Le président du Conseil Charles Michel présente les conclusions du sommet portant sur la stratégie européenne de lutte contre le coronavirus, le 21 janvier – Crédits : Conseil européen
Barthélémy Gaillard
Jeudi 21 janvier, les chefs d’Etat et de gouvernement des Vingt-Sept étaient réunis lors d’un Conseil européen à distance largement consacré à la lutte contre l’épidémie de coronavirus au niveau du continent. Ils ont invité les Européens à annuler leurs voyages non-essentiels, et se sont accordés sur la nécessité d’harmoniser la validité des tests et des vaccins au niveau européen. Un premier consensus qui ouvre la porte à une autre perspective, plus polémique celle-ci : l’instauration d’un certificat de vaccination facilitant les déplacements sur le territoire de l’Union.
Au cours du dernier Conseil européen du 10 décembre, les discussions avaient très largement tourné autour de l’adoption du nouveau budget à long terme de l’Union. Un mois plus tard, alors que les Vingt-Sept se retrouvaient par visio-conférence jeudi 21 janvier, l’agenda – guidé par l’évolution du contexte épidémique – a complètement changé. Deux vaccins, ceux de Moderna et Pfizer/BioNTech, sont entrés en circulation sur le marché européen. Ils ont permis aux Etats membres de lancer leurs campagnes de vaccination de leurs populations le 27 décembre dernier, avec des fortunes diverses selon les situations nationales et l’approvisionnement assuré par les laboratoires.
Un motif d’espoir, bien que l’horizon ait été dans le même temps assombri par l’apparition de plusieurs variants du coronavirus, laissant craindre une éventuelle impuissance des actuels vaccins. De la même manière, le maintien de l’épidémie à un niveau élevé, voire sa résurgence dans de nombreux pays de l’Union, ont poussé les gouvernements européens à prolonger ou durcir leurs mesures restrictives, notamment en Allemagne. C’est donc dans ce contexte mouvant que les Vingt-Sept ont tenté de trouver une réponse commune à quatre enjeux essentiels et actuels de la crise sanitaire.
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Mieux suivre les évolutions épidémiologiques
Premier front sur lequel les Vingt-Sept ont dû travailler : l’évolution du coronavirus, dont plusieurs variants plus contagieux ont été détectés depuis le mois de décembre. Le variant britannique a notamment été signalé en France, tandis que des cas de variants bavarois ou sud-africain ont également pu être reportés. Les dirigeants européens se sont donc accordés sur la nécessité, également rappelée par la Commission européenne, d’élever le niveau de séquençage pour les cas positifs détectés sur leurs sols par les Etats membres.
Cette procédure consiste à étudier l’ADN du virus, et donc sa structure, pour mieux le connaître et avoir une perception plus fine de son évolution. Alors que le taux de séquençage du virus oscille aujourd’hui entre 0 et 1% des cas recensés dans les pays membres, l’exécutif européen encourage les administrations des Etats à atteindre la barre des 5, voire, à terme, des 10%. Pour ce faire, ces derniers peuvent s’appuyer sur les moyens logistiques du Centre européen de contrôle des maladies (ECDC).
Accélérer et harmoniser les campagnes de vaccination
Prérogative exclusivement nationale, la vaccination contre le Covid-19 connaît des fortunes diverses d’un pays de l’Union à l’autre. Si la France affiche un taux de vaccination particulièrement bas, et si les Pays-Bas ont entamé leur campagne avec du retard, à l’inverse, celles menées en Autriche et en Allemagne s’avèrent plus efficaces. Durant le sommet, les dirigeants des Etats membres se sont donc accordés sur deux principes : accélérer et harmoniser leurs campagnes.
Une stratégie guidée par un principe de base. Dans un espace aussi interdépendant que celui de l’Union, où les flux de population sont particulièrement importants, il est inutile qu’un pays affiche un fort pourcentage de personnes vaccinées dans sa population si son voisin est à la traîne. Pour s’assurer d’une avancée coordonnée des campagnes, les chefs d’Etat et de gouvernement ont rappelé aux laboratoires pharmaceutiques qu’ils devaient « tenir leurs engagements« , une allusion à peine voilée au récent retard pris par Pfizer/BioNTech dans ses livraisons. Pfizer a en effet récemment engagé des travaux sur son usine belge pour en accroître la capacité de production, une initiative qui a néanmoins ralenti à court terme la cadence d’approvisionnement en doses des Etats membres.
Autre point afférent, la controverse sur le nombre de doses disponibles dans un flacon de vaccin Pfizer/BioNTech. Le consortium estime que chaque flacon représente cinq doses, tandis que l’Agence européenne des médicaments (EMA), estime qu’il en contient six. Prenant acte de cette nouvelle donne, le laboratoire livre désormais 20% de flacons en moins, estimant qu’il respecte toujours son engagement initial en nombre de doses.
