Présidence Slovénie – quelles priorités?

présidence slovène du Conseil de l’UE à partir du  1er juillet 2021 et pour 6 mois.

Elle vient conclure un trio de présidences marqué par la crise du Covid-19 et la relance économique.

La Slovénie exercera jusqu'au 31 décembre 2021 sa seconde présidence du Conseil de l'UE, après un premier mandat en 2008 - Crédits : DC_Colombia / iStock
La Slovénie exercera jusqu’au 31 décembre 2021 sa seconde présidence du Conseil de l’UE, après un premier mandat en 2008 – Crédits : DC_Colombia / iStock

Après six mois de présidence portugaise, la Slovénie, membre de l’Union européenne depuis 17 ans, assume la présidence tournante du Conseil de l’UE à partir du 1er juillet 2021. C’est la deuxième fois que ce petit pays du nord-ouest des Balkans, qui a fêté le 25 juin dernier le 30ème anniversaire de son indépendance de l’ex-Yougoslavie, préside les réunions des ministres européens. Sa grande première, en 2008, avait été marquée par les préparatifs de l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, et par la déclaration d’indépendance du Kosovo.

Hasard politique, le Premier ministre de l’époque Janez Janša occupe de nouveau ce poste depuis mars 2020, après plusieurs séjours dans l’opposition. Le leader du Parti démocratique slovène (SDS, droite) devra composer avec le programme de la Commission européenne, ainsi qu’avec les bilans des présidences allemande et portugaise. Et définir, avec les présidents du Parlement européen et de la Commission, une liste de priorités politiques pour l’année 2022, avant de passer le relais à la France le 1er janvier prochain.

Conclure un trio marqué par la crise

La présidence slovène vient en effet conclure le trio de présidences entamé par l’Allemagne en 2020, et poursuivi par le Portugal du 1er janvier au 30 juin 2021. Marqué par la réponse à la crise du Covid-19, ce trio revendique déjà un important bilan – plan de relance européen, accord commercial avec le Royaume-Uni, sommet social de Porto ou Conférence sur l’Avenir de l’Europe – qu’il reviendra à Ljubljana de conforter.

Le premier des quatre axes du programme slovène, que le Premier ministre détaillera devant les eurodéputés le 6 juillet prochain, est ainsi consacré à la résilience et à la reprise, et vise à renforcer les capacités de l’UE face aux crises sanitaires, économiques, énergétiques, climatiques et cybernétiques, actuelles et futures.

Cette ambition passe, d’après le site officiel de la présidence, par la construction d’une Europe de la santé autonome, capable de garantir la disponibilité des médicaments et matériels médicaux, et de soutenir la recherche et leur développement. Ainsi, la mise en place de la nouvelle autorité européenne d’intervention en cas d’urgence sanitaire, baptisée HERA, doit permettre la mise en œuvre d’une Europe de la santé. Le programme s’intéresse par ailleurs à la résilience numérique et à la protection contre les cyber-attaques. Enfin, la présidence slovène accompagnera la reprise économique du continent en assurant la mise en œuvre effective du plan de relance Next Generation EU, puisque le Conseil de l’UE évaluera et approuvera les programmes nationaux, afin d’enclencher les premiers versements aux États membres.

Poursuivre les transitions

Chamboulé par la pandémie, le programme des trois présidences comprenait aussi plusieurs chantiers au sujet de la transition écologique et numérique, qui constituent le deuxième axe du programme slovène – en dépit du climato-scepticisme assumé du Premier ministre Janez Janša. Ljubljana entend transformer l’essai des compromis trouvés depuis 2019 au niveau européen en les traduisant en législation contraignante. En particulier, la présidence slovène s’attellera à la négociation du paquet législatif “Fit for 55″, cœur battant du Pacte vert européen, et qui englobe aussi bien la révision des objectifs de réduction d’émissions de CO2 que le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières. Avec, en ligne de mire, la COP26, prévue au mois de décembre prochain à Glasgow.

