Comment le Parlement européen prend-il ses décisions ?

Les députés ont élu au premier tour, par 458 voix, Roberta Metsola (PPE, MT) à la présidence du Parlement européen jusqu’en 2024. De nouveaux équilibres politiques en découlent alors que le Parlement européen est un maillon indispensable dans l’élaboration des textes de loi européens. Quels sont ses pouvoirs et de quelle manière intervient-il ?

Le Parlement européen tient ses séances plénière à Strasbourg
Le Parlement européen tient ses séances plénières à Strasbourg – Crédits : Parlement européen

Dans une majorité des cas, le Parlement européen participe aux décisions européennes selon la procédure législative ordinaire, également appelée codécision. Elle est devenue au fil des années la procédure par défaut pour l’adoption d’actes législatifs au niveau de l’Union, couvrant la grande majorité des domaines d’activité.

La proposition législative

La procédure débute par une proposition législative que la Commission européenne présente au Parlement européen. La Commission européenne possède le monopole de l’initiative législative, bien que l’impulsion politique provienne généralement d’une concertation en amont, à laquelle participent notamment les Etats membres.

Régulièrement, c’est le Parlement européen lui-même qui invite la Commission à élaborer une proposition sur un sujet particulier. Il le fait au moyen d’un rapport d’initiative législative, voté par la majorité des députés. La Commission européenne est alors libre de suivre ou non la proposition du Parlement, mais s’engage à présenter “une proposition législative dans un délai d’un an” ou à inscrire “cette proposition dans son programme de travail de l’année suivante”. Elle doit sinon “en expose[r] les motifs circonstanciés au Parlement”, précise un Accord-cadre entre les deux institutions.

D’après une étude menée par le service de recherche du Parlement européen (EPRS) couvrant la période allant de janvier 2017 à mai 2019, 218 des 219 résolutions du Parlement européen ont été suivies de réponses. Dans 48 % des cas, la Commission européenne a mis en place une action ou promis de le faire.

Le travail du rapporteur et des commissions parlementaires

La proposition de la Commission européenne parvient ensuite sur la table du Parlement européen. Celui-ci désigne alors un ou plusieurs députés chargés d’élaborer la position de l’institution sur ce texte : les rapporteurs.

Au Parlement européen, le rapporteur est choisi au sein de l’une des 20 commissions permanentes. Pour un texte portant sur les émissions polluantes, il sera par exemple désigné parmi les membres de la commission “Environnement, santé publique et sécurité alimentaire”. Le choix du ou des députés dépend d’accords entre les groupes politiques, d’un système de points permettant de répartir les rapports législatifs entre ces groupes et de l’intérêt personnel du député pour ce texte.

Le rapporteur fait alors un travail de fond sur le texte, essayant de parvenir à un compromis auprès des “rapporteurs fictifs” (également désignés comme “shadow rapporteurs”). Ces eurodéputés, issus des autres groupes politiques et membres de la même commission parlementaire, sont également chargés de suivre le sujet et coordonnent les amendements qui expriment les opinions de leur groupe. Le rapporteur tente ainsi de trouver un accord avec eux pour faciliter le vote final par l’ensemble des députés européens.

Pendant cette phase de négociation, le rapporteur et les députés membres de la commission parlementaire peuvent également consulter des acteurs extérieurs à l’institution, comme des groupes d’intérêts ou des experts, afin de se forger leur propre opinion.

Amendements et vote du texte

Le travail des membres de la commission parlementaire est d’amender le texte proposé par la Commission, c’est-à-dire de lui apporter des modifications. Le rapporteur doit, lui, préparer des amendements de compromis, qui seront prioritaires dans la liste de vote par rapport aux autres.

Une fois que le texte est adopté par la commission parlementaire, le rapport est présenté et voté par l’ensemble des députés européens lors d’une session plénière du Parlement, à Strasbourg. C’est la première lecture.

A ce stade, les groupes politiques ainsi que des groupes d’au moins 40 députés peuvent alors proposer des amendements additionnels au rapport. Sauf si moins de 10 % des députés ont voté contre en commission parlementaire, auquel cas le texte peut être voté sans amendement additionnel ni débat lors de la plénière.