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Limiter la libre circulation en Europe pour mieux la préserver
Principe fondateur de l’Union, la liberté de circulation avait été mise à mal par les restrictions unilatérales décrétées par les Etats membres face à la première vague épidémique survenue au printemps dernier. Aujourd’hui, ni la Commission, ni les Etats membres n’entendent la limiter dans les mêmes proportions. Tous tentent de répondre au même dilemme : préserver la libre circulation tout en évitant une propagation trop rapide du virus dans l’espace intra-européen.
La Commission avait émis une recommandation visant à coordonner les mesures de restriction à la libre-circulation, adoptée le 13 octobre dernier par le Conseil. Cette dernière a permis l’instauration d’instruments de mesures épidémiologiques au niveau de l’Union avec une typologie des régions en fonction du niveau de circulation du virus réactualisée par l’ECDC, et devait permettre la mise en place de mesures sanitaires harmonisées pour les voyageurs (test PCR à l’arrivée et/ou quarantaine). Sur ce point, la recommandation avait jusqu’ici été peu suivie.
Lors du sommet du 21 janvier, les Vingt-Sept se sont accordés sur la nécessité pour les Européens de renoncer à certains déplacements sur le territoire de l’Union, comme l’a rappelé Ursula von der Leyen en affirmant que « tous les voyages non-essentiels » devaient « être fortement déconseillés ». La France a de son côté poussé pour de nouvelles mesures coordonnées en matière de contrôle des flux. Après avoir imposé la présentation d’un test PCR de moins de 72 heures aux voyageurs extra-Européens, elle va en faire de même pour les voyageurs venus du continent à partir du 24 janvier.
Sans que la décision d’étendre cette nouvelle contrainte dans l’ensemble des Etats membres ait été prise, elle reste néanmoins sur la table, le Conseil européen demandant une harmonisation à ce niveau, et plusieurs autres pays s’étant déclarés favorables à cette option. A ce sujet, la Commission européenne a par ailleurs annoncé qu’elle proposerait lundi 25 janvier une mesure exigeant des tests PCR au départ ou une quarantaine à l’arrivée pour les voyageurs venant des régions européennes où le virus circule le plus activement. Ces zones seront classées en « rouge foncé » sur les prochaines mises à jour des cartes de l’ECDC.
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Harmoniser et reconnaitre les tests et les vaccins au niveau européen
Corollaire de ces réflexions sur la libre circulation en Europe, les Vingt-Sept ont également adopté une recommandation sur la question de la reconnaissance au niveau européen des tests PCR et antigéniques pratiqués dans chacun des pays de l’Union. Concrètement, cela signifie qu’un test négatif pratiqué en Italie doit par exemple permettre de pouvoir se rendre en France, et vice-versa. Le texte insiste également sur la nécessité de développer le recours aux tests antigéniques, un outil plus souple et plus rapide, considéré comme « essentiel pour préserver la liberté de circuler aux frontières« , par le Conseil européen. Ces mesures avaient été également proposées par la Commission européenne puis par le Parlement européen en septembre 2020.
La même logique devrait être appliquée aux vaccins inoculés partout en Europe, les Vingt-Sept s’étant accordés sur la nécessité de créer une « preuve de vaccination standardisée » au niveau européen. Les chefs d’Etat et de gouvernement précisent néanmoins que son usage doit être strictement limité au médical, une mention d’importance au vu des divisions et des débats actuels au niveau européen au sujet d’un potentiel « passeport vaccinal ».
L’idée, formulée par le Premier ministre grec Kyriákos Mitsotákis dans un courrier adressé à la présidente de la Commission européenne le 12 janvier dernier, consiste à autoriser les citoyens européens vaccinés à pouvoir voyager sans faire de test PCR s’ils peuvent justifier d’un document attestant de leur immunité. Un projet soutenu par plusieurs Etats européens du Sud, dont les économies sont fortement dépendantes du tourisme intra-européen, mais aussi par la Belgique.
Si la Commission européenne s’y est dite favorable, elle reste néanmoins prudente, en préférant le terme de « certificat vaccinal » à celui de passeport, et en rappelant que ce document doit entrer en conformité avec la législation européenne en matière de protection des données et plus généralement de libertés fondamentales. La France s’y est de son côté opposée pour l’instant, rappelant que les campagnes de vaccination ne sont pas encore assez avancées pour se projeter dans cette nouvelle phase. D’autant que les connaissances scientifiques actuelles ne permettent pour l’instant pas d’établir si les personnes vaccinées peuvent ou non transmettre le virus, ni de s’assurer de la durée de l’immunité obtenue. Dans ce contexte, le Conseil européen et son président Charles Michel ont eux aussi opté pour la prudence, ce dernier affirmant que « dans un deuxième temps, nous pourrons réfléchir aux circonstances autres que médicales dans lesquelles ce certificat pourra être utilisé« .
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