Bâtiments : le défi de la performance énergétique

En raison des crises climatique et de l’énergie, économiser les ressources est devenu indispensable. Que fait l’Union européenne pour accélérer la rénovation thermique des bâtiments et diminuer les émissions de gaz à effet de serre du secteur ?

La Commission européenne souhaite harmoniser les certificats de performance énergétique des bâtiments dans l'UE
La Commission européenne souhaite harmoniser les certificats de performance énergétique des bâtiments dans l’UE – Crédits : Anyaberkut / iStock

Chauffage en hiver, climatisation en été : les bâtiments sont gourmands en énergie. L’isolation de nos logements, bureaux et autres bâtiments publics et privés a des conséquences directes sur le réchauffement climatique. Le parc immobilier européen émet ainsi 36 % des gaz à effet de serre liés à l’énergie dans l’UE.

Les Européens se sont dotés d’un objectif de neutralité climatique à l’horizon 2050, qui implique donc d’améliorer la performance énergétique des bâtiments du Vieux Continent. La rénovation thermique passe surtout par l’isolation des toits et des murs, la qualité des fenêtres, l’amélioration des performances du chauffage et de l’eau chaude sanitaire ainsi qu’une bonne ventilation pour évacuer l’humidité. Autant de travaux qui permettent d’atténuer les conséquences sur l’environnement, mais aussi de faire baisser la facture de gaz ou d’électricité.

Du côté de la France, selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), le bâti représente 43 % de toute l’énergie consommée, soit presque autant que les transports et l’industrie réunis. Le résultat de constructions souvent mal isolées, ce qui fait grimper la consommation de chauffage. Début 2022, la France comptait environ 7,2 millions passoires énergétiques (étiquettes F et G), soit près de 20 % de l’ensemble des logements.

En France, le diagnostic de performance énergétique (DPE) renseigne sur la consommation d’énergie primaire et les émissions de gaz à effet de serre d’un logement ou d’un bâtiment. Le DPE utilise une étiquette, de “A” (peu énergivore) à “G” (passoire énergétique). Valable 10 ans, il est obligatoire à l’occasion de la vente d’un logement, lors de la signature d’un contrat de location ainsi que pour les bâtiments neufs.

Cet étiquetage n’est cependant pas harmonisé pleinement entre les pays européens, rendant les comparaisons difficiles. Aux Pays-Bas, le diagnostic varie par exemple entre “A+++” et “G”. Plus encore, le label “A” néerlandais équivaut à un “C” en France et à un “B” en Wallonie (Belgique), en raison de modes de calcul différents.

Performance énergétique des bâtiments : la politique de l’UE

L’Union européenne s’est principalement dotée de deux directives en matière d’efficacité thermique des bâtiments.

En 2002, une directive sur la performance énergétique des bâtiments a d’abord établi un cadre général de calcul pour les diagnostics énergétiques et des exigences minimales en la matière. Cette réglementation a aussi mis en place une inspection régulière des chaudières et des systèmes de climatisation ainsi qu’une évaluation des installations de chauffage lorsqu’elles avaient plus de 15 ans.

Révisée en 2010 puis en 2018, la directive a gagné en précision. Depuis 2021, les nouveaux bâtiments doivent être “à consommation d’énergie quasi nulle”, tout comme ceux qui connaissent de gros travaux de rénovation. Les certificats de performance énergétique, par exemple le DPE en France, sont devenus obligatoires pour la plupart des ventes et des locations des logements et des bâtiments. La révision de 2018 a par ailleurs imposé aux Etats membres d’établir une feuille de route en matière de “rénovation à long terme”.

Certains bâtiments sont exemptés de ces règles, à l’image des lieux de culte ou des sites historiques.

En parallèle, l’Union européenne a adopté en 2012 sa directive relative à l’efficacité énergétique. Egalement révisée en 2018, celle-ci fixe pour le moment un objectif global d’efficacité énergétique d’au moins 32,5 % à l’horizon 2030 (par rapport à des projections de 2007). Concrètement, cela signifie que la consommation d’énergie primaire de l’UE ne devrait pas dépasser 1 273 millions de tonnes équivalent pétrole (Mtep). Les bâtiments sont un élément clé de cette feuille de route, puisqu’ils représentent environ 40 % de la consommation finale d’énergie dans l’UE.

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La consommation d’énergie dans les Etats membres de l’Union européenne

Publiée en 2020, la stratégie de la Commission européenne “Une vague de rénovations pour l’Europe” entend doubler les taux de rénovation au cours de la décennie, tout en souhaitant garantir que ces travaux conduisent à une plus grande efficacité énergétique et à une meilleure utilisation des ressources. Selon l’exécutif, pour atteindre ses objectifs climatiques, “l’UE devrait réduire les émissions de gaz à effet de serre des bâtiments de 60 %, leur consommation finale d’énergie de 14 % et la consommation d’énergie destinée au chauffage et au refroidissement de 18 % d’ici à 2030″, par rapport aux niveaux de 2015.