Dans le domaine numérique enfin, le second semestre 2021 verra notamment progresser la directive sur la sécurité des réseaux et des systèmes d’information (NIS), ainsi que les textes sur le marché numérique (Digital Market Act) et les services numériques (Digital Services Act). Dans son programme, la Slovénie se fixe également pour objectif de “veiller à l’utilisation éthique et au développement de l’intelligence artificielle”.

Sûreté à l’extérieur

La présidence slovène ambitionne de faire de la crédibilité internationale de l’UE son troisième axe politique. Celui-ci comprend un renforcement de l’espace Schengen et de la politique migratoire européenne, explique le pays, qui compte faire avancer les négociations sur le nouveau Pacte sur la migration et l’asile. En matière de relations extérieures, la Slovénie cherchera à renforcer les relations transatlantiques, notamment via l’OTAN, et à œuvrer en faveur du processus démocratique en Biélorussie. Mais surtout, Ljubljana souhaite faire du partenariat oriental et de la relation de l’Union avec les Balkans occidentaux sa priorité. Ainsi, une “attention particulière” sera portée à leur avenir européen, à la poursuite du processus d’élargissement, à la reprise économique de la région, ainsi qu’à la transition écologique et numérique de ces pays, indique le programme du pays. Point central de sa présidence, un sommet entre ces États doit être organisé en Slovénie à l’automne.

Valeurs à l’intérieur

Le quatrième et dernier axe de la présidence slovène, est celui des valeurs. Le gouvernement souhaite promouvoir “une Union fondée sur l’État de droit et le mode de vie européen”, reprenant à son compte l’intitulé – un temps polémique – du portefeuille du commissaire européen Margarítis Schinás. La présidence slovène, qui co-présidera la Conférence sur l’avenir de l’Europe pendant six mois, entend défendre le rôle du Conseil de l’UE et des États membres dans le processus. Ljubljana souhaite aussi alerter sur l’évolution démographique négative dans l’UE, sans pour autant détailler de propositions concrètes. Le gouvernement slovène mènera enfin, en lien avec la Commission, le second dialogue annuel sur l’état de droit en Europe, qu’il souhaite défendre comme “valeur européenne commune”, mais qui “respect[e] les traditions et les systèmes constitutionnels nationaux”.

La variable Janša

Le gouvernement slovène et son Premier ministre, Janez Janša, ont une vision bien particulière de l’état de droit et des valeurs européennes. Le chef du gouvernement, héros de l’indépendance slovène, désormais nationaliste et anti-immigration, suit en effet un chemin politique observé auparavant chez son homologue hongrois Viktor Orbán, en attaquant à répétition – notamment sur Twitter – l’indépendance de la justice et la liberté de la presse. En 2020, le rapport de la Commission sur l’Etat de droit en Slovénie pointait ainsi certains dysfonctionnements : “au-delà des procès avec un effet d’intimidation, le harcèlement en ligne des journalistes et les menaces à leur encontre soulèvent des inquiétudes auxquelles le système de justice pénale n’apporte pas de réponse”. Par ailleurs, Janez Janša a été impliqué dans une affaire de corruption dans son pays, pour laquelle il a été incarcéré en 2014, puis blanchi (2015). Il bloque depuis plusieurs semaines la nomination des procureurs slovènes au Parquet européen, installé le 1er juin 2021 (sous forme de coopération renforcée, 22 États membres participent au Parquet européen, les procureurs slovènes et finlandais n’ont pas encore été nommés).

La position du Premier ministre est toutefois précaire dans son pays. De moins en moins populaire et subissant de nombreuses défections au sein de son gouvernement ou de sa majorité, Janez Janša peine à convaincre au-delà de sa base électorale, et fait face à des manifestations hebdomadaires de ses opposants. Au Parlement slovène, les régulières motions de défiance et tentatives de destitution menacent son gouvernement.

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