24.01.2019 par
Dans un peu plus de deux mois, avec ou sans accord, le Royaume-Uni ne fera plus partie de l’Union européenne… sauf si les Vingt-Huit décident ensemble de repousser ce délai. Un scénario qui reste envisageable dans plusieurs cas, mais qui viendrait encore compliquer la tâche
Crédits : Narvikk / iStock
Il aura fallu dix-sept longs mois à Theresa May et à son gouvernement pour parvenir, en novembre dernier, à conclure un accord sur le Brexit avec les Européens. Peine perdue, puisque les députés britanniques ont balayé le texte d’un revers de main le 15 janvier. Si aucune solution n’était trouvée d’ici au 29 mars, le Royaume-Uni sortirait de l’UE sans accord. Dans la nuit, la libre circulation des personnes, biens, capitaux et services serait en grande partie abolie et les barrières douanières rétablies, malgré les plans européens et nationaux visant à en limiter l’impact. Si Theresa May a insisté sur le fait que son pays sortirait coûte que coûte, sans report de la date et sans nouveau référendum, le no deal représente néanmoins une issue que beaucoup souhaitent éviter.
Plusieurs responsables britanniques et européens, dont le président français et la chancelière allemande, ont donc proposé de reporter la date de sortie. Une option qui pourrait avoir lieu dans deux cas de figure, mais qui n’est pas sans poser de nouvelles difficultés.
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Londres et Bruxelles dans l’expectative
Après le rejet de l’accord sur le Brexit, la Première ministre a dû présenter un « plan B » aux parlementaires de son pays. Ce dernier, qualifié de pâle copie du plan A, consiste à laisser l’accord actuel sur la table, et à retourner à Bruxelles pour tenter d’arracher quelques concessions aux Vingt-Sept. Avant cela, les députés de la Chambre des communes voteront sur les grandes lignes de la marche à suivre le 29 janvier. Mais au terme de ce nouveau déplacement de Theresa May, tout porte à croire qu’ils seront rappelés à voter sur un texte ressemblant fortement au précédent.
Car chacun campe sur ses positions : Theresa May refuse de maintenir le Royaume-Uni dans le marché unique après le Brexit, tandis que les Européens ne veulent pas toucher au « backstop », la garantie prévue dans l’accord de sortie pour ne pas rétablir de frontière entre l’Irlande du Nord et la République d’Irlande et éviter de raviver les conflits sanglants auxquels l’accord du Vendredi Saint avait mis fin en 1998. Ce « backstop » maintiendrait temporairement, mais pour une durée non définie, le pays dans une union douanière avec l’UE, le temps qu’une autre solution soit trouvée. Les Vingt-Sept pourraient cependant accepter de revoir à la marge la déclaration politique qui accompagne l’accord de retrait : sans valeur juridique contraignante, celle-ci guide les négociations des deux parties pendant la période de transition et jette ainsi les bases de leurs relations post-divorce.
Plan B ou référendum ?
Au vu du désastre suscité par l’accord de retrait, qui a mobilisé contre lui les deux tiers de la Chambre des communes, un ralliement des députés britanniques sur un accord amendé à la marge est-il vraiment envisageable ? Ce n’est pas encore complètement exclu, estime Elvire Fabry, chercheuse senior à l’Institut Jacques Delors : « parmi les députés ayant voté contre l’accord, certains pourraient tout de même préférer un accord amendé à un no deal, tandis que d’autres pourraient également finir par valider un tel accord par crainte que le Brexit soit remis en cause en cas de nouveau référendum« .
Or les Vingt-Sept ont signalé à Theresa May qu’un ajournement était envisageable si cette dernière leur soumettait un projet précis pour les futures relations (option norvégienne, union douanière, accord commercial…). Si cette hypothèse se concrétisait, « l’extension du délai de sortie pourrait être assez brève », précise Elvire Fabry. Le temps pour Londres et Bruxelles d’amender le texte avant de le soumettre au Parlement britannique pour un second vote et d’en assurer la mise en œuvre juridique. A l’heure actuelle, le gouvernement espère toutefois que celui-ci aura lieu courant février.