Comment l’Union européenne compte aller plus loin

En décembre 2021, la Commission européenne a ensuite proposé une nouvelle révision de la directive sur la performance énergétique des bâtiments. Pour atteindre l’objectif de réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport aux niveaux de 1990, l’exécutif veut notamment accélérer les rénovations, réduire la consommation d’énergie et promouvoir les énergies renouvelables dans le secteur.

Les quelque 15 % des bâtiments les moins performants du parc immobilier de chaque Etat membre devront être modernisés pour passer de la classe d’efficacité énergétique “G” à la classe “F”, au moins. Un objectif à atteindre à l’horizon 2027 pour les bâtiments non résidentiels et d’ici à 2030 pour le secteur résidentiel. En 2025, tous les certificats devront également reposer sur un étiquetage harmonisé de “A” à “G” à l’échelle européenne.

La Commission souhaite par ailleurs introduire une nouvelle définition du “bâtiment à zéro émission”. Celle-ci serait applicable à toutes les nouvelles constructions publiques dès 2027, puis à tous les bâtiments rénovés à partir de 2030. Pour être qualifié de “zéro émission”, un bâtiment devra alors avoir une très haute performance énergétique et couvrir entièrement sa très faible consommation d’énergie par des énergies renouvelables. Son impact sur le réchauffement climatique devra même être évalué pour l’ensemble du cycle de vie du bâtiment.

Des installations d’énergie solaire devront aussi être déployées sur tous les bâtiments publics et non résidentiels neufs (supérieurs à 250 m² au sol) dès 2027, puis sur toutes les résidences neuves à partir de 2030. Le texte entend par ailleurs augmenter le nombre de points de recharge pour les voitures électriques et de stationnement pour les vélos lors des réhabilitations d’immeubles.

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L’énergie dans l’Union européenne

La Commission européenne a également présenté une révision de la directive sur l’efficacité énergétique en juillet 2021. Elle prévoit un objectif d’efficacité énergétique de 9 % d’ici à 2030 (par rapport au scénario 2020), lui-même ensuite rehaussé à 13 % dans le plan REPowerEU publié en mai 2022. Cela introduirait une limite de 980 Mtep pour la consommation primaire d’énergie dans l’UE.

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Les financements européens pour la rénovation des bâtiments

L’Union européenne met la main au portefeuille pour soutenir la rénovation thermique des bâtiments. Avec son plan de relance de 750 milliards d’euros, baptisé “Next Generation EU”, l’UE finance des projets en ce sens. 37 % de ses dépenses doivent être consacrés à des initiatives pour le climat et l’environnement, ce qui comprend l’amélioration de la consommation d’énergie du parc immobilier européen.

La déclinaison française du plan de relance a par exemple prévu 2,7 milliards d’euros pour la rénovation énergétique des bâtiments de l’Etat. Pour les particuliers, l’opération “MaPrimeRenov’ ” permet aussi de financer des travaux d’isolation, de chauffage, de ventilation ou d’audit énergétique des maisons et appartements. Cette aide peut atteindre 20 000 euros. Environ trois quarts du dispositif sont financés par le plan de relance européen.

Les financements de la politique européenne de cohésion peuvent aussi être mobilisés. C’est vrai en particulier pour le Fonds européen de développement régional (FEDER) et le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER).

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Qu’est-ce que la politique de cohésion de l’Union européenne ?

Le Fonds social pour le climat sera lancé à partir de 2026 afin de préparer l’Europe à l’extension du marché carbone aux bâtiments et au transport routier. Il doit soutenir les ménages dans leurs économies d’énergie.

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Transition énergétique : qu’est-ce que le Fonds social pour le climat ?

Dans le cadre du fonds sectoriel pour la recherche et l’innovation “Horizon Europe”, la Commission européenne a lancé la mission “100 villes neutres pour le climat d’ici à 2030”, dotée de 360 millions d’euros entre 2022 et 2023. Les “missions” de l’UE consistent à apporter des solutions sur des problématiques de société, comme la protection des océans ou la lutte contre le cancer, en mobilisant des financements d’Horizon Europe. En France, neuf villes ont été sélectionnées pour participer à l’initiative qui couvre l’efficacité énergétique du bâti, dont Angers, Bordeaux et Grenoble.

La Banque européenne d’investissement propose de son côté des prêts à taux avantageux pour les collectivités. Le mécanisme ELENA fournit une assistance technique pour les investissements dans l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables du bâti. Cette politique de la BEI s’inscrit dans la mise en œuvre d’InvestEU, le programme qui vise 372 milliards d’euros d’investissements publics et privés dans l’UE d’ici à 2027.

En décembre 2022, l’institution financière a par exemple prêté 95 millions d’euros sur 25 ans à la Ville et l’Eurométropole de Strasbourg pour la reconstruction et la rénovation d’une vingtaine d’écoles maternelles et primaires, de quatre gymnases et de la Maison sport-santé de la capitale alsacienne.

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Interview de l’eurodéputée Marie Toussaint (Les Verts/ALE) sur la performance énergétique des bâtiments, réalisée en mars.

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