Lors de la session plénière, tous les amendements proposés par les députés et le rapporteur sont votés. Si la position est adoptée par une majorité simple, elle est envoyée au Conseil. Dans les rares cas où elle n’est pas adoptée, le Parlement peut demander à la Commission européenne de retirer sa proposition. Si celle-ci refuse, la proposition retourne à la commission parlementaire pour un nouvel examen.

Vote Parlement européen
Crédits : Parlement européen

Le dialogue avec le Conseil

Une fois le texte voté et amendé par le Parlement, c’est donc au tour du Conseil de l’UE de se prononcer. Ce dernier exprime sa position une fois que le Parlement a publié la sienne, mais en pratique il travaille en même temps que lui sur le texte. Lorsque la position du Parlement lui est transmise, quatre cas de figures peuvent se présenter :

  • Si le Parlement européen et le Conseil n’amendent pas le texte de la Commission, le texte est adopté.
  • Si le Parlement amende le texte et que le Conseil accepte tous les amendements, le texte est adopté.
  • Si le Conseil n’approuve pas la position du Parlement européen (qu’il ait ou non amendé la proposition de la Commission), il adopte une position commune qui est renvoyée au Parlement européen pour une deuxième lecture.
  • Le Conseil ne parvient pas à s’entendre sur un compromis : dans ce cas la procédure est bloquée jusqu’à ce que les Etats membres trouvent un accord, au moyen de plusieurs réunions si nécessaire. En pratique, un certain nombre de textes ne franchissent pas cette étape, le Conseil n’ayant pas de délai pour se prononcer. Sans être officiellement rejeté, le texte de loi ne voit alors jamais le jour.

Dans les trois mois suivant la position commune du Conseil, le Parlement doit s’exprimer. Il peut soutenir la décision commune ou bien ne pas parvenir à un accord dans le temps imparti. Dans ces deux cas, la position commune du Conseil est adoptée. Si le Parlement, à la majorité absolue, rejette la position du Conseil (cas très rare), la procédure est close et l’acte n’est pas adopté. Enfin, le Parlement peut proposer de nouveaux amendements à la position commune du Conseil et dans ce cas, le texte repart pour une deuxième lecture au sein de cette institution. Le texte est alors réétudié par le Conseil, et la même procédure s’applique pour, si besoin, la convocation du comité de conciliation. Si celle-ci échoue, une troisième lecture peut-être entreprise.

Tout au long de la procédure, des “trilogues informels” sont organisés, afin que le Conseil et le Parlement européen parviennent à un compromis dans les meilleurs délais. Au sein de ces trilogues, la Commission joue le rôle de médiateur.

Les autres pouvoirs du Parlement européen

Le Parlement européen a un rôle fondamental dans le processus décisionnel de l’Union européenne. En effet, les eurodéputés sont élus au suffrage universel depuis 1979, faisant du Parlement la seule institution à être directement désignée par les citoyens européens.

Depuis le traité de Lisbonne, il a vu ses compétences renforcées. Une quarantaine de nouveaux domaines comme l’agriculture, la pêche, la sécurité et la justice ont été ajoutés à ceux pour lesquels il exerce un pouvoir de co-législateur.

Sur le budget

Le Parlement vote également le budget de l’Union, crucial pour la mise en œuvre des politiques européennes. Il partage cette compétence en matière budgétaire avec le Conseil de l’UE. Une situation qui donne lieu, chaque année, à une âpre bataille entre les deux institutions, qui défendent des intérêts parfois divergents.

C’est la Commission qui élabore le projet de budget annuel avant de l’envoyer pour une première lecture au Conseil de l’UE. Celui-ci élabore sa position et la transmet au Parlement européen. Celui-ci peut alors apporter des amendements à la position du Conseil. Si ce dernier approuve les amendements des eurodéputés, le budget est adopté, sinon un comité de conciliation est convoqué. A l’issue de la conciliation (qui peut aboutir à un renvoi du texte à la Commission) un texte commun est publié, sur lequel le Conseil et le Parlement doivent se prononcer. Le Parlement européen peut adopter le budget sans l’accord du Conseil, mais à une majorité particulière (majorité des membres et trois cinquième des votes exprimés). Dans le cas où les deux institutions rejettent le projet, la Commission doit en proposer un nouveau.