L’organisation d’un second référendum pourrait également justifier le report de la date du Brexit. Dans ce cas, l’extension devrait être au moins « supérieure à six mois » afin d’organiser correctement le nouveau scrutin, juge Elvire Fabry.
Si Theresa May y est opposée, le chef de l’opposition travailliste Jeremy Corbyn, dont la motion de défiance contre le gouvernement a été rejetée le 16 janvier, s’était jusque-là prononcé contre lui aussi. Mais il a finalement décidé le 22 janvier de « garder ouvertes toutes les options, y compris celle d’un vote public sur l’accord« . De fait, les députés du Labour ont déposé lundi 21 janvier un amendement, qui a peu de chances d’être adopté, en faveur d’un éventuel référendum sur le plan qui sera soumis à la Chambre des communes.
Comment le Brexit peut-il être reporté ?
La possibilité de reporter la sortie du Royaume-Uni est permise par l’article 50 du traité sur l’Union européenne (TUE). Celui-ci dispose que « les traités cessent d’être applicables à l’État concerné [par une décision de sortie de l’UE] à partir de la date d’entrée en vigueur de l’accord de retrait ou, à défaut, deux ans après la notification visée au paragraphe 2, sauf si le Conseil européen, en accord avec l’État membre concerné, décide à l’unanimité de proroger ce délai« . Juridiquement parlant, le Royaume-Uni peut demander un délai supplémentaire, qui doit ensuite être approuvé par les 27 chefs d’Etat et de gouvernement au Conseil européen. En revanche, rien dans le texte ne précise la durée de ce délai.
Or en mai prochain, les élections européennes doivent renouveler le Parlement européen. Avec le départ du Royaume-Uni, le nombre total de députés européens est censé passer de 751 à 705, les 73 sièges britanniques ayant été en partie supprimés, en partie redistribués aux autres Etats membres.
Les nouveaux eurodéputés doivent ensuite entrer en fonction en juillet… mais que se passera-t-il en cas de report du Brexit, si le Royaume-Uni est encore membre de l’UE à cette date ? Le Parlement a prévu, dans une décision adoptée en 2018, que « dans le cas où le Royaume-Uni serait toujours un État membre de l’Union au début de la législature 2019-2024, le nombre de représentants au Parlement européen par État membre qui prennent leurs fonctions » restera le même qu’aujourd’hui.
En cas de report, le pays doit-il ainsi faire élire de nouveaux députés européens, pour une période indéfinie mais probablement courte ? La situation serait particulièrement complexe à mettre en œuvre notamment pour Londres, qui devrait en théorie organiser une campagne électorale moins de deux mois avant les élections. Mais pour Thierry Chopin, conseiller spécial de l’Institut Jacques Delors interrogé par Les Echos, il pourrait être envisageable « d’envoyer comme parlementaires britanniques des députés désignés directement par Westminster de manière intérimaire« , après avoir vérifié la validité juridique d’une telle option. En revanche, les traités interdisent explicitement de prolonger le mandat des eurodéputés actuels. Ceux-ci ont été élus pour un mandat de cinq ans à compter de la première session de la législature, qui s’est ouverte le 1er juillet 2014.
Selon Elvire Fabry, la question de la participation du Royaume-Uni aux élections européennes semble de toute manière, pour l’heure, secondaire aux Européens. « Tout est question de perspective« , souligne-t-elle : face à l’imminence d’un no deal et « voulant à tout prix éviter ce scénario« , on « trouvera une solution pour les élections européennes« . Etant donné le caractère inédit de cette situation, les Européens n’en sont plus à une difficulté près…
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https://www.touteleurope.eu/actualite/brexit-un-report-est-il-possible.html