemple Tracfin en France (le service de renseignement français chargé de la lutte contre les opérations financières frauduleuses). La modification du règlement TFR doit également permettre d’établir un registre public de toutes les plateformes de cryptomonnaie à destination des utilisateurs, afin d’identifier les plus vertueuses et celles qui le sont moins.

De manière générale, cette règlementation “était nécessaire”, estime Aurore Lalucq. “Il faut éviter de se retrouver dans la situation des subprimes aux Etats-Unis, qui profitaient d’une faille règlementaire”.

Avant même que l’actualité exacerbe le besoin de régulations des crypto-monnaies et autres crypto-actifs, l’Union européenne avait d’ores et déjà adopté 2 règlements le 12 octobre 2022 visant à créer un cadre commun. Cette initiative s‘inscrit au sein de deux démarches européennes de longue date : 

  • la création d’un cadre financier sécurisé pour tous les acteurs 
  • la préparation de l’Europe pour la transition numérique

L’Union européenne vise ainsi à réaliser un double objectif de sécuriser et permettre l’innovation au sein de ce secteur encore particulièrement nouveau. En effet, L’Europe justifie cette prise d’initiative par la nécessité de protéger les consommateurs et de lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. 

Le premier règlement nommé MiCA (Markets in Crypto Assets) vise ainsi à protéger les consommateurs en créant un cadre commun pour les professionnels qui fournissent un accès au marché des crypto-monnaies. Ce règlement crée un statut européen de “Prestataire de Services sur Actifs Numériques” que l’ensemble des fournisseurs d’accès aux marchés de crypto-actifs devront recevoir afin d’opérer au sein de l’Union Européenne. Ce statut impose aux professionnels d’assurer une meilleure information de leur client sur les risques, les tarifications et les charges liées à leur activité.

De plus, il demande à ces fournisseurs d’assurer une responsabilité vis-à-vis de leurs clients et des pertes potentielles de capital avec une exigence de fonds propres et de liquidités importantes. Cela devrait permettre d’éviter une situation similaire à celle engendrée par la faillite de FTX où des centaines de millions de dollars ont été perdus par l’entreprise qui a été incapable de rembourser ses clients. Enfin le règlement prévoit d’exiger une évaluation centralisée avant l’émission de nouveaux crypto-actifs afin d’éviter l’arrivée d’actifs purement spéculatifs et dangereux. 

Le second règlement, TFR (Transfer of Funds Regulations), peut être compris comme une extension de la directive KYC (Know Your Customer) imposée au secteur bancaire afin d’améliorer la traçabilité des fonds échangés en demandant un minimum d’informations sur les parties impliquées dans l’échange. Ce nouveau règlement oblige les plateformes et fournisseurs d’accès à obtenir les informations des parties impliquées dans toute transaction de crypto-actifs, notamment leur nom, adresse et numéro de compte. Le but est donc d’être capable de tracer où va l’argent afin d’éviter le financement d’opérations illégales.          

Quel futur pour les crypto-monnaies en Europe ?

Néanmoins, ces deux règlements ne règlent pas entièrement le sujet des crypto-monnaies qui représentent autant un risque qu’une opportunité pour l’Union Européenne. En effet celle-ci cherche tant à protéger ses citoyens qu’à promouvoir le développement et l’utilisation de ces technologies. On parle ainsi d’un projet d’euro numérique basé sur la technologie de la blockchain bien que celui-ci ne devrait pas voir le jour avant un horizon 2026. 

Bientôt un euro numérique grâce à la blockchain ? 

Mais comme l’explique le Parlement dans un article d’information, l’objectif de ces régulations est aussi “d’encourager le développement et l’utilisation de ces technologies”. Car les cryptoactifs et surtout la technologie qu’ils utilisent, la blockchain, suscitent l’intérêt des institutions. Les avantages qu’elle offre, à savoir la réduction des intermédiaires et des coûts ainsi qu’une augmentation de la rapidité des règlements, pouvant offrir de nouvelles opportunités financières pour les citoyens et les institutions dans l’UE.

Ainsi, en avril 2021, la Banque européenne d’investissement (BEI), la banque de l’UE, a émis des obligations numériques en utilisant la blockchain, à hauteur de 100 millions d’euros. Cette émission, réalisée en collaboration avec Goldman Sachs, Santander et la Société Générale, a permis d’emprunter sur les marchés l’équivalent de 100 millions d’euros grâce à une monnaie numérique expérimentale fournie par la Banque de France.

L’opération possède toutefois les mêmes caractéristiques qu’un emprunt obligataire classique, avec un remboursement traditionnel. Elle s’inscrit dans le cadre d’un programme d’études sur la future création d’une version numérique de l’euro : “des billets d’euros dématérialisés, mais qui utilisent la blockchain pour être émis”, résume Aurore Lalucq.

Pour connaître la position des Européens vis-à-vis de l’idée d’un euro numérique, la Banque centrale européenne (BCE) avait d’ailleurs lancé une consultation en octobre 2020. Selon l’institution financière européenne, le retour a globalement été positif avec une demande toutefois : la garantie de l’anonymat et de la sécurité face aux cyberattaques. Mais le projet ne devrait pas aboutir avant 2026.

Economie : face aux risques de dérives, comment l’Union européenne tente-t-elle de réguler les cryptomonnaies ? – Touteleurope.eu

Après l’affaire FTX, quel avenir pour la cryptomonnaie en 2023 ? – Capital.fr