Si aucun accord n’est trouvé avant le début de l’année budgétaire (le 1er janvier), le système des “douzièmes provisoires” est mis en place, le temps d’adopter un nouveau budget. Dans ce cas, un douzième des crédits de l’année précédente pourra être dépensé chaque mois. Il n’est pas rare que le Conseil et le Parlement soient en désaccord sur le montant du budget : le Parlement voudrait le voir augmenter alors que le Conseil, composé des Etats membres qui financent le budget, a plutôt tendance à vouloir le limiter.

Autres attributions

Le Parlement européen élit le président de la Commission européenne, sur proposition du Conseil européen, qui tient compte des résultats des élections européennes. Celui-ci possède un pouvoir politique non négligeable au sein de l’Union européenne. C’est notamment lui qui donne les orientations de travail de la Commission pour cinq ans.

Le Parlement européen dispose également d’un pouvoir de recours auprès de la Cour de justice de l’Union européenne. Cela signifie qu’il peut saisir la Cour s’il estime qu’une des institutions européennes a agi en violation des traités. Il peut également se joindre aux parties d’une affaire s’il le souhaite.

Le Parlement européen dispose également d’autres prérogatives comme la possibilité de recevoir des pétitions émanant des citoyens européens, de créer des commissions d’enquête, voire de censurer la Commission qui doit alors démissionner.

Les limites du Parlement européen

La représentativité démocratique du Parlement européen est parfois remise en question. Le Parlement européen est élu au suffrage universel, mais le taux de participation aux élections européennes reste très faible (50,66 % en 2019 en moyenne dans l’UE). De plus, la dimension européenne est parfois absente des campagnes, qui se focalisent souvent sur l’échelon national, voire régional.

Quant à sa place dans le processus décisionnel, le Parlement européen n’est pas compétent dans tous les domaines. Il n’a par exemple pas son mot à dire sur la politique fiscale ou monétaire, pour laquelle il est seulement consulté. Dans d’autres domaines, son pouvoir est limité, notamment pour les négociations d’accords de commerce internationaux ou pour le Brexit, pour lesquelles son pouvoir théorique se limite à un droit de veto. Mais ce dernier reste une arme efficace pour influencer les négociations : le Parlement définit en effet des lignes rouges en amont des négociations, qui leur donnent un cadre. Si ces lignes rouges ne sont pas respectées, l’accord court le risque de ne pas être accepté par le Parlement européen et donc de ne pas être adopté. En ce qui concerne les questions internationales, le Parlement européen publie régulièrement des résolutions, qui ne possèdent pas de caractère contraignant.

Enfin, le Parlement ne peut pas imposer l’adoption d’un texte à lui seul. Si le Conseil de l’Union européenne est opposé au texte, alors celui-ci sera abandonné.

S’ils présentent des similitudes, notamment leur modalités d’élection, leur organisations ou leur capacité à voter des motions de censure, les parlements nationaux ont souvent plus de pouvoirs et de compétences que le Parlement européen. En France, par exemple, l’Assemblée nationale a un droit d’initiative législative similaire à celle du gouvernement.

A retenir :

  • Le Parlement européen est un rouage indispensable du processus décisionnel dans le cas des procédures de codécision.
  • Ses compétences ont été renforcées par le traité de Lisbonne.
  • Il peut proposer l’adoption de mesures législatives à la Commission européenne grâce à l’initiative parlementaire.
  • Il est organisé en différentes commissions et délégations, qui travaillent sur les textes en fonction de leur domaine d’intérêt.
  • L’objectif du rapporteur est de parvenir à un compromis.
  • Le Parlement européen est élu au suffrage universel.
  • Il est compétent uniquement dans certains domaines.